ANCIEN TEXTE
La Linguistique Interactionnelle repose sur une approche holistique, intégrant une étude multidimensionnelle (syntaxe, lexique, phonétique, pragmatique, gestes, etc.) permettant de décrire les configurations complexes mises en oeuvre par les participants au cours de leurs interactions. L’interaction, au coeur de la vie sociale des individus, constitue une expérience quotidienne sur laquelle se fonde la construction et l’entretien des relations interpersonnelles. L’interaction apparaît essentielle à de nombreux égards. Elle est de surcroît un objet complexe par son caractère multiforme, multidimensionnel et multifonctionnel (Traverso, 2016).
Au cours des situations d’interaction sociale en face à face avec ou sans l’intermédiaire de la technologie (téléphone, visio, etc.), les temps de production et de réception de la parole sont simultanés ou quasiment : la parole est élaborée en même temps qu’elle est produite par le locuteur et elle est reçue par le.s récepteurs.s simultanément à sa production. Dès lors, d’une part la parole en interaction est une parole toujours en cours de production et en cours de réception. D’autre part il s’agit d’une parole produite en interaction pour et avec ceux à qui elle est destinée. Selon les recherches menées jusqu’alors en Linguistique Interactionnelle (Ochs, Schegloff, Thompson 1996; Ford, Fox, Thompson 2002; Mondada 2001) les processus de co-production de la parole en interaction s’articulent au travers de phénomènes linguistiques et multimodaux d’une granularité particulièrement fine. Aussi l’analyse de ces phénomènes implique-t-elle la prise en compte de l’extrême détail des productions (Traverso, 2016).
Le.a chercheur.e en Linguistique Interactionnelle doit alors prendre en considération dans son analyse :
1. Les diverses approches de la Linguistique Interactionnelle
Les recherches sur les corpus d’interactions, notamment celles réalisées au Laboratoire ICAR de Lyon, sont sensibles à deux perspectives. D’une part, elles sont issues d’une perspective qui vient de l’analyse des interactions au sens large et qui a développé un regard particulier sur les corpus (approche fonctionnelle, focalisation sur l’étude des usages, analyse de productions situées, démarche comparative). D’autre part, ces recherches tiennent compte du développement de la linguistique de corpus, mettant à profit les possibilités nouvelles d’interroger des masses de données considérables.
2. Les phénomènes liés à la séquentialité de l’interaction
Il est possible de distinguer dans les interactions verbales, une structure globale et une structure locale. La première fait référence, à un niveau macro, aux unités hiérarchisées de l’interaction et la seconde renvoie à un niveau micro — celui des tours de parole. L’analyse interactionnelle en rangs consiste à définir l’interaction comme « une structure constituée d’unités hiérarchisées » (Traverso, 1999). Il possible de distinguer trois rangs d’unités dialogales : l’échange, la séquence, l’interaction. À un niveau plus local, l’interaction fait également l’objet d’une structuration spécifique: la conversation repose sur une organisation structurelle faite d’une succession de « tours de paroles » .
3. L’adaptation du locuteur à son interlocuteur
Au cours de l’interaction sociale, l’activité de parole implique nécessairement une adaptation à son auditoire correspondant au recipient design principle (Sacks et al., 1974). Ce concept implique que tout au long de son travail de production le locuteur tient compte projectivement de l’interprétation qu’il suppose que son interlocuteur va faire de ses propos (Kerbrat-Orecchioni, 2005). Le recipient design principle fait alors référence aux multiples ressources, visibles dans le tour de parole d’un locuteur, qui témoignent d’une orientation manifeste vers les coparticipants : la sélection des unités lexicales et thématiques, la manière d’ordonner les séquences, les obligations et alternatives retenues pour ouvrir et clore une interaction.
4. Les troubles et leurs réparations pouvant survenir dans l’interaction
L’un des phénomènes les plus fréquents de l’interaction consiste en une réparation (repair), phénomène qui se manifeste par une perturbation de la progressivité des échanges. Les réparations renvoient à des fonctions interactionnelles variées : travailler à l’intelligibilité de la parole, (r)établir l’intersubjectivité, s’adapter aux interlocuteurs, modaliser clarifier ses propos, les clarifier, les compléter, désarçonner le locuteur, manifester son désaccord, exprimer son savoir et prendre position dans l’interaction notamment. Bien souvent la réparation ne concerne pas seulement le tour du locuteur mais engage l’ensemble des participants dans une activité collaborative.
5. Les ressources multimodales et plurisémiotiques dans l’interaction
L’intérêt des ressources non verbales dans la communication a été largement étudié (Efron, 1941 ; Greimas, 1968 ; Mahl, 1968 ; Ekman & Friesen, 1969 ; Scheflen, 1973 ; etc.) et de ces différents travaux, Cosnier (1977) retire trois grandes remarques. D’une part, un langage gestuel de nature différente du langage parlé existe dans la communication interindividuelle et présente un grand intérêt sémiotique. D’autre part, des facteurs environnementaux et socio-culturels peuvent influencer ce langage gestuel. Enfin, ce dernier accompagne le langage parlé et se révèle d’une grande importance dans les processus d’interaction.