A contrario

Lat. contrarius, “contraire”. On trouve aussi la formulation explicite “argument a contrario sensu”, argument “par le sens contraire” ; ainsi que la construction avec la préposition ex, complecti ex contrario : “conclure par les contraires” (Cicéron, cité dans Dicolat, Complector).

En droit, l’argument a contrario est défini comme :

Un procédé discursif d’après lequel, une proposition juridique étant donnée, qui affirme une obligation (ou une autre qualification normative) d’un sujet (ou d’une classe de sujets), faute d’une autre disposition expresse, on doit exclure la validité d’une proposition juridique différente, qui affirme cette même obligation (ou une autre qualification normative) à l’égard de tout autre sujet (ou classe de sujets).” (Tarello 1972, p. 104). C’est ainsi que si une disposition oblige tous les jeunes gens, ayant atteint l’âge de 20 ans, à accomplir leur service militaire, on en conclura, a contrario, que les jeunes filles ne sont pas soumises à la même obligation. (Perelman 1979, p. 55)

Une mesure n’est applicable que dans la catégorie et aux personnes strictement mentionnées et seulement à elles ; si une disposition est prévue pour les êtres appartenant à telle catégorie, alors elle ne s’applique pas aux êtres qui n’appartiennent pas à cette catégorie. Ainsi définie, l’argumentation a contrario correspond à l’argumentation par les contraires.

C’est une application de la règle de quantité de Grice, qui demande que l’on fournisse la quantité d’information nécessaire, ni plus ni moins, V. Coopération. La disposition doit être prise au sens strict ; elle n’est pas accompagnée d’une clause du genre qui permettrait son extension ; si le législateur avait eu l’Intention d’incorporer les filles, il lui aurait suffi de remplacer “jeunes gens” par “personnes”.
Cette règle suppose que le système du droit est bien fait et stable. Dans une période d’évolution de la société et de révision du droit, on opposera l’argumentation a pari à l’argumentation a contrario Dire que les femmes sont engagées dans un processus de conquête de l’égalité avec les hommes, c’est dire qu’elles refusent qu’on définisse leur statut a contrario par rapport à celui des hommes, et qu’elles demandent que les lois soient appliquées a pari, quel que soit le degré d’attractivité de ces lois (droit de vote ou service militaire).
Il n’y a pas de paradoxe dans le fait qu’il soit possible d’appliquer a pari et a contrario, dans une même situation ; cela ne fait que refléter la dualité des positions possibles sur les questions sociales. Le paradoxe n’apparaît que si on veut faire fonctionner le règlement comme un système logique immuable, asocial et anhistorique.