Connecteurs argumentatifs

1. Cadre terminologique

La terminologie autour des connecteurs et des marqueurs de structuration discursive ou argumentative est foisonnante. Schématiquement, le cadre de la discussion est le suivant.

Balisage
L’analyse argumentative des connecteurs suppose qu’a été effectué le balisage de la séquence où ils figurent.

Particules discursives et connecteurs
Les connecteurs langagiers sont rattachés à la catégorie des particules discursives. En grammaire de la phrase et du discours, cette catégorie renvoie à un ensemble de mots ou locutions composé essentiellement par les conjonctions, prépositions, certains adverbes, interjections. Certaines particules discursives sont particulièrement attachées à l’oral : eh bien, ben, bof, m’enfin
Les connecteurs logiques sont définis par leurs tables de vérité. Les connecteurs discursifs sont des mots de liaison, qui lient deux termes ou deux propositions simples ou complexes pour former un nouveau terme ou une nouvelle proposition. Et, mais, d’ailleurs, pourtant… sont des connecteurs discursifs qui ont les mêmes conditions de vérité que le “&” logique.

Les connecteurs langagiers assument diverses fonctionnalités, seuls certains connecteurs ont une valeur argumentative. D’autres ont des fonctions connectives essentiellement non argumentatives, même s’ils peuvent figurer dans des contextes argumentatifs. Par exemple, les connecteurs de liste, “premièrement, deuxièmement, ensuite, quatrièmement, et finalement” peuvent servir à énumérer aussi bien les points de l’ordre du jour qu’une succession d’arguments. L’effet de liste peut être lui-même argumentatif.

Les connecteurs à fonction argumentative, par abréviation connecteurs argumentatifs, contribuent au repérage et à la délimitation du segment de discours fonctionnant comme argument et du segment de discours fonctionnant comme conclusion, à l’intérieur de la séquence argumentative. Les connecteurs (fonctionnellement) argumentatifs sont plurifonctionnels ; ils ne sont des marqueurs d’argument ou de conclusion que dans certains de leurs emplois.

Marqueurs d’argument ou de conclusion
D’autres mots que les particules et d’autres constructions que les constructions à particule peuvent marquer la structuration argumentative. Les constructions

A ; ce qui me permet de conclure que B
de ceci, on peut conclure cela

ont la même structure argumentative que “A donc B” (voir infra  §4).

En résumé :
— Les connecteurs sont des particules de liaison plurifonctionnelles.
Ils peuvent marquer la structuration argument-conclusion.
— La structuration argument-conclusion peut également être marquée par des verbes connecteurs, et d’autres types de construction.

2. Connecteurs fonctionnellement argumentatifs

Alors que l’observation des pratiques langagières est, en principe, tout pour les théories rhétoriques anciennes de l’argumentation, ces théories ne s’occupent pas spécialement des mots de liaison structurant les passages argumentatifs.
Les modernes pas davantage : Perelman et Olbrechts-Tyteca ([1958]) n’en parlent pas, non plus que Lausberg (1960) dans sa monumentale recréation du système classique.
En revanche, ces mots sont bien présents dans le modèle de Toulmin (1958). Le warrant (loi de passage) est introduit par since, “puisque” ; le backing (support) par on account of, “étant donné que” ; le claim (conclusion) par so, “donc” ; le rebuttal (contre-discours) par unless, “à moins que”. Mais Toulmin n’approfondit pas autrement la question ; c’est la théorie de l’argumentation dans la langue d’Anscombre et Ducrot (1983), qui a introduit la thématique des “mots du discours”, dont font partie les connecteurs, comme une composante centrale de la théorie de l’argumentation (Ducrot et al. 1980).

Parler de marqueur d’argument et de marqueur de conclusion n’implique pas forcément qu’on adopte un point de vue positiviste-formaliste selon lequel une marque serait forcément un lexème unifonctionnel. Dans l’usage, les particules sont polyfonctionnelles. Certaines de leurs occurrences ne sont pas argumentatives ; on ne peut pas déduire du fait qu’on rencontre un parce que ou un donc qu’on se situe dans une structure argumentative, et ce n’est pas parce qu’on introduit un donc qu’on produit une argumentation, V. Expression.
La discussion de la valeur argumentative d’une particule doit être rapportée à la séquence argumentative elle-même (V. Balisage), indépendamment définie, c’est-à-dire en tant qu’elle est organisée par une question argumentative articulant discours et contre-discours, ce qui n’interdit pas la pratique de l’ars subtilior de la reconstruction des argumentations profondes.

Il s’ensuit que le caractère argumentatif des particules est second, dérivé du contexte, et non pas primitif. Le fait d’apparaître dans des contextes argumentatifs active leur fonction argumentative.
Les particules ayant des emplois argumentatifs sont ainsi à prendre :
Avec leurs caractéristiques syntaxiques propres ;
Dans leur polyfonctionnalité idiosyncrasique, telle qu’elle est décrite par le dictionnaire et  la grammaire.
Par exemple, le connecteur cependant est polyfonctionnel, il peut marquer aussi bien une pure concomitance temporelle qu’une opposition argumentative. Dans le texte de Flaubert (infra §3.2), le cependant surligné marque la concomitance.
Dans leur polyfonctionnalité en tant que particules argumentatives : une particule comme mais peut marquer un argument, une conclusion, une contradiction ou une dissociation argumentative.

Donc, mais sont des cas centraux de particules à fonction argumentative.

2.1 Le connecteur donc

Donc serait donneur d’ordre interprétatif si l’on pouvait tenir des principes comme “s’il y a un donc, la proposition qui suit est nécessairement une conclusion ; s’il y a un parce que la proposition qui suit est forcément un argument pour une conclusion”.
Or ces particules sont polyfonctionnelles ; il y a des donc et des parce que non argumentatifs, et il y a des argumentations sans donc ni parce que. Elles restreignent les possibilités d’interprétation en évoquant une possible structure argumentative, mais  elles ne sont pas des sommations adressées à un destinataire somnolent pour le réveiller de sa torpeur interprétative. Autrement dit, si l’interprétant attend d’être alerté par un donc ou un parce que pour se rendre compte qu’il est dans une situation argumentative, il a un problème sérieux de compétence argumentative ; et si le locuteur pense qu’argumenter c’est mettre un peu partout des donc et des parce que qui “donneront à l’interlocuteur l’ordre d’interpréter comme une argumentation” le tas de mots qu’on lui propose, il y a de fortes chances pour que cet interlocuteur se rebelle. Aristote avait déjà repéré cette stratégie et la considérait avec raison comme fallacieuse, V. Expression. Le poids de ces indicateurs dans le travail de production et d’interprétation argumentative est potentiel et second.

Donc peut être marqueur de conclusion, et bien d’autres choses ; il peut par exemple marquer la reprise d’un thème déjà introduit et formant le thème ratifié du texte ou de l’interaction, mais momentanément abandonné dans l’exposé ou la conversation. Ce donc de reprise, non argumentatif, peut se trouver un peu partout, et notamment dans des contextes argumentatifs, ce qui corse le problème. L’exemple suivant est extrait d’un débat animé sur l’attribution de la nationalité française aux émigrés vivant en France :

Je pense que:: toutes ces personnes- et puis aux personnes aussi qui sont venues donc pendant les trente glorieuses on leur doit quand même une certaine forme de respect. (Débat sur l’immigration[1])

Personne n’a jamais douté que « ces personnes » soient « venues pendant les trente glorieuses » ; le raisonnement est que puisque elles sont venues pendant les trente glorieuses elles ont donc droit au respect en tant que travailleurs. En fait, donc rappelle un énoncé qui est, fonctionnellement, non pas une conclusion mais une composante d’un discours-argument. La structure est :

[Nous devons respecter ces gens, Conclusion]
[ils sont venus travailler (pendant les trente glorieuses), Argument]

Et non pas :

* nous devons le respect à tous ces gens,
donc ils sont venus pendant les années de boom d’après-guerre.

L’intervention suivante est faite par un régisseur d’immeuble au cours d’une session de conciliation avec sa locataire (anonymisée ici en LOC). Le régisseur récapitule sa position : il demande 80 F (12 €) d’augmentation. Le donc qu’on y relève est particulièrement intéressant car il accompagne ce qui est une conclusion (“pour telle et telle raisons, je demande donc 80 F d’augmentation”), mais cette conclusion est rappelée, elle n’est pas tirée de ce qui précède. Comme dans le cas précédent, c’est un donc non argumentatif, un donc de rappel et de développement, marquant non pas le fait qu’on tire actuellement une conclusion, mais que ce qui va être dit – et qui se trouve être une conclusion – a déjà été dit, est connu et admis par les interactants :

Moi j’avais d=mandé madame LOC doit s’en rappeler’ j’avais d=mandé si v=voulez’ euh: donc euh: quatre vingt francs si v=voulez’ pour arriver à mille trente, par mois, c=qui m=paraissait très raisonnable, FORT très raisonnable’ vu l’appartement’ et vu son emplacement’ […] bon et bien j=demandais mille trente francs, comme dernier’ pour éviter’ le lapsus’ qui avait été commis’ par ma s=crétaire
Corpus CLAPI, Négociation sur les loyers[2]

3. Le connecteur mais

3.1 Mais inverseur d’orientation argumentative

La théorie de l’argumentation dans la langue propose une approche argumentative des connecteurs linguistiques au moyen du concept d‘orientation. Le cas de mais, particulièrement stimulant, a joué le rôle de prototype pour l’analyse des connecteurs (Carel 2011).
Le contexte choisi pour analyser cette conjonction est schématisé par E1 mais E2”, “le restaurant est bon, mais cher. Les observations de base sont les suivantes :

— E1 et E2 sont vrais (le restaurant est bon, et il est cher).
Du point de vue logique, mais est une expression de ‘&’, une variante “rhétorique” de et, V. Connecteurs logiques.

Mais renvoie à une opposition.

  • L’opposition n’est pas entre les prédicatsêtre bon” et “être cher: on sait que “tout ce qui est bon est cher”, et on a tendance à penser que tous les restaurants chers sont forcément bons.
  • Elle est entre les conclusions tirées de E1 et de E2.
    Autrement dit, les énoncés E1 et E2. sont les arguments pour des conclusions opposées ; ils sont anti-orientés :
              Le restaurant est bon, conclusion : allons-y !
    Le restaurant est cher, conclusion : n’y allons pas !

Le locuteur retient la conclusion tirée du second énoncé, n’y allons pas.

Mais articule deux arguments orientés vers des conclusions contradictoires, pour ne retenir que la conclusion dérivée du second argument.

Dans la théorie de l’argumentation dans la langue, le sens de mais est dit “instructionnel” ; mais donne au récepteur la consigne de “trouver une conclusion C telle que E1 est un argument pour C et E2 un argument pour non C”. C’est au récepteur de se débrouiller pour reconstruire une opposition argumentative dans le contexte pertinent, texte ou échange conversationnel.

Mais articule des contenus sémantico-pragmatiques
Un énoncé comme “et c’est ainsi que le commissaire Valentin coffra toute la bande” peut clore un roman ; la portée à gauche de “et c’est ainsi que —” correspond sinon à tout le roman, du moins au roman depuis le début de l’enquête du commissaire Valentin. Il en va de même pour le connecteur mais, qui articule non pas des propositions mais des contenus sémantico-pragmatiques, entités déterminables en contexte seulement. En d’autres termes, cette conception instructionnelle produit non pas du sens componentiellement dérivé mais des interprétations. Cette description repose sur la notion d’orientation.

— Mais s’inscrit dans le champ d’une question argumentative
La reconstruction de la conclusion C se fait dans le champ d’une question argumentative. La reconstruction précédente s’inscrit sous une question comme pourquoi ne pas essayer ce restaurant ? Si la question est “Quel restaurant devrions-nous acheter pour faire le meilleur investissement ?”, le rapport qualité / prix (l’interprétation des adjectifs bon et cher) ne seraient plus relatif au domaine culinaire mais au domaine des investissements financiers :

Ce restaurant est bon (il offre des performances financières exceptionnelles) mais il est cher (à l’achat)

La conclusion serait “investissons notre argent ailleurs”.
Si les données soutenant l’analyse sont limitées à une paire d’énoncés, la conclusion est implicite, et l’analyste doit faire appel à son imagination pour reconstruire le contexte manquant.

C’est la question argumentative qui structure le contexte et crée le champ de pertinence et les contraintes d’interprétation. La question argumentative n’est implicite qu’en raison du mode de construction des données, qui appuie l’analyse de mais sur une paire d’énoncés. Cette technique pose que la prise en compte d’un contexte plus large n’affecte pas les fondements de l’analyse et ne doit intervenir, à titre d’illustration, que lors de l’analyse de cas. C’est une décision portant sur l’équilibre hypothèses internes / hypothèses externes de la théorie.

3.2 Mais inverseur d’orientation narrative et descriptive

Mais n’est pas systématiquement argumentatif. D’une façon générale, mais fonctionne comme inverseur d’orientation, que cette orientation soit narrative, argumentative, informative ou descriptive

27 août : ce vendredi, je me suis rappelée que la taxe annuelle sur ma voiture allait arriver à échéance. Comme je ne suis pas de celles qui attendent la dernière minute pour la faire renouveler, je me suis décidée, je suis entrée dans le bureau. Un employé était là, qui m’attendait, ou presque. En quelques minutes, via Internet, tout a été fait. Me voilà tranquille jusqu’à l’année prochaine. Mais pendant ce temps-là…
Lui il marchait, et tandis qu’il marchait, inlassablement, la tête haute, bercé par son rythme régulier, il rêvait à l’année prochaine, à ces nouvelles classes, à sa passion pour l’enseignement et la philosophie, à l’espoir que représentent les jeunes de son pays.
[3]

Dans le passage suivant, Emma Bovary se rêve dans un tableau puis bascule brutalement dans le monde de la réalité prosaïque (le mais est souligné par nous) ; la bascule est effectuée par un mais :

Au galop de quatre chevaux, elle était emportée depuis huit jours vers un pays nouveau, d’où ils ne reviendraient plus. Ils allaient, ils allaient, les bras enlacés, sans parler. Souvent, du haut d’une montagne, ils apercevaient tout à coup quelque cité splendide avec des dômes, des ponts, des navires, des forêts de citronniers et des cathédrales de marbre blanc, dont les clochers aigus portaient des nids de cigognes. On marchait au pas à cause des grandes dalles, et il y avait par terre des bouquets de fleurs que vous offraient des femmes habillées en corset rouge. On entendait sonner des cloches, hennir des mulets, avec les murmures des guitares et le bruit des fontaines, dont la vapeur s’envolant rafraîchissait des tas de fruits, disposés en pyramides au pied des statues pâles, qui souriaient sous les jets d’eau. Et puis ils arrivaient, un soir, dans un village de pêcheurs, où des filets bruns séchaient au vent, le long de la falaise et des cabanes. C’est là qu’ils s’arrêtaient pour vivre : ils habiteraient une maison basse à toit plat, ombragée d’un palmier, au fond d’un golfe, au bord de la mer. Ils se promèneraient en gondole, ils se balanceraient en hamac ; et leur existence serait facile et large comme leurs vêtements de soie, toute chaude et étoilée comme les nuits douces qu’ils contempleraient. Cependant, sur l’immensité de cet avenir qu’elle se faisait apparaître, rien de particulier ne surgissait : les jours, tous magnifiques, se ressemblaient comme des flots ; et cela se balançait à l’horizon infini, harmonieux, bleuâtre et couvert de soleil. Mais l’enfant se mettait à tousser dans son berceau, ou bien Bovary ronflait plus fort, et Emma ne s’endormait que le matin, quand l’aube blanchissait les carreaux et que déjà, le petit Justin sur la place ouvrait la pharmacie. (Gustave Flaubert, Madame Bovary, 1856)[4]

Le mais surligné n’a rien d’argumentatif. Dans cet exemple comme dans le précédent, mais marque la frontière textuelle où se produit un basculement d’isotopie.

3.3 Mais exprimant une contradiction non résolue

Mais peut articuler des arguments anti-orientés sans que l’énoncé global résolve la contradiction :

L1 : — On en est où du projet de promenade ?
L2 : — Les uns veulent aller dans les bois, mais les autres à la plage.

L’enchaînement par donc n’est pas possible : “Les uns veulent aller dans les bois, mais les autres à la plage. Donc nous irons à la plage”— et le problème est résolu. On peut seulement enchaîner par quelque chose comme “on ne sait pas que faire” ; “faudra en parler à la réunion de ce soir”.
Dans cette fonction, mais est à peine un masque de et, qui exprime crûment la contradiction “Les uns veulent aller dans les bois et les autres à la plage”.
Dans cette fonction très courante mais permet au locuteur d’exprimer une contradiction qu’il est incapable de résoudre :

Le capitalisme c’est bien mais le communisme c’est pas mal non plus

Dans ce cas de tels énoncés, dire que les deux énoncés tendent vers des conclusions opposées n’aide pas vraiment l’interprétation. Mais apparaît ici comme un connecteur révélant autant que voilant les contradictions de la pensée.

3.4 Mais indicateur de dissociation argumentative — Mais intensif

L1 : — Je croyais que vous vouliez une réforme ?
L2 : — Nous voulons une réforme, mais une vraie réforme.

La notion de dissociation argumentative est définie par Perelman et Olbrechts-Tyteca, comme la scission d’une notion élémentaire, opérée par l’argumentateur pour échapper à une contradiction ([1958], p. 550-609). En opposant un terme à lui-même “il est bête, mais bête !” la dissociation crée un effet d’intensité, correspondant à l’effet de valorisation du second terme observé par Perelman & Olbrecht-Tyteca (ibid.)

3.5 Mais de rectification

Mais permet de corriger un segment de phrase (Plantin 1978)

À Vienne, le Danube n’est pas bleu mais gris sale
À Vienne, le Danube est non pas bleu mais gris sale.

3.6 Mais particule de prise de tour de parole

L1 : — Pierre a encore raté son certificat d’études !
L2 : — Mais c’est exactement comme moi !
(Voir Cadiot & al. 1979)

4. Prédicats connecteurs et autres constructions
marquant l’argument ou la conclusion

Donc argumentatif est paraphrasable par un ensemble de constructions qui assurent la connexion de l’argument à la conclusion :

Contexte Gauche = Argument  donc, d’où, …
ça fait que, tout ça prouve bien que, … 
on peut (donc) en conclure que…
Contexte droit = Conclusion

La conclusion peut apparaître comme coordonnée à l’argument, mais aussi comme la complétive d’un prédicat connecteur. On limiterait donc indûment le marquage de structuration argumentative aux “petits mots” ; de nombreuses constructions peuvent jouer ce rôle, où se combinent termes anaphoriques, verbes et substantifs.

4.1 Prédicats connecteurs

Certains verbes prédiquent (i) une conclusion sur leur sujet correspondant à l’argument, ou (ii) un argument sur leur sujet exprimant une conclusion. Seuls ces prédicats connecteurs sont d’indiscutables “connecteurs argumentatifs” et d’indiscutables marqueurs de fonction argumentative. On trouve les deux cas de figure :

Le prédicat désigne la conclusion Sujet (Argument) — Préd (Conclusion)

  de Arg je V (que) Concl    V = conclure, tirer, déduire…
  Arg permet de V que Concl   V = induire, déduire, démontrer…
  Arg V Concl   V = prouver, démontrer, avoir pour effet, plaider pour, soutenir, appuyer, étayer, corroborer, suggérer, aller dans le sens de, motiver, légitimer, justifier, impliquer, suggérer, défendre, fonder, permettre de croire (dire, penser…)…

Le prédicat désigne l’argument : Sujet (Conclusion) — Préd (Argument)

  Concl V de Arg V = s’ensuivre, découler, résulter…

Le verbe argumenter n’est pas un prédicat connecteur, mais un simple verbe d’activité de parole. “Pierre argumente pour (conclusion)” ne dit pas que Pierre est un argument pour cette conclusion, mais qu’il présente une argumentation qui soutient la conclusion.
On dit par métonymie du texte pour l’auteur, “D argumente pour telle conclusion” au sens de “D plaide pour telle conclusion”.

4.2 Constructions cadratives signalant une argumentation

Tous les termes pleins servant à parler des argumentations peuvent servir d’indicateurs de structuration et de fonction argumentative. Cette classe d’indicateurs nominaux correspond à l’ensemble du lexique ordinaire de l’argumentation : (contre-)argument, conclusion (point de vue…), prémisse, objection, réfutation,

…D1… c’est / voici (maintenant) ma conclusion, une conséquence, une objection sérieuse, un argument à prendre en considération…

Le discours D1 (Argument) est énoncé, dit pour, en vue de, dans l’intention de faire accepter, faire, dire, ressentirD2 (Conclusion)

La théorie de l’argumentation dans la langue a particulièrement étudié les constructions :

Si on dit E1, c’est dans la perspective de E2
La raison pour laquelle on énonce E1, c’est E2
Le sens de E1 c’est E2
E1
, c’est-à-dire E2

La négligence de cet ensemble de constructions est particulièrement dommageable dans l’enseignement de l’argumentation.

Conclusion : si on peut dire à coup sûr que “construisons l’école ici, les terrains sont moins chersest une argumentation complète, c’est fondamentalement parce qu’on peut la paraphraser de façon intuitivement satisfaisante par :

Une bonne raison pour construire ici, c’est que les terrains sont moins chers.
Le fait que les terrains soient moins chers ici légitime la décision d’y construire l’école.


[1] Corpus « Débat sur l’immigration – TP d’étudiants », Base Clapi.
[http://clapi.univ-lyon2.fr/V3_Feuilleter.php ?num_corpus=35], ( 30-09-2013).

[2] Corpus « Négociation sur les loyers – commission de conciliation », Base Clapi, [http://clapi.univ-lyon2.fr/V3_Feuilleter.php?num_ corpus=13], ( 29-09-2013).

[3] Source : [http://impassesud.joueb.com/news/mali-pendant-ce-temps-la-lui-il-marchait], (28-07-2010 (souligné par nous).

[4] 2e partie, chap. 12. Cité d’après le Livre de poche, 1961, p.236-237.

Plantin, Christian, 1978, « Deux mais », Semantikos 2-3, 89-93.