Consensus, Arg. du —

1. Positions du consensus en argumentation

— Consensus opposé au dissensus, V. Consensus ; Désaccord.
— Consensus comme accord posé, V. Accord.
— Consensus comme accord visé, V. Persuasion
— Argument du consensus, cette entrée.

2. Les arguments fondés sur le consensus

L’argument du consensus est une forme d’argument d’autorité. Il a la forme générale :

On a toujours pensé, désiré, fait… comme ça (ici). Donc achetez (désirez, faites…) comme ça.
Tout le monde (ici) aime le produit Untel. Il est étrange que vous n’en consommiez pas ?

L’étiquette “argument du consensus” couvre une famille d’arguments qui fondent l’acceptabilité d’une conclusion sur le fait qu’il y a accord sur le sujet. Dans le dialogue, cet argument permet de rejeter une proposition qui s’oppose au consensus. L’argument du consensus est lié à l’argument de la tranquillité. Les dimensions du groupe où le consensus est supposé régner varient depuis le petit groupe de participants à la discussion jusqu’à inclure tous les humains de tous les temps. La proposition faisant prétendument l’objet d’un consensus est présentée comme in-discutable dans ce groupe, il s’ensuit qu’en s’y opposant, le contradicteur s’exclut de cette communauté. Il se trouve ainsi récusé sans qu’il soit besoin de prendre la peine de les réfuter.

Grand nombre

Lat. arg. ad numerum ; de numerus, “nombre”

L’argument du (plus) grand nombre tend vers l’argument du consensus.

La majorité / beaucoup de gens … pensent, désirent, font… X.
Trois millions d’Américains l’ont déjà adopté !
Mon livre s’est mieux vendu que le tien.
C’est un acteur très connu.

Le sens commun est l’âme du consensus, la faculté mystérieuse qui a le don de rendre les opinions et les actes du plus grand nombre raisonnablement raisonnable et de légitimer les affirmations qui n’ont aucune autre source de légitimité.

Raison comme sens commun

L’argument du consensus se fond avec celui de l’autorité généreusement accordée à la sagesse traditionnelle, au bon sens ou au sens commun, V. Autorité ; Fond.

Je sais que les Français m’approuvent.
Seuls les extrêmes m’attaquent, tous les gens de bon sens sont d’accord avec moi.

Suivisme : Bandwagon fallacy

L’argument du grand nombre est un appel à l’imitation, poussant la personne à s’intégrer à un groupe qui lui fournit un modèle d’action.
L’imitation est condamnée comme du suivisme dans l’expression métaphorique anglaise bandwagon fallacy. Le bandwagon est littéralement le wagon décoré qui promène l’orchestre à travers la ville, et que tout le monde suit avec enthousiasme. Suivre ou monter dans le bandwagon, c’est prendre le train en marche, suivre le mouvement, se joindre à une “émotion” populaire, au sens étymologique du terme.

L’imitation a ses vertus ; lorsqu’on ne sait pas ce qu’il faut faire, regarder ce que font les autres et choisir de suivre leur exemple peut être une sage décision. C’est ce qu’on fait quand on veut escalader un sommet qu’on ne connaît pas, et qu’on décide de suivre une autre cordée qui a l’air de savoir par où il faut passer.
Néanmoins, faire quelque chose parce que tout le monde le fait est une manifestation d’un instinct grégaire, manifestant un renoncement à la réflexion et au choix personnel ; cette fallacie est également associée à l’argument “populiste” ad populum.

L’argument “tout le monde fait comme ça” est au mieux un argument périphérique, auquel on peut avoir recours par défaut. L’argument de la tranquillité pousse au suivisme, comme le dit l’adage déprimant “mieux vaut avoir tort avec tout le monde qu’avoir raison tout seul”, du moins pendant un certain temps, comme l’apprennent à leur détriment les moutons de Panurge.

3. Arguments du petit nombre, du sentiment personnel
et du chemin solitaire

L’argument du petit nombre valorise ce que rejette l’argument du grand nombre : recherche de la distinction , volonté de faire partie des élites, de la minorité agissante, etc. V. Richesse et pauvreté ; Valeur.
Le petit groupe peut se réduire à l’individu, qui se préfère seul contre tous, ou qu’il veuille manifester la force de son sentiment personnel.