LES OUTILS DE L’EXPRESSIVITÉ
La linguistique et la phonétique classiques proposent une série d’instruments et d’observations propres à saisir les caractéristiques générales des émotions dans la langue et le discours, dont Kerbrat-Orecchioni a dressé « l’inventaire » (2000 : 33).
— Sur le plan de l’expression verbale au niveau lexical, l’émotion se marque et se gère par l’utilisation d’une série de “moyens” : vocabulaire particulier, injures et mots tendres (salaud / mon chéri) ; exclamations et interjections (— ah ! ; — mais… ! ; — bof ; — m’enfin, (Bouchard 2000), par exemple ! ; expressions figées (allez vous faire voir) ; intensifs, etc.
— Au niveau morphologique, certains suffixes sont porteurs d’une attitude émotionnelle (franchouillard) ; comme certains emplois des temps verbaux (imparfait hypocoristique).
— Au niveau de l’organisation (ou de la désorganisation) syntaxique, on attribue à l’émotion les réorganisations de la forme considérée comme basique de l’énoncé : emphase, ruptures de construction, inversions. La notion traditionnelle de “figures de construction” cherche à capter quelque chose de ces mouvements d’émotion dans l’organisation de la parole. Cette vision de l’émotion comme déstructuration de l’acte linguistique fait certainement écho aux théories psychologiques plus générales sur l’émotion perturbant l’action.
Par leur hétérogénéité, ces faits touchent simultanément à l’ensemble des niveaux que les sciences du langage ont l’habitude de distinguer soigneusement ; il est sans doute impossible de les organiser en ce qui serait un “système linguistique des émotions”.
Comme le dit Kerbrat-Orecchioni « le risque est grand de voir les valeurs affectives se diluer dans l’océan de la subjectivité langagière. » (2000 : 43).
Il n’est donc pas question de rechercher ce que pourrait être l’organisation “en langue” un “système des émotions”, comme il existe un système linguistique du temps, reposant sur les sous-systèmes morphologie verbale, des adverbes, des prépositions et des conjonctions temporelles.