Conception > Choix techniques découlant des exigences analytiques

 

La conception du dispositif dépend étroitement du contexte: type d’activité, type d’espace, nombre de participants, etc. Il est conseillé d’acquérir une bonne connaissance de l’activité (fieldwork ethnographique) avant de se mettre à filmer

Choix du dispositif d’enregistrement

Dispositif minimal vs maximal

  • Dispositif minimal:
    • A : 1 enregistreur audio
    • A / V : 1 caméra vidéo + 1 source audio (pour sécurité et pour qualité)
  • Dispositif maximal: multi-source
    • Attention à la fragmentation des prises de vue que la multiplication des caméras et des magnétophones peut provoquer. Ne pas utiliser les caméras multiples pour segmenter l’espace en plusieurs territoires autonomes
    • Attention aux problèmes de synchronisation des différentes sources (en production ou en post-production)

Dispositif simple (1 caméra)

  • Dispositif à privilégier si :
    • Les ressources techniques sont limitées (équipement vidéo, espace de stockage, puissance d’ordinateur limités, manque de logiciels de montage)
    • L’enregistrement doit être organisé à la dernière minute et de manière flexible (dans l’impossibilité d’accéder aux lieux et de préparer/disposer les équipements à l’avance)
    • Il s’agit de préserver l’intimité des participants et d’être le moins invasif possible

Mieux vaut bien placer une caméra que mal placer plusieurs caméras

versus
  • Avec 1 caméra :
    • Couvrir la totalité du cadre de participation (choisir une bonne diagonale)
    • Couvrir tout le corps des participants (et pas que la tête)
    • Ne pas faire de zooms
    • Limiter les mouvements au maximum

      => 1 long plan séquence ininterrompu

Dispositif multi-source

  • Dispositif nécessaire si on veut préserver plusieurs vues et surtout plusieurs niveaux de détail à enregistrer
    • Soit l’action se déroule à plusieurs endroits (ex. mobilité dans un espace donné)
    • Soit l’action se focalise sur des détails qui ne peuvent pas être capturés par une seule prise de vue (ex. écriture, lecture, focalisation de l’attention sur des détails à une échelle très différente de la prise de vue globale)
  • Dispositif nécessitant
    • Des équipements
    • Un accès particulier au terrain (dispositif très lourd à installer) et une bonne coordination entre les différentes vues
    • De l’espace de stockage pour archiver les différentes versions
    • De la puissance de calcul et des logiciels pour le montage
    • Des compétences audio-visuelles et informatiques

Exemples 1 : Les activités d’écriture durant des séances de travail peuvent demander des focalisations multiples et à des échelles très différentes. La même chose vaut pour les activités à l’écran d’ordinateur ; ainsi que toute activité focalisée sur des détails.

 

Exemple 2 : Les repas souvent considérés comme un événement statique - en réalité une activité qui implique de la mobilité entre plusieurs espaces.

Exemple 3 : La vidéo multisource peut permettre de préserver le cadre participatif. Ici, une vidéo d’historiens travaillant sur le témoignage de rescapés de la 2e guerre mondiale (~ monologue) versus une vidéo réalisée en analyse conversationnelle pour l’analyse de l’interview comme événement interactionnel.


Mobile vs. statique, extérieur vs. intérieur

Souvent les activités statiques ont lieu à l’intérieur (ex. repas pris dans la cuisine, réunion dans une salle, etc.), alors que les activités mobiles peuvent traverser des espaces intérieurs comme extérieurs

  • Dispositif statique et à l’intérieur:
    • Permet d’ « équiper » le lieu où se tiendra l’interaction, et d’installer un dispositif plus complexe, avec différentes sources et avec d’éventuels switchers ou splitters synchronisant les prises de vues et de son
    • Exemples: Relieu, Zouinar, La Valle, 2007; Mondada & Balthasar, 2005; Detienne & Traverso 2009
  • Dispositif mobile:
    • Vue mobile: souvent instable, rend les détails moins nettement visibles
    • Son mobile: souvent discontinu, vulnérable aux bruits
    • Obligation de s’ajuster à des mouvements qui ne sont souvent pas prévisibles
    • Techniques de shadowing (suivre un groupe dans ses déambulations)
    • Exemples: Zouinar, Relieu, Salembier, Calvet, 2004; de Stefani, 2007
  • Caméra fixe vs caméra mobile
    • Dépend de l’action: si il y a déplacement, la caméra mobile est obligatoire
    • Si l’action est plutôt statique, préférer un trépied et une caméra fixe
    • Ne pas faire de gros plans et ne pas essayer de suivre les changements de locuteurs (turn-taking) avec la caméra: on arrive toujours en retard… (contrairement à ce que font les cameramen à la télévision)
    • Avantages du trépied: on peut ne pas rester derrière la caméra. Si on est derrière le trépied, on peut le bouger en cas de nécessité, bien choisir son emplacement.
    • Attention dans les deux cas il faut prévoir la forme que prendra l’action (et son espace)

Choix techniques : audio

  • Micro incorporé dans l’appareil ou micro relié à l’appareil
    • Choisir l’emplacement du micro de manière à n’exclure aucun participant
    • Par exemple, le mettre au milieu de la table; le mettre à proximité mais pas trop près de la personne faisant un exposé (pour inclure les autres interventions), etc.
  • Micro omnidirectionnel / micro directionnel
    • Le micro omnidirectionnel est moins sélectif, peut être utile pour des groupes, mais capte aussi de nombreux bruits
    • Le micro directionnel est utile pour enregistrer des interactions très focalisées, mais risque d’exclure des échanges pertinents dans des interactions de groupe
  • Micro cravate sur un des participants
    • Un / plusieurs micro cravates (cela dépend des entrées micro disponibles sur l’appareil utilisé)
    • Si plusieurs micros = plusieurs appereils : attention aux problèmes de synchronisation ensuite
  • Micro filaire / HF
  • Switcher, dispositif de synchronisation de plusieurs voix

Choix techniques : vidéo

  • La vidéo implique un choix de perspective sur l’action ; perspective et placement de la caméra :
    • Eviter les vues verticales à moins que cela soit fonctionnel à l’activité, p.ex. pour filmer des activités sur des documents (cf. Mondada, 2007): la vue verticale produit un effet ‘vidéosurveillance’
    • Eviter les vues prises du bas
    • Essayer d’adopter un regard perspectif sur la scène (légèrement surplombant)
    • Souvent la prise de vue adopte la perspective d’un participant particulier (ex. l’enseignant vs. l’élève)
  • Délimitation du champ :
    • Éviter un plan trop rapproché sur un individu; éviter l’alternance entre deux ‘talking heads’
    • Privilégier un plan moyen-large sur tous les participants
  • Focale :
    • Un grand angle est souvent utile pour regrouper tous les participants dans le cadre
    • Eviter de zoomer en avant et en arrière
    • Si nécessaire utiliser deux caméras, une avec un plan large et l’autre avec un zoom (par exemple, sur des documents, objets, écrans utilisés durant l’activité)

Choix techniques : présence vs absence de l’enquêteur durant l’action

  • Si l’observateur est un participant naturel de l’activité, il doit continuer à l’être et aura une double tâche: participer à l’événement et assurer l’enregistrement (observation participante)
  • Si l’observateur n’est pas un participant prévu à l’activité :
    • Il peut rester derrière la caméra et effectuer l’enregistrement (observation)
      Cette option est recommandées si l’activité n’est pas intime et si l’enquêteur peut être « oublié » par les participants (ex. réunions)
    • Il peut monter le dispositif et laisser qu’un participant s’en occupe ensuite (changer les cassettes, etc.) (participation enregistrante)
      Cette option est recommandée si l’activité est plutôt privée et fait intervenir un nombre restreint de participants (ex. repas)

Synthèse

  • La prise de vue et la prise de son comme « proto-analyses » (Mondada, 2006): elles supposent une intelligence de ce qui se passe, une capacité à anticiper, une compréhension du déroulement de l’activité
  • Le principe essentiel est la préservation du cadre participatif.
  • On évitera donc de se focaliser sur une seule personne de manière exclusive (même lorsqu’on utilise plusieurs caméras)
  • Plus il y a de caméras ou de micros et plus augmentent le risque de fragmentation de l’enregistrement et les problèmes de synchronisation des sources. Préférer donc le dispositif le plus simple possible
  • Même si de nombreux exemples ont été donnés ici en référence à la vidéo, l’enregistrement audio (inclus seulement audio) obéit aux mêmes principes et aux mêmes exigeances - qui sont simplement rendues plus ‘visibles’ par la vidéo