L’enregistrement des corpus est une opération matérielle et technique qui doit être conçue et réalisée en fonction d’objectifs et d’objets d’analyse. Cette opération vise à capturer des données audio/vidéo afin de rendre disponibles, et donc analysables, les détails linguistiques, multimodaux et situationnels (regards, gestes, mouvements, actions, objets, cadre physique) pertinents pour l’interaction enregistrée. Ces détails pertinents sont à la fois :
– ceux que les participants exploitent de manière située pour produire et interpréter l’intelligibilité de leurs conduites ;
– ceux que les analystes exploitent pour rendre compte de l’organisation de l’interaction, sur la base des orientations montrées par les participants.
Les enregistrements sont donc régis par la nécessité de prendre en compte :
– le déroulement temporel de l’interaction ;
– l’écologie de l’interaction, i.e. la manière dont elle se déploie dans l’espace ;
– le cadre de participation qui caractérise l’interaction ;
– les objets qui sont mobilisés par les interactants.
Ces exigences posent toute une variété de problèmes pour la conception du dispositif d’enregistrement. La réussite de l’opération dépend fortement de la qualité de la phase de terrain réalisée avant l’enregistrement lui-même.
Les choix à opérer pour l’enregistrement sont guidés par des considérations de technique et de savoir-faire qui sont elles-mêmes dépendantes d’exigences théoriques et analytiques. On peut également rappeler que les dispositifs d’enregistrement doivent aussi prendre en compte dans leur conception le degré d’intrusion qu’ils peuvent représenter et/ou que les participants sont prêts à accepter.
Choix du support d’enregistrement (audio/vidéo)
Choisir d’enregistrer en audio ou en vidéo dépend de différents facteurs liés à la fois aux objectifs de la recherche (certains types de questions de recherche imposent la vidéo), aux autorisations que le chercheur peut obtenir (l’enregistrement vidéo peut dans certains cas susciter plus de réticences que l’enregistrement audio) ou encore aux contraintes situationnelles (la configuration de certains lieux exclut la prise de vue).
Choix des types des prises de vue et des prises de son
En fonction des objectifs et des contraintes propres à chaque situation, les modalités d’enregistrement sont très diverses :
– nombre de sources : une ou plusieurs ;
– type de support utilisé : audio et/ou vidéo ;
– traitement des sources en cours d’enregistrement (par ex. compression/montage en production) ou ensuite (en post-production) ;
– prise de vue statique ou mobile ;
– enregistrement effectué par le chercheur ou par un tiers (présent ou non), ou par les participants.
Choix du cadrage des prises de vues et des prises de son
Le placement et le cadrage de la caméra, la localisation du micro dépendent des facteurs suivants :
Temps
Choix du début / de la fin de l’enregistrement : ces choix et leur mise en œuvre doivent être pensés en relation avec les caractéristiques matérielles de l’opération (autonomie du support physique d’enregistrement, autonomie de l’alimentation, possibilité d’intervenir au cours de l’enregistrement, interruptions liées à ces interventions).
Espace
Les configurations spatiales et participationnelles peuvent nécessiter notamment de :
– couvrir un ou plusieurs lieux : lorsque les activités se déroulent dans des lieux contigus (pièces d’un appartement…), le dispositif d’enregistrement peut chercher à saisir ces différents lieux ;
– adapter la largeur de focale et la luminosité : ce choix est déterminant pour ce qui sera accessible dans les données.
Multimodalité
La question essentielle posée pour l’enregistrement de données qui seront soumises à des analyses multimodales est d’assurer la continuité de l’accessibilité aux détails pertinents de l’interaction. C’est cette nécessité qui peut conduire à des dispositifs d’enregistrement multivues (plusieurs caméras sur la même scène).
Participants
Un des problèmes majeurs (y compris dans les situations dilogales) est de ne pas « exclure » des participants lors de la prise de vue ou de son (hors cadre, filmés de dos, peu audibles).
De même que pour la question de la multimodalité, une solution peut résider dans des dispositifs d’enregistrement multivues ou à plusieurs micros.
Objets
Rendre accessible dans l’enregistrement la manière dont les participants manipulent les objets pose également des problèmes de prise de vue.
– La visibilité des objets, même s’ils sont stables ou fixes, peut nécessiter l’emploi d’un zoom plus important que celui utilisé pour les participants
– Dans un certain nombre de cas, l’objet est évolutif dans l’interaction sous l’action des participants (par exemple document rédigé, dessin, écran défilant). On ne peut alors se limiter à recueillir l’objet a posteriori, il est nécessaire d’enregistrer la dynamique de l’objet.