Précédent, arg. du –

1. Définition

Selon le topos ≠ 11 d’Aristote, constitue un précédent :

Un jugement (ek kriseôs) prononcé sur la même question, une question semblable ou une question contraire. (Rhét., II, 23, 1398b15-25 ; Chiron, p. 388)

Ainsi définis, les précédents sont en nombre illimité. La force du précédent allégué dépend d’abord du degré de similitude entre cas ancien et cas nouveau et ensuite du degré d’autorité de l’instance ou de la personne qui a porté ce jugement.

Par  “jugement”, il faut entendre non seulement le jugement d’un tribunal, mais toute forme d’évaluation ou de décision prise dans le passé, quel que soit le domaine considéré, en particulier dans les menues décisions de la vie quotidienne :

L1 : — Allons nous baigner à Toponyme !
L2 : — La dernière fois, il y avait de gros embouteillages.

Si la cause n’a pas été tranchée au tribunal, elle peut l’avoir été par des autorités comme celles de la fable, de la parabole ou de l’exemple, qui constituent également des précédents (Lausberg [1960], § 426) :

L1 : — Je me demande si ma fille a raison de vouloir épouser ce frétillant vieillard ?
L2 : — Oui… Rappelle-toi l’École des femmes de Molière…

2. Schématisation

L’application du principe du précédent se fait selon les étapes suivantes :

1) Un problème : on est en présence d’un cas P1 à propos duquel une décision doit être prise.
2) Une recherche de cas déjà jugés présentant des analogies avec P1.
3) Par une opération de catégorisation, P1 est mis dans la même catégorie qu’un ou plusieurs de ces cas, P0
4) La décision, le jugement, l’évaluation… E a été portée sur le cas P0par une certaine autorité
5) Par application de la règle de justice, on doit porter un jugement analogue sur le cas P1.

Par “analogue”, on entend le même jugement, un jugement proportionnel ; ou, plus simplement, un jugement cohérent avec E.

Les jugements sont prononcés en fonction des jugements passés, concernant des cas “de même type”. L’importance accordée au précédent est une exigence de cohérence entre les décisions prises, un cas particulier d’application du principe de non-contradiction ; on se garde ainsi contre toute accusation ad hominem. adressée à l’institution.

L’appel au précédent est un économiseur d’énergie : le problème du jugement à porter est résolu automatiquement dès qu’est établie l’analogie du fait problématique à un fait déjà jugé.

Comme l’argument ab exemplo, l’argument du précédent motive une décision ou une interprétation en s’appuyant sur des données ou des exemples tirés de la tradition. Il s’agit d’un principe conservateur qui limite l’innovation dans tous les domaines où il s’applique. En tant que tel, il se combine bien avec des arguments faisant appel à « la sagesse de nos ancêtres » (Bentham, 1824) ; V. Topique politique ; Autorité ; Progrès.

3. Rejet du précédent

On rejette le précédent :

— En montrant que le cas actuel P1 présente des différences pertinentes avec P0, donc qu’il n’entre pas dans la même catégorie que P0 (stade 3).

— Par désir d’innover dans la vie quotidienne : Et si cette fois on changeait un peu ?