Attaque personnelle

    • Argument ad personam; le substantif persona désigne non pas l’identité personnelle de l’individu mais le masque de l’acteur, qui correspond à son rôle. À l’inverse, dans l’expression “attaque ad personam”, le mot persona renvoie à la personne.

L’attaque personnelle peut cibler la personne publique ou privée. Elle viole les règles de politesse et les interdictions éthiques qui protègent l’individu, en tant qu’être humain unique. Elle contourne les positions de l’adversaire, pour s’en prendre à sa personne afin de rendre son discours inaudible.

La réfutation proprement dite porte sur les positions prises par l’adversaire, alors que l’attaque personnelle est une stratégie de contournement métonymique des positions de l’adversaire ; pour éliminer les dires, on disqualifie le locuteur.

L’attaque personnelle contre l’adversaire est parfois appelée “attaque ad personam”, distincte de l’attaque ad hominem qui se situe sur un plan strictement cognitif pour exploiter une contradiction entre les positions prises par l’opposant et ses croyances ou son comportement. Néanmoins, l’étiquette ad hominem est fréquemment utilisée avec le sens de ad personam, pour désigner une attaque personnelle.

Les règles de la politesse argumentative ne correspondent pas aux règles de la politesse ordinaire. Elles ne s’appliquent pas sur certains points aux acteurs d’une situation argumentative, mais, ces modifications mises il n’en reste pas moins vrai que ces acteurs peuvent se comporter correctement ou grossièrement dans une telle situation.
L’attaque de la personne est explicitement condamnée par les Règles 4 de Hedge « pour une controverse honorable », V. Règle, § 2.2

Règle 4. On ne doit se permettre aucune considération touchant à la personne de l’adversaire. (1838, p. 159-162)

La règle 7 demande aux locuteurs de s’abstenir de toute moquerie :

Règle 7. Comme la vérité, et non pas la victoire est le but proclamé de toute controverse […]. toute tentative pour […] affaiblir la force [du raisonnement de l’adversaire] par l’humour, la chicane ou en le tournant en ridicule [by wit, caviling, or ridicule] est une violation des règles de la controverse honorable. (id.)

L’insulte est la forme la plus extrême de l’attaque ad personam : “Monsieur, vous êtes un vrai salaud !”. Il semble que sa prohibition va tellement de soi qu’elle n’est pas mentionnée par Hedge.

L’attaque personnelle est une façon de pourrir le débat. Ironiser sur l’adversaire hors de propos, faire allusion à lui en des termes négatifs, peut contribuer à lui faire perdre son sang-froid, brouiller son discours, le pousser à se placer lui-même sur le terrain personnel et à répondre sur le même ton. le public sera tenté de renvoyer les pugilistes dos à dos.

L’attaque personnelle peut être directe, et porter sur la vie privée de l’adversaire par exemple, dire dans un débat politique à son adversaire dont les enfants ont des problèmes :

Vous feriez mieux de vous occuper de vos enfants !

est une attaque personnelle que beaucoup trouveraient violente.
Plus subtilement, l’attaque peut être portée de façon indirecte en introduisant la question de la politique familiale dans le débat, en soulignant la nécessité pour les parents de s’occuper en priorité de leurs enfants ; la rumeur pourvoira aux prémisses manquantes.

Degrés de pertinence de l’attaque sur la personne

Selon qu’elle est ou non liée à la question débattue, l’attaque personnelle est plus ou moins pertinente. Considérons les descriptions insultantes de l’adversaire faites dans le cadre de la question argumentative “Faut-il intervenir en Syldavie ?

Proposant : — Il faut intervenir en Syldavie de toute urgence !

Opposant :      1. Arrête tes idioties espèce de va-t-en guerre !
2. Pauvre imbécile manipulé par les médias !
3. Pauvre imbécile, il y a huit jours tu étais incapable de localiser la Syldavie sur une carte !

Dans le cas (1) et (2), on a affaire à des attaques insultantes jusqu’à plus ample informé gratuites, c’est-à-dire sans liaison avec la question argumentative.
Mais dans le cas (3), rien n’est clair ; l’opposant fournit un argument tendant à invalider l’interlocuteur dans le cadre du présent débat. L’attaque n’est donc pas dénuée de pertinence, mais cela ne justifie pas l’insulte qui l’accompagne.
Il faudrait pouvoir faire une différence entre traiter quelqu’un d’imbécile et appeler imbécile un imbécile, mais ce n’est pas possible, tous les insulteurs diront qu’ils ne font que décrire l’insulté ; d’où la prohibition générale de l’insulte.