CORINTE est un site dédié à la recherche sur les corpus de langue parlée en interaction. CORINTE présente une linguistique de l’interaction, fondée sur l’enregistrement, la transcription et le traitement de données orales interactionnelles et multimodales. Il est destiné à la communauté des chercheur.e.s – débutant.e.s ou confirmé.e.s – en analyse des interactions.
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L’analyse des interactions, bien qu’ayant le langage pour coeur de recherche, trouve ses origines non pas dans le domaine de la Linguistique formelle ou de la Communication mais dans le champ de la Sociologie, discipline de Harvey Sacks, Emmanuel Schegloff et Gail Jefferson. Pour ces chercheurs, le langage relève d’une importance sociologique en ce qu’il véhicule les activités sociales et peut être étudié en détail. Les origines sociologiques de l’analyse interactionnelle sont perceptibles au travers de deux de ces fondements (Sidnell & Stivers, 2013) :
- L’ordre interactionnel ritualisé (Goffman, 1983), comprenant les méthodes conjointes d’action et de raisonnement, constitue la base des actions ordinaires dans le monde social
- Cet ordre interactionnel ritualisé ne renvoie pas seulement aux interactions sociales mais également aux institutions sociales.
Reste que l’analyse interactionnelle, dès ses débuts, a forgé des liens solides avec la Linguistique. Et l’article de Sacks, Schegloff et Jefferson sur la séquentialité de l’interaction reste, près de quarante ans après sa première publication, l’un des articles les plus cités dans le domaine bien qu’il ait été rédigé par des sociologues et non des linguistes.
L’analyse des interactions s’est par ailleurs diffusée au travers d’ouvrages collectifs tels que Everyday Language: Studies of Ethnomethodology, dirigé par le sociologiste George Psathas (1979b), Studies in Social Interaction, dirigé par David Sudnow (1972) et Studies in the Organization of Conversational Interaction, par Jim Schenkein (1978b). En parallèle, des travaux en analyse interactionnelle ont également été publiés dans des ouvrages à destination des sociolinguistes, à savoir Directions in Sociolinguistics: The Ethnography of Communication, dirigé par John Gumperz et Dell Hymes (1972), ou à des anthroplogues, comme notamment Sociocultural Dimensions of Language Use, par Sanches et Blount (1975).
L’analyse interactionnelle développe donc une forte présence, en terme de publications, dans les domaines de la Sociologie, la Linguistique, l’Anthropologie, la Communication, la Psychologie, les Sciences Politiques, l’Éducation, etc. en fonction de ses terrains d’investigation. L’interdisciplinarité par laquelle se définit l’analyse des interactions, renvoie aux multiples connaissances et compétences nécessaires à l’étude des interactions sociales dans toute leur complexité. En l’absence d’une compréhension fine notamment de la culture, des structures sociales, de la corporéité de l’action, de la pragmatique, des ressources non verbales et paraverbales, il apparaîtrait presque impossible de développer une théorie et une méthodologie significatives d’appréhension des interactions sociales authentiques et spontanées (Sidnell & Stivers, 2013).
L’analyse des interactions se distingue pourtant de toute autre discipline en ce qu’elle développe des fondements théoriques, des objectifs d’analyses, des corpus de données, un traitement des données empiriques et une méthodologie d’analyse de ces données, spécifiques et propres à ce domaine (Stivers & Sidnell, 2013) :
- Fondement théorique : l’usage du langage et plus généralement les interactions sociales font l’objet d’une organisation et d’une coordination d’une granularité particulièrement fine. Cette organisation de l’interaction se conçoit comme le produit de méthodes collaboratives de raisonnement et d’action partagées par l’ensemble des participants à l’interaction.
- Objectif d’analyse : la finalité de l’analyse interactionnelle est d’ordre structurelle en ce qu’il s’agit de décrire la co-construction des pratiques, actions et activités en cours dans l’interaction ainsi que la structure globale de celle-ci.
- Corpus de données : le recueil de données doit porter sur des enregistrements d’interactions sociales spontanées et authentiques plutôt que provoquées.
- Traitement empirique : afin d’identifier les structures sous-jacentes au fonctionnement de l’interaction, les données audio ou vidéo ne peuvent être étudiées dans leur forme brute. Il apparaît au contraire nécessaire d’en proposer une transcription détaillée mettant en exergue le détail de l’organisation des séquences et tours de paroles.
- Méthodologie d’analyse : en tant que méthode qualitative et inductive, l’analyse interactionnelle cherche à décrire et expliquer les structures de l’interaction sociale à partir d’études de cas mis en lien les uns avec les autres afin d’en dégager des patterns via l’observation des régularités distributives, des similarités en contexte d’usage, des comportements des participants, des contre-exemples, etc.
La Linguistique Interactionnelle se veut donc être une approche pratique et interdisciplinaire des interactions sociales situées dans leurs contextes avec pour objectif de mettre en lumière la co-construction collaborative multimodales des pratiques et actions de ses participants.
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Afin d’accompagner le.a chercheur.e dans sa recherche sur les interactions sociales, le site CORINTE comporte des réflexions et propositions théoriques et méthodologiques sur la constitution de corpus d’interactions et sur leur analyse ainsi que sur leur diffusion à la communauté. Sont par ailleurs proposés des outils et des documents pratiques assistant les chercheur.e.s en linguistique interactionnelle.