Figures

Le terme figure est utilisé en rhétorique, en syllogistique et en théorie des fallacies.

— En logique, les figures du syllogisme correspondent aux différentes formes du syllogisme, en fonction de la position du moyen terme dans les prémisses.

— En théorie des fallacies la fallacie d’expression trompeuse [misleading expression] est parfois désignée comme fallacie de figure du discours.

— La théorie des figures est une composante essentielle de la construction du discours argumentatif, V. Rhétorique.

1. Les figures en contexte argumentatif

Les figures de rhétorique sont des variations dans la manière de signifier « qui donnent au discours plus de grâce et de vivacité, d’éclat et d’énergie » (Littré, Figure). La rhétorique des figures distingue d’une part, les figures de mots ou tropes, comme la métaphore et, d’autre part, les figures de discours, comme le parallélisme ou l’ellipse.

Toute forme d’organisation discursive saillante et récurrente peut être considérée comme une figure de discours, à commencer par l’argumentation ou la description en général. L’enthymème peut être considéré comme une figure de discours (enthymémisme), ainsi que la réfutation, la prolepse, ou encore l’antanaclase qui renverse les orientations argumentatives, l’analogie, ainsi que tous les schèmes argumentatifs, par exemple les figures dires d’annomination jouant sur les noms propres et l’interprétation.

Les figures d’opposition sont toutes directement interprétables comme argumentatives, dans la mesure où elles correspondent à divers formats de la confrontation Discours / Contre-discours. D’autres types de figures jouent un rôle dans la construction des formes argumentatives. Par exemple, une figure de disposition syntaxique, comme le parallélisme, peut jouer le rôle de marqueur d’analogie ou d’antithèse ; elle caractérise l’argumentation par le cas parallèle.

Métaphore, métonymie, synecdoque et ironie sont considérées par Burke comme les quatre principaux tropes (« four master tropes »).
La métaphore comme modèle tendant vers l’identification des domaines a une fonction argumentative bien spécifique.
D’autre part, il y a une correspondance entre les mécanismes de la métonymie et de la synecdoque et ceux qui légitiment le passage d’un argument à une conclusion.
L’ironie est un cas très particulier d’argumentation, où le locuteur réfute une assertion en la répétant dans une situation où elle est clairement intenable.

 

Sans prétendre ramener toutes les figures à la situation argumentative, on peut observer que la définition rationaliste classique de l’argumentation repose sur l’idée qu’argumenter c’est tenter de faire admettre un discours (la conclusion) sur la base de bonnes raisons (arguments). Or faire admettre, c’est d’abord faire paraphraser et faire répéter ; pour faire répéter il faut faciliter la mémorisation, et on peut employer pour cela des figures de sons, des parallélismes ou n’importe quel autre format d’expression.

Les dictionnaires de rhétorique littéraire incluent des entrées relevant du champ de l’argumentation. Dans Gradus. Les procédés littéraires – Dictionnaire de Dupriez (1984), on trouve par exemple, les entrées argumentation, argument, déduction, enthymème, épichérème, exemple, induction, réfutation, paralogisme, prémisse, raisonnement, sophisme… ainsi que divers types d’arguments. Ces concepts de base du champ de l’argumentation ne relèvent pas spécifiquement du domaine littéraire.

2. Figures et projet persuasif

Dans la Poétique, Aristote définit la métaphore comme « l’application à une chose d’un nom qui lui est étranger par un glissement du genre à l’espèce, de l’espèce au genre, de l’espèce à l’espèce, ou bien selon un rapport d’analogie » (1457b5 ; Magnien, p. 139). Cette définition couvre largement le domaine des figures des mots, dont la métaphore est un cas particulier. Les exemples de métaphore, au sens contemporain du terme, cités par Aristote sont des métaphores proportionnelles, a / b :: c / d :

Une coupe entretient avec Dionysos le même rapport qu’un bouclier avec Arès. On dira donc que la coupe est le “le bouclier de Dionysos” et que le bouclier est “la coupe d’Arès” ; ou encore, la vieillesse entretient avec la vie le même rapport que le soir avec la journée, on dira donc que le soir est “la vieillesse du jour” et la vieillesse “le soir de la vie”.
1457b20 ; Magnien, p. 140

soit : bouclier / Dyonysos :: coupe / Arès

La Rhétorique traite de la recherche des moyens de persuasion disponibles dans une affaire donnée. Ces moyens sont tirés du pathos, du pathos, de l’éthos et du logos :

La persuasion résulte toujours ou bien des sentiments qu’éprouvent les juges eux-mêmes, ou bien de l’image qu’ils se font de l’orateur, ou bien d’une démonstration. (1403b10 ; Chiron, p. 425)

La persuasion par le logos est tirée de « ce qui donne aux faits eux-mêmes la capacité de persuader » (1403b15 ; id., p. 426). Idéalement, « ce qui est juste, c’est de débattre à l’aide des faits eux-mêmes » (1404a, id. p. 427), la persuasion éthotique et pathémique est alors superflue. Mais cela n’est pas possible « à cause de la médiocrité de la vie politique […] [et] « des auditeurs » (1403a30 ; id. p. 427); (1404a5 ; ibid.). Il s’ensuit que les arts du langage, de l’action et du style « ont quand même un petit quelque chose de nécessaire dans tout enseignement » (1404a5 ; ibid.) — mais pas dans la science : « personne n’en tient compte pour enseigner la géométrie » (1404b10 ; ibid.).

 

En situation oratoire, pathos et ethos sont des outils de persuasion efficaces. À l’oral, la persuasion par l’émotion et l’image de soi est produite par l’action oratoire, en particulier par la voix, et à l’écrit, par le style, « car les discours écrits tirent leur force davantage du style que de la pensée » (1404a15 ; Chiron, p. 428). Et dans tous les discours, en poésie comme en prose, c’est la métaphore (c’est-à-dire la figure) qui a « le plus grand pouvoir » (1405a1; Chiron, p. 433); elle donne au langage « clarté, agrément et étrangeté » (1405a1; p. 405). La conclusion générale est claire : la métaphore est l’arme ultime d’une persuasion efficace.
Néanmoins, selon la Rhétorique, pour être efficaces, le travail de l’expression « [doit] passer inaperçu » ; l’orateur doit « faire l’effet de parler de façon non pas fabriquée mais naturelle » (1404b15 ; p. 431), car seul le naturel est persuasif — la métaphore doit concilier étrangeté et naturel.
Quoi qu’il en soit, la figure est dite convaincante dans la mesure où elle est astucieusement enfouie dans le discours, ce qui est tout à fait opposé au concept baroque moderne de métaphore surprenante et brillante, qui soumet les auditeurs par le plaisir qu’elle leur procure.

3. Critique des figures

V. Ornement et argument