ÉMOTION ÉMERGENTE, ÉMOTION PERSISTENTE
Le mot émerger a deux emplois distincts.
Émerger 1 signifie « sortir d’un liquide » ou d’un milieu homogène (TLFi, Émerger), par un mouvement ascendant.
Émerger 1 fait référence au début du processus qui conduira à émerger 2 « être hors d’un liquide » ou d’un milieu homogène quelconque. Émerger 1 est inchoatif et émerger 2 résultatif.
Les émotions émergentes 1 sont des émotions in statu nascendi ; elles apparaissent et se développent dans le flux de l’interaction.
On peut appeler émotions persistantes les émotions émergées 2 , telles qu’elles se développent par-delà leur séquence émergente 1 .
Les émotions évoquées, partagées et racontées sont des émotions persistantes, bien connues de leur expérienceur. On pourrait les appeler re–émotions : rappelées et revécues.
PETITES / GRANDES ÉMOTIONS
On peut opposer des émotions longues, mémorables (macro-émotions, grandes émotions, émotions fortes) et émotions courtes (micro-émotions, petites émotions [11]). Les macro-émotions sont des émotions persistantes ; la durée de vie des micro-émotions est limitée à leur séquence émergente.
Petites émotions
Cette description rend bien compte des petites émotions (Bouchard 2000) de la vie quotidienne, telles que celles qui se matérialisent par une interjection : Mais putain ! j’avais pourtant dit que… ; et merde, ça a encore foiré ! Plantin 2015a). La plupart du temps, ces émotions disparaissent, se résorbent dans la tâche en cours et ne sont pas mémorisées ; c’est en ce sens qu’on peut dire que l’épisode émotionnel se clôt par le retour au “calme”, c’est-à-dire au cours normal de l’action interrompue, avec le mode de tension qu’elle exige et l’humeur de ceux qui y participent.
Grandes émotions
Les grandes émotions peuvent aller jusqu’à changer la vie de l’expérienceur.
l y a une dissymétrie complète entre l’avant émotion et l’après émotion. Elles sont mémorisées, racontées, revécues et réélaborées ; ce sont des émotions longues.
L’émotion longue est caractérisée par les traits suivants [9] : (i) l’émotion est intense ; (ii)
l’événement associé est exceptionnel (en référence aux intérêts et aux valeurs de
l’expérienceur) ; (iii) l’émotion est thématisée ; (iv) elle est mémorisée dans la mémoire
longue ; (v) elle est socialisée, racontée ; (vi) sa gestion est longue et complexe, et implique
plusieurs types d’action ; elle s’effectue en discontinu, au cours de différents épisodes ; (vii)
elle est restructurante, en ce qu’elle altère le niveau thymique de l’expérienceur (il ne
récupère pas forcément son état antérieur). Plusieurs exemples sont présentés dans [12]