Systématique, Arg —

L’argument systématique fonctionne sur un système organisé, une structure où tout se tient. Le principe de systématicité dit que chaque élément d’un système prend son sens non pas en lui-même mais en relations avec les autres éléments de ce système.
Dans le cas d’un texte, le principe affirme que chaque énoncé doit être compris non pas en lui-même mais dans ses relations avec les autres énoncés de ce même texte.
Ce principe s’applique aux recueils de lois et règlements comme aux textes sacrés et aux chefs-d’œuvre littéraires.

Pour être systématique, le texte doit être non contradictoire, non redondant, et exhaustif, V. Cohérence ; Inutilité ; Complétude.

Les arguments fondés sur le contexte de la disposition légale comme l’argument de l’objet de la loi, ou l’argument de l’intitulé de la section du code présupposent la systématicité du code de lois.
Sur ce caractère systématique repose également la possibilité d’une application relativement rigoureuse des arguments a pari, par les contraires, a fortiori.

Pourquoi le “Code” de Hammourabi n’est pas un Code

Selon Wikipédia, le Code de Hammurabi est un code :

Le Code de Hammurabi est un texte juridique babylonien daté d’environ 1750 av. J.-C., à ce jour le plus complet des codes de lois connus de la Mésopotamie antique.
(Code de Hammurabi, 27-08-20)

Jean Bottéro a montré dès 1982 que le texte gravé sur la stèle de Hammourabi n’est pas un Code, et conclut que cette désignation passée dans l’usage est erronée, et ne peut être maintenue que mise entre guillemets. La question est la suivante :

Le “Code” de Hammourabi est-il bien [un Code de lois] ? Non ! Et voici pourquoi. (Jean Bottéro, Le “Code” de Hammourabi, 1982) [1]

La démonstration se base sur le fait que le texte n’est pas exhaustif, qu’il est redondant et contradictoire. Première raison, le texte comporte des carences : « les lacunes en matière législative » (Id.). Le texte n’est pas exhaustif, par exemple certains délits ne sont pas mentionnés

Si les coups portés par un fils à son père sont prévus, ne le sont ni le parricide ni l’infanticide. (Id., p. 196-197)

Seconde raison, les redondances et les contradictions. Le même délit est traité deux fois, le texte est donc redondant. Il s’agit d’une affaire de dépôt non restitué, et les sanctions sont contradictoires. Dans un cas il est dit que

Cette affaire ne comporte aucun recours en justice

alors que dans le second cas, le dépositaire « sera mis à mort ».

Ce texte n’est pas un code, car ne remplit aucune des conditions qui caractérisent un Code comme système.

Bottéro en conclut que les articles ne sont pas des lois mais des « sentences », et que le “Code” de Hammourabi est un « recueil de jurisprudence », qui n’est pas soumis aux contraintes structurelles du Code législatif.


[1] Cité d’après Mésopotamie. Paris, Gallimard, 1987, p. 196-197 ; 199.