Question rhétorique

Les questions rhétoriques ne sont pas posées pour rechercher des informations auprès de l’interlocuteur, ni pour solliciter indirectement son action (“pourriez-vous me passer le sel ?”), ni pour vérifier s’il connaît la réponse correcte à la question mais pour obtenir confirmation de la réponse que le locuteur considère comme correcte.

L’interrogation rhétorique est une des trois formes de transposition monologale de la question argumentative, l’interrogatio, V. Question argumentative §5.  Dans ce cadre, la question rhétorique s’oppose à la question posée sur le mode de la subjection qui ouvre une séquence argumentative substantielle justifiant  sa réponse préférée à la question argumentative.
Positivement, par l’interrogation rhétorique, le locuteur prend possession de la question argumentative, et la “désambiguïse”, au sens argumentatif du terme, en lui imposant une réponse unique présentée comme évidente :

Un tel individu peut-il faire un meilleur président que notre candidat ? Certainement pas !

La question rhétorique est une question orientée. Le locuteur peut mobiliser diverses stratégies pour orienter sa question. Dans l’exemple précédent, l’orientation est donnée par le terme orienté, individu. Elle peut être renforcée de toute une argumentation :

Alors maintenant, Y, ce candidat de dernière minute. Peut-on prendre au sérieux un candidat qui a l’air de ne pas trop savoir s’il est candidat ?

La situation générale est la suivante. Dans tous les cas, soit l’interlocuteur est déjà informé des orientations de L en faveur du candidat X, soit il les perçoit à travers le discours de L.

  • S’il partage ces orientations, il répond naturellement à la question dans le sens de L.
  • S’il est indécis. Il peut se laisser guider par la préférence pour l’accord, qui joue en faveur de l’orientation donnée par le lexique et/ou par l’argumentation de L.
  • Face à un d’interlocuteur ou à un public qui ne partage pas les orientations du locuteur, la question rhétorique prend une allure de défi. Il est tout de même embarrassant de répondre “Oui !” à la question de L, dans la mesure où il est facile d’interpréter ce oui à la lettre pour en faire une approbation donnée à “Je soutiens un candidat qui a l’air de ne pas savoir s’il est candidat”, qui n’est pas loin d’exprimer une contradiction risible.
    Il reste à l’interlocuteur la ressource de la protestation explicite. Pour cela, il doit remonter la pente, c’est-à-dire réfuter le reproche d’indécision fait à Y, et exposer ses raisons positives de le soutenir. Il doit donc contredire L, c’est-à-dire, le cas échéant, briser l’atmosphère empathique crée par la préférence pour l’accord et assumer la polémique, comme dans le cas de rejet du présupposé,
    Dans une conversation, tout cela peut se faire dès le prochain tour de parole. Mais dans une interaction publique institutionnellement réglée, il doit attendre qu’on lui donne la parole, si on la lui donne. La question rhétorique est une façon d’imposer le silence à l’interlocuteur rebelle, et d’inférer de ce silence que tout le monde partage l’orientation du locuteur, par une manœuvre qui ressemble à celle qui est utilisée dans l’argument de l’absence de contradiction, V. Ignorance §1.1.

Les questions peuvent ainsi présenter différents modes et degrés de rhétoricité, selon le type de contrainte mis en œuvre pour influencer la réponse.