Dans le cadre du projet AAA – Augmented Artwork Analysis, financé par l’ANR et le FNR, les équipes de recherches françaises, luxembourgeoises et belges qui y participent organisent le colloque « Interroger le visible, images qui se répondent » visant à rassembler certains des principaux chercheurs impliqués dans des projets de réalité augmentée et d’intelligence artificielle dédiés à la valorisation, l’analyse et l’interprétation des œuvres d’art en tant que patrimoine muséal.
Sans le support du numérique, on est face à la difficulté de travailler de manière comparative sur de larges corpus d’images et donc d’annoter et de répertorier traits et motifs plus ou moins récurrents et traversés par des évolutions variées. En même temps, le fait que des théories du passé sont restées, au moins en partie, programmatiques, voire à l’état d’intuitions, ne doit pas à présent mener à une “dévolution” du travail de l’historien ou du sémioticien aux machines et aux logiciels. Si l’analyse assistée par ordinateur a été beaucoup discutée, c’est parce que le traitement automatique des données ne peut rester qu’un passage au sein d’une pratique interprétative qui dépasse les horizons machiniques et qui englobe des moyens critiques supplémentaires pour parvenir à ces objectifs. Au fond, nous pourrions renverser l’expression rhétorique habituelle pour souligner la dimension complémentaire du « calcul assisté par l’interprétation ». Cette version “chiasmatique” de l’assistance mutuelle entre machine et interprète peut être une bonne piste pour corriger certaines erreurs du passé, mais il est possible qu’elle n’arrive pas encore à tenir compte des avancées sur le plan des technologies disponibles. Quand on parle de deep learning, on renvoie à un apprentissage de la machine structuré sur des architectures à divers niveaux de représentation ; ces niveaux sont hiérarchisés entre eux et susceptibles de prendre l’un le relais de l’autre et d’accompagner ainsi des traitements non linéaires et récursifs des données. La plupart des calculs pourraient être réduits à l’extraction de l’information et à la reconnaissance des modèles, mais dès que le deep learning est assumé comme prothèse par un chercheur, il semble construire un nouveau regard sur les phénomènes investigués et, bien que non neutre, il apporte de la connaissance et donc une significativité des résultats qui dépassent la simple reconnaissance.
Le colloque sera organisé en quatre demi-journées thématiques avec des intervenants spécialisés dans chaque domaine concerné : (i) approches épistémologiques : voir avec la machine ; (ii) approches informatiques : apprendre à la machine à voir ; (iii) approches professionnelles et pédagogiques : apprendre aux visiteurs d’un musée à voir ; (iv) approches « augmentées » : voir à nouveau et autrement le patrimoine artistique. Les deux dernières thématiques seront développées aussi à travers des tables rondes visant à basculer du point du vue académique à la perspective professionnelle, de manière à prendre en compte les savoirs de terrain aussi bien que les pratiques des musées, notamment pour ce qui concerne leurs collaborations avec les entreprises qui s’occupent de l’implémentation de dispositifs de réalité augmentée. Au vu de la présence de trois doctorants qui sont financés par l’ANR et le FNR, avec des bourses adossées au projet AAA, le colloque veut réserver des créneaux pour la présentation de leurs recherches en acte devant la communauté scientifique. Les doctorants seront sollicités aussi pour jouer le rôle de discutant par rapport aux interventions les plus proches des sujets de leurs thèses. D’autres doctorants qui travaillent dans le même domaine seront aussi invités à participer. En outre, le colloque vise aussi à donner suite aux travaux réalisés à l’intérieur de la Winter School (Rome, Academia Belgica/Villa Médicis, 15-19 janvier 2024) et à prolonger les discussions.