LES OUTILS DE L’EXPRESSIVITÉ

 

LES OUTILS DE L’EXPRESSIVITÉ

 

La linguistique et la phonétique classiques proposent une série d’instruments et d’observations propres à saisir les caractéristiques générales des émotions dans la langue et le discours, dont Kerbrat-Orecchioni a dressé « l’inventaire » (2000 : 33).

 

— Sur le plan de l’expression verbale au niveau lexical, l’émotion se marque et se gère par l’utilisation d’une série de “moyens” : vocabulaire particulier, injures et mots tendres (salaud / mon chéri) ; exclamations et interjections (— ah ! ; — mais… ! ; — bof ; — m’enfin, (Bouchard 2000), par exemple ! ; expressions figées (allez vous faire voir) ; intensifs, etc.

 

— Au niveau morphologique, certains suffixes sont porteurs d’une attitude émotionnelle (franchouillard) ; comme certains emplois des temps verbaux (imparfait hypocoristique).

 

— Au niveau de l’organisation (ou de la désorganisation) syntaxique, on attribue à l’émotion les réorganisations de la forme considérée comme basique de l’énoncé : emphase, ruptures de construction, inversions. La notion traditionnelle de “figures de construction” cherche à capter quelque chose de ces mouvements d’émotion dans l’organisation de la parole. Cette vision de l’émotion comme déstructuration de l’acte linguistique fait certainement écho aux théories psychologiques plus générales sur l’émotion perturbant l’action.

 

Par leur hétérogénéité, ces faits touchent simultanément à l’ensemble des niveaux que les sciences du langage ont l’habitude de distinguer soigneusement ; il est sans doute impossible de les organiser en ce qui serait un “système linguistique des émotions”.

Comme le dit Kerbrat-Orecchioni « le risque est grand de voir les valeurs affectives se diluer dans l’océan de la subjectivité langagière. » (2000 : 43).

 

Il n’est donc pas question de rechercher ce que pourrait être l’organisation “en langue” un “système des émotions”, comme il existe un système linguistique du temps, reposant sur les sous-systèmes morphologie verbale, des adverbes, des prépositions et des conjonctions temporelles.

TROIS APPROCHES DU LANGAGE DE L’ÉMOTION

TROIS APPROCHES DU LANGAGE DE L’ÉMOTION

 

Les définitions de caractère encyclopédique données par les psychologues et les psychiatres, plus ou moins passées dans le sens commun (à moins que ce ne soit l’inverse), ont été adoptées par les linguistes. Au titre du “sentiment linguistique”, propriété inaliénable du locuteur idéal, elles influencent profondément par exemple les recherches sur ce qu’il faut entendre par terme d’émotion. La délimitation de ce champ met en jeu non seulement les termes désignant d’abord des états psychiques, mais aussi des termes désignant les accompagnements organiques ou actionnels de ces états (voir infra).

D’une façon générale, et dans la perspective d’une analyse du langage et de la parole émue, on pourrait proposer de grands regroupements autour des trois pôles suivants, le pôle expressif-énonciatif, le pôle pragmatique, le pôle communicationnel ou interactionnel, aucun ne bénéficiant d’un privilège particulier. Par une série d’intégrations successives.

Pôle expressif-énonciatif

On s’intéresse ici essentiellement à l’état affectif du sujet ému, à son état cognitif (ses perceptions, ses évaluations), tels qu’on peut les lire dans ou les inférer de son activité verbale, ainsi qu’aux transformations de ses “Gestalten” vocales et mimo-posturo-gestuelles. Par exemple, on détermine les caractéristiques de la voix triste ou de la voix de la colère.

Pôle pragmatique

Pôle pragmatique. La pragmatique de l’expression émotionnelle prend en compte la situation, c’est-à-dire l’événement inducteur et les transformations élémentaires des dispositions à l’action du locuteur. Interviennent systématiquement à ce niveau les émotions liées à des situations et à des rôles, la prise en charge d’un rôle (discursif ou social) avec la posture émotionnelle ad hoc.

Pôle communicationnel-interactionnel

On s’intéressera alors au rapport de voix entre la voix du colérique et la voix du calme ou du colérique complémentaire avec laquelle il interagit (Grosjean 1995) ; à l’émergence de l’émotion à partir de ce stimulus particulier que constitue l’être conversationnel de l’autre ; à son évolution et à sa gestion dans l’interaction (voir Plantin, Doury, Traverso 2000).

Cette étude devrait rester attentif au fait qu’étudier l’émotion dans les interactions, c’est se donner comme objet le tout de la communication interpersonnelle, qui intéresse notamment la psychanalyse, le psychosociologie des groupes, la psychologie en général et la psychologie clinique (Sangsue & Scherer 2000).

Énoncé d’émotion

RECONSTRUIRE LES ÉNONCÉS D’ÉMOTION

 

1 — PHRASE D’ÉMOTION

Une phrase  d’émotion est une phrase simple où le verbe a pour argument un nom d’émotion.

Une phrase d’émotion est une phrase attestée ayant l’une des structures suivantes.

1)  Un verbe impersonnel a pour argument un nom d’émotion qui peut préciser la situation produisant l’émotion : il est doux de ne rien faire.

2) Une émotion est prédiquée d’un expérienceur par être ou avoir :
            Pierre a peur
Pierre est stressé

3) Une émotion est prédiquée d’un expérienceur par un verbe prsychologique
            Pierre enrage

4) Un verbe psychologique lie un expérienceur à une situation

L’expérienceur est en position sujet :
            Pierre méprise l’argent

L’expérienceur est en position objet
             L’argent dégoûte Pierre
             Le film déplait à Pierre

2 —ÉNONCÉ D’ÉMOTION

L’énoncé d’émotion est défini comme une forme liant une terme d’émotion (verbe substantif adjectif) un expérienceur, et une source de l’émotion.

Pour analyser l’émotion dans un texte il faut d’abord identifier de quelle émotion il s’agit, qui est l’expérienceur de cette émotion, et quelle est la situation à l’origine de cette situation.

Émotion : QUOI ? De quelle émotion s’agit-il ?
Expérienceur : QUI ? Qui est l’expérienceur de cette émotion ?
Situation : POURQUOI ? Quelle est la source de cette émotion ?

L’énoncé d’émotion élémentaire synthétise  les réponses à ces questions.

La phrase d’émotion où un verbe psychologique lie un expérienceur à une situation correspond immédiatement à un énoncé d’émotion.

La phrase (1) ne mentionne pas l’expérienceur
Les phrases d’émotion (2) et (3) ne mentionnent pas la source de l’émotion.
Le contexte permet parfois de reconstruire l’expérienceur et la source.

Nous parlons de source et non pas de stimulus pour souligner le fait qu’on a affaire non pas à une causalité matérielle mais à une construction langagière.

Pour bien marquer qu’il s’agit d’une reconstruction, l’énoncé d’émotion sera noté :

[Terme d’émotion, Expérienceur, Source de l’émotion]

Les informations qu’il rassemble ne sont pas nécessairement contenues dans la même phrase, mais doivent être rassemblés dans des passages plus ou moins longs et possiblement discontinus.

Les phrases d’émotion contiennent nécessairement un terme d’émotion.

Un passage peut ne contenir aucun terme d’émotion, mais cependant orienter vers une émotion.

Le travail de reconstruction de l’émotion commence avec les verbes d’émotion.

A partir de l’énoncé “Pierre a blessé Paul” on pourrait reconstruire l’énoncé d’émotion [Paul, blessé] en attendant la spécification qu’apporte le contexte actuel dans lequel est prise cette affirmation.
On peut également proposer une classe d’énoncés d’émotion en s’appuyant sur le dictionnaire. [8]
Ainsi, pour blesser, le TLFi mentionne désagrément, inquiétude – offenser, choquer, déplaire – faire du mal importuner, déplaire (TLFi. Blesser) soit une orientation vers la classe des émotions négatives d’intensité faible et moyenne, en attendant que le contexte précise si Paul est se sent méprisé ou humilié.

Si Pierre est ébloui par l’intelligence de Paul, on peut reconstruire un énoncé d’émotion [Pierre, /admiration/], simplement en se conformant à la sous-entrée

Éblouir … Frapper la vue, l’esprit d’admiration» (TLFi, art. éblouir).

Les barres obliques indiquant qu’il s’agit d’une reconstruction sont peut-être superflues ici.


 

Module 7 : Pour un dictionnaire des termes d’émotion

Module 7

DES LISTES DE TERMES D’ÉMOTION
AU DICTIONNAIRE DES FMS D’ÉMOTION

1 — NATURE DES ENTRÉES FIGURANT SUR LA LISTE DE MOTS-CONCEPTS D’ÉMOTION

L’émotion n’est pas attachée à une catégorie lexicale de mots pleins, mais à des familles de mots, les familles morpho-lexicales sémantiquement homogènes.

2 — FUSION DE LISTES DE FMS D’ÉMOTION

La fusion des listes de mots-concepts d’émotion complétée par la liste de mots d’émotion réunie par Galati & Sini produit une liste unique de 248 familles de termes d’émotion.

3 —DICTIONNAIRE DES FMS D’ÉMOTION – V0

En développant la liste précédente, on obtient la version V0 du Dictionnaire.
Dans son état actuel, il compte environ 320 FMS pour environ 900 mots

4 —MÉTHODE POUR DÉTERMINER SI UN MOT M EST UN MOT D’ÉMOTION

Trois méthodes : Liste — Définition du dictionnaire — Définition de (l’)émotion.


 

Noms d’émotion

NOMS D’ÉMOTION

Les ouvrages d’intention didactique dressent des listes très utiles de termes d’émotion, par exemple Béraud, Euzen-Dague, Rémi-Giraud (1988).

La liste G&S [5] énumére un nombre respectable de termes d’émotion, cent quarante-trois. Ces termes ont été extraits du dictionnaire Le Petit Robert sur la base des trois critères suivants, par des locuteurs natifs du français, sans lien avec la recherche :

A) Les termes doivent se référer à des conditions intérieures et mentales.
B) Ils doivent impliquer un état mental transitoire.
C) Ils doivent se rapporter à des aspects affectifs, bien qu’ils puissent aussi se référer à la connaissance, au comportement, ou aux modifications physiologiques et expressives qui accompagnent les émotions. [5, p. 79]

Cette liste, comme celle des psychologues et des philosophes, est uniquement composée
de substantifs. Ces critères font écho aux définitions de l’émotion proposées par les
psychologues pour l’émotion comme syndrome (voir XXX), touchant l’état affectif, l’état cognitif, les variations de comportement et des productions vocales, mimiques, posturales et gestuelles (VMPG).

En pratique, pour savoir si un terme est un terme d’émotion on regarde d’abord s’il figure ou non dans cette liste de termes.


Liste des 143 termes d’émotion de Galati & Sini (2000, p. 79)


Ces termes sont tous des substantifs. Il existe également des verbes et des adjectifs d’émotion.

Certains termes ne sont des termes d’émotion que pour certaines de leurs acceptions. Les termes de la famille embarras, embarrasser, embarrassé, embarrassant, renvoient à un état matériel dans (4) (Embarrassé1, à un état émotionnel et cognitif dans (5) Embarrassé2,; (6) est ambigu entre les deux valeurs :

La pièce était embarrassée de colis (‘encombrée’)
Cette remarque m’embarrassait (‘déconcertait’)
Pierre était embarrassé par tous les cadeaux qu’il avait reçu (ambigu)

Embarras2 est pleinement un terme d’émotion, comme le montre sa définition, qui fait de l’embarras une spécification de gêne, mot reconnu comme terme d’émotion.

Gêne résultant d’une situation difficile” TLFi, Embarras

On remarque que pride “orgueil, amour-propre, fierté, arrogance, vanité” figure dans la liste d’Ekman mais pas dans la liste Galati, Sini. Les termes français semblent se référer à une disposition émotionnelle plus qu’à une émotion émergente.


 

Définir “émotion”

DÉFINIR LE MOT “ÉMOTION

1 — “Émotion” dans le dictionnaire Littré

  • 1 Mouvement qui se passe dans une population.
    Mouvement excité dans les humeurs, dans l’économie.
  • 2 Agitation populaire qui précède une sédition, et quelquefois la sédition elle-même ; ce qui est un mouvement moitié physique, moitié moral.
  • 3 Mouvement moral qui trouble et agite, et qui se produit sous l’empire d’une idée, d’un spectacle, d’une contradiction, et quelquefois spontanément sous l’influence d’une perturbation nerveuse, comme cela a lieu quelquefois dans l’hypocondrie.

2 — “Émotion” dans le TLFi

Conduite réactive, réflexe, involontaire vécue simultanément au niveau du corps d’une manière plus ou moins violente et affectivement sur le mode du plaisir ou de la douleur. (TLFi, Émotion)

— « Conduite réactive, involontaire » La situation source de l’émotion agit comme un stimulus déclenchant automatiquement une réponse émotionnelle.

— « Vécue simultanément au niveau du corps … et affectivement … ».
Correspond aux deux composantes corporelles (interne et externe) et à la composante psychologique.

— « Vécue … au niveau du corps d’une manière plus ou moins violente »
Excitation

— « Affectivement sur le mode du plaisir ou de la douleur »

On retrouve des éléments essentiels de la définition de l’émotion par les psychologues (Gayral, Scherer)

3 — “Émotion” dans le Dictionnaire du Français contemporain

Trouble subit, agitation passagère causée par la surprise, la peur, la joie, etc
(DFC, Dubois et al. 1967, Émotion).

Cette définition  ne mentionne pas la source de l’émotion, qui est entièrement  caractérisée par la façon dont elle affecte l’expérienceur.

  • (trouble) subit: la surprise est à l’origine de l’émotion;
  • trouble, agitation: l’émotion est caractérisée par une activation, une variation de l’intensité des comportements; c’est un écart par rapport à l’attitude ordinaire.
  • (agitation) passagère: l’activation ne se stabilise pas, l’émotion est du côté de l’événement; au terme de l’épisode émotionnel, l’individu retrouve son état de fond ordinaire.

L’émotion est définie comme une réalité physiologique, dont la cause est un état psychologique, “la joie“. La causalité postulée est interne, elle va de la psyché au corps.

L’émotion est un „trouble“, une „agitation“; elle est donc définie comme une variation de type courbe en forme de cloche, sur un fond qui demeure plus ou moins le même.
Une émotion est en somme une ondulation (phasique) sur une ligne de fond (thymique) qui sert de référentiel: c’est une différence qui, sur le plan interactionnel, se manifeste par une variation de l’intensité et de la tonalité de la parole et de l’échange (voir un exemple développé dans Plantin 2012).


 


Métaphorisation de l’émotion

MÉTAPHORISATION DU PROCESSUS ÉMOTIONNEL

Dans les énoncés d’émotion de forme Sujet-Verbe-Objet tels qu’ils ont été définis précédemment, l’indication de l’état émotionnel est portée par le verbe dans le cas des Vψ1, Vψy2 et Vψ3; par l’adjectif ou le nom dans les autres cas. La prédication est assurée par le Vψ, par être ou avoir.

L’attribution d’émotion se fait également par des constructions où c’est un verbe d’action, non psychologique, qui lie le terme d’émotion au lieu psychologique (avec ou non mention de la source de l’émotion):

La nouvelle remplit Paul de joie
Une grande joie envahit Paul
Paul bouillait de rage

Ces énoncés ont la forme d’énoncés d’émotion, on y trouve l’expérienceur, la source et le nom de l’émotion,qui est donc exprimée ndépendamment du verbe.
La prédication est effectuée par un verbe qui n’est ni être ni avoir ni un Vψ, mais un verbe d’action a priori quelconque.

Remplir de joie fonctionne comme réjouir, verbe psychologique du second type (type dégoûter, focalisation sur la source en position sujet).
Remplir n’est pas un verbe psychologique, mais il transforme l’expérienceur en récipient, et la joie est vue comme un liquide, la source comme un agent menant à son terme l’action de verser.

La seconde construction correspond à la construction  être joyeux, Paul est joyeux.
Elle transforme l’expérienceur en territoire, focalise sur l’émotion elle-même (position sujet), sur son action progressive, analogue à un envahissement. On note que l’envahisseur est ici un bienfait, mais on pourrait dire qu’ailleurs il serait un méfait, la tristesse envahit Paul. Envahir est donc neutre, alors qu’il ne l’est pas dans ses usages ordinaires.
Envahisseur n’hérite pas de la capacité d’envahir qui lui permet de fonctionner dans le registre de l’émotion.

La troisième correspond à Paul enrage ou Paul est en colère. Paul lui-même est un liquide, la source qui n’est pas mentionnée ici un feu qui le porte à ébullition, jusqu’à l’explosion (voi rPlantin  2017 La dissémination de colère dans le lexique français).

On voit que la métaphorisation opérée par le verbe introduit à un nouveau monde et à un nouveau langage de l’émotion.

Les verbes concernés sont “émotion compatibles”, mais n’opèrent avec n’importe quelle émotion. On peut ainsi comparer la sensibilité des noms d’émotion aux différentes verbes métaphoriques.

Lorsque de tels verbes apparaissent seuls, il est possible d’utiliser la contrainte qui les caractérise pour récupérer un nom de sentiment. Ainsi, dans “Achille bouillait”, comme en français, on bout de rage ou d’impa­tience [1], il est légitime d’attribuer provisionnellement l’un ou l’autre de ces sentiments à Achille:

[Achille: /rage ou impatience/]

en attendant que le contexte vienne spécifier l’émotion.


SENSIBILITÉ À LA MÉTAPHORE DES TERMES D’ÉMOTION

Balibar-Mrabti s’est intéressée aux constructions semi-figées, métaphoriques, où apparaît «un nom abstrait de sentiment, très contraint par le choix lexical du verbe» (1995, p. 89), et dont elle propose une liste (1995, p. 94-95). Le phénomène peut être mis en relation avec la question des métaphores émotionnelles (Lakoff et Johnson 1980; Kövecses 1990).

A titre d’exemple, considérons une famille de noms d’émotions classiques (peur, colère, joie, tristesse, fierté, honte) combinés avec les verbes monter (“l’émotion vient d’en bas”), envahir (“l’individu ne résiste pas à l’émotion”), remplir et être plein (“l’individu ému est un récipient, l’émotion est un liquide qui s’y déverse”), et examinons leur degré d’acceptabilité dans les contextes suivants:

(1) il sentit la – monter en lui
(2) il sentit la – l’envahir
(3) la nouvelle le remplit de –
(4) il est plein de –

  monter (1) envahir (2) remplir (3) être plein (4)
peur + +
colère +++ + ? ++
joie + +++ ++
tristesse ? + ? +++
fierté ++ ++
honte +

Qu’on soit ou non d’accord avec le détail de ces jugements, il reste le fait qu’il y a bien une sélection opérée sur les noms d’émotion par les verbes de ce type.

Considérons l’ensemble suivant de substantifs liés au domaine de la peur, et une série de verbes dont ces substantifs peuvent être objets directs, toujours avec un sens dit “métaphorique”.

  faire – provoquer – jeter – répandre – semer –
peur +++ + ?
frayeur ? ?
effroi + +++ + ?
épouvante ?
panique +++ +++
terreur + +++ +
anxiété ++

Semer se dit plus volontiers de la panique, que de l’anxiété; provoquer convient à la panique plus qu’à la terreur. Ces phénomènes touchent ainsi la question du stimulus et de l’agent responsable de l’émotion (voir Chapitre 9).

De même le lexique permet d’afficher différents degrés de contrôle de l’émotion par le sujet:

(1) Psy ne parvient pas à surmonter sa peur, sa colère, son angoisse
(2) Psy est submergé par (Nom d’émotion)
(3) Psy est inondé par (Nom d’émotion)
(4) Psy s’engage dans des actions dictées par (Nom d’émotion)
(5) Psy lutte contre (Nom d’émotion)

  surmonter (1) submerger (2) inonder (3) dicter (4) lutter contre (5)
peur +++ + ? + +++
colère + + + +
joie + ++ +
tristesse + + ? +
fierté ?
honte ? ++

 


[1] Même si on peut trouver des occurrences de ces syntagmes sur internet, les locuteurs consultés refusent bouillant de honte, de joie, d’angoisse hors contexte.

Verbes d’émotion

VERBES ET ADJECTIFS d’ÉMOTION

1. Terminologie

En français, on parle de verbe psychologique ou de verbes de sentiment ou de verbes d’émotion.

En anglais, « a psych verb is a verb (such as bore, frighten, please, anger, and disappoint) that expresses a mental state or event »; les psych verbs sont des « verbs that express a psychological state and assign the role ‘experiencer’ (of that psychological state) to one of its arguments ».
On dit également psychological verb, mental verbexperiencer verb, and emotive verb.

Nous parlerons de verbe d’émotion, et de prédicat d’émotion, pour couvrir à la fois les verbes d’émotion et les adjectifs d’émotion qui en dérivent.

Fondamentalement, le prédicat d’émotion attribue une émotion un être, l’expérienceur de l’émotion (ou lieu psychologique)

2. Syntaxe des verbes d’émotion

Les prédicats d’émotion ont été étudiés notamment par Nicolas Ruwet dans le cadre de la grammaire générative (2)  et par Maurice Gross, dans le cadre de la théorie du lexique-grammaire (3).

On distingue ainsi trois types phrases mettant en jeu des termes d’émotion:

 Construction impersonnelles
— 
Constructions en être et avoir
Constructions à verbe psychologique, VΨ

Les prédicats  d’émotion correspondent à différents types de constructions, selon que s’y expriment ou non l’expérienceur et la source de l’émotion. Le terme d’émotion est obligatoire.

(i)        Le substantif d’émotion est prédiqué par un verbe impersonnel

[Verbe impersonnel + Substantif d’émotion]

C’est le cas de constructions impersonnelles comme il est agréable de –.

Le lieu psychologique est dit absent, mais on peut néanmoins, à partir ce tels énoncés projeter une émotion sur le locuteur (voir plus loin, “Lieu psychologique”).

Ça craint : le verbe craindre attache une émotion du type [peur, appréhension] à un lieu, une atmosphère qu’elle caractérise.

(ii)      Le terme d’émotion est prédiqué de l’expérienceur par le verbe être ou avoir

[Expérienceur + (être, avoir) + Substantif d’émotion]

Construction adjectivale “N° est Adj”: N° est heureux, joyeux
Construction “N° est en N”: N° est en colère
Construction “N° a Adj”: N° a peur
Sur ces constructions, voir Leeman 1995.

Dans les constructions suivantes, la prédication est effectuée par un verbe d’émotion.

 (iii)     Un verbe d’émotion est prédiqué de l’expérienceur

[Expérienceur, Verbe d’émotion]

Paul enrage
Paul s’ennuie, s’emmerde, se morfond

S’emmerder, se morfondre n’ont pas de correspondants substantifs morphologiquement apparentés.
Emmerdement
n’est pas le substantif d’émotion correspondant à s’emmerder, ni à emmerder.

 (iv) Le verbe d’émotion lie l’expérienceur à la source de l’émotion

Ces constructions sont de deux types principaux, selon le rôle syntaxique, sujet ou objet, du lieu psychologique et de la source de l’émotion.

Les verbes de type mépriser focalisent sur le lieu psychologique, qui est en position sujet, alors que pour les verbes de type dégoûter c’est la source de l’émotion qui est mise en en position sujet.

 (i) Verbes de type mépriser (Vψ1)

[Expérienceur + Verbe d’émotion + Situation]

Dans “Pierre méprise l’argent” « Pierre est le “lieu” d’un certain processus psy qui a pour thème l’argent » (Ruwet 1972, p. 187).
L’expérienceur est en position sujet et la source de l’émotion (être, situation), en position objet direct.

Les verbes suivants sont des Vpsy1: mépriser, aimer, adorer, admirer, détester, déplorer, supporter, redouter, regretter, estimer, apprécier… (id., p. 189).

(ii) Verbes de type dégoûter (Vψ2)

[Situation + Prédicat d’émotion + Expérienceur]

Dans “L’argent dégoûte Pierre”, Lieu et Situation permutent leurs places syntaxiques par rapport aux Vpsy1 :
La source de l’émotion est en position sujet et l’expérienceur en position objet direct.

Les verbes suivants sont des Vpsy2: dégoûter, amuser, intéresser, agacer, ennuyer, effrayer, gêner, terrifier, horrifier, humilier, surprendre, étonner, impressionner, préoccuper… (id., p. 189).

(iii) Verbes de type plaire (Vψ3)

[Situation + Prédicat d’émotion + Prép + Expérienceur)]

Pour les verbes de type plaire (dits Vpsy3), “Pierre plaît à Paul”, l’expérienceur est objet prépositionnel.
Comme pour les Vpsy2, la source est en position sujet.

***

La notion de verbe psychologique étend considérablement le champ des termes d’émotion qu’on limiterait indûment à une série de substantifs de base. Un verbe comme agacer prédique une émotion qui n’est désignée par aucun substantif de base, mais seulement par le substantif dérivé, agacement.

 (v) Nom d’émotion dans les phrases exclamatives
Outre ces phrases prédicatives, on trouve des noms d’émotion sans mention d’expérienceur dans des tournures exclamatives :

Quelle horreur !


PHRASES D’ÉMOTION À STRUCTURE COMPLEXE

Dans les phrases élémentaires exprimant un terme d’émotion en lien avec une source et un expérienceur, le terme d’émotion exprime directement l’émotion, comme dans :

            Léa ressent une grande joie

Le lien entre le terme d’émotion et le lieu psychologique peut aussi être établi indirectement, dans des énoncés résultant d’opérations syntaxiques complexes:
Luc perçut une étincelle de joie dans le regard de Léa (Gross 1995, p. 77)

Dans les deux cas, on a affaire à la même attribution d’émotion, mais dans le second énoncé, l’attribution est indirecte, elle est inférée de deux indices.
— D’une part, elle exploite un indice stéréotypiquement lié à l’expression de la joie, qui se lit dans le regard de l’expérienceur.
— D’autre part, un indice plus sélectif, qui touche à la modalité d’apparition du symptôme, l’étincelle. On parle d’étincelle de joie,  peut-être d’étincelle de colère, mais pas d’étincelle de peur de tristesse ou de honte.

L’interprétation doit prendre en compte ces indices, ou ces façons de dire caractéristiques de l’expression de l’émotion dans une langue et une culture donnée.


 VERBES PSYCHOLOGIQUES ET AGENTIVITÉ

Les énoncés à verbe psychologique mettent en relation l’émotion, sa source et son siège. Certains Vpsy2 peuvent recevoir une interprétation agentive (“active”, Gross 1995, p. 75), c’est-à-dire que le sujet du verbe est à la fois “thème” et “agent” conscient et délibéré du processus aboutissant à l’état dont est affecté le lieu psychologique.
La question est donc celle de la nature exacte de la relation sémantique entre le sujet et l’objet du verbe psychologique, selon que le sujet contrôle ou non l’état de l’objet (selon que le sujet a ou non l’intention de produire cet état dans l’objet). Les thèmes non humains interdisent la lecture agentive; certains adverbes comme délibérément l’imposent:

Le manège amuse Pierre
Jean amuse Pierre (volontairement ou involontairement)
Jean a délibérément amusé Pierre

Tous les Vpsy2 ne sont pas susceptibles de recevoir une interprétation agentive (*Jean a délibérément touché Pierre).
Les tests d’agentivité reposent sur la possibilité d’introduire une relation de type faire entre le sujet et l’objet de Vpsy2:

Qu’est-ce que Max a fait?
– Il a cuit le poulet, amusé les enfants
– *Il a préoccupé Paul, *frappé Jules par sa beauté

La possibilité d’introduire un adverbe de type prudemment est une indication d’agentivité:

Paul a prudemment cuit le poulet
*Paul a prudemment préoccupé Max

Ces notions rendent compte d’oppositions comme terroriser / terrifier. Terroriser est agentif, impliquant forcément une intention de faire peur de la part du Pierre, alors que terrifier n’implique pas forcément cette intention (Ruwet 1995):

Paul terrifie Pierre (Paul a ou non l’intention de faire peur)
Paul terrorise Pierre, c’est très méchant de sa part
le feu d’artifice terrifie Pierre vs * le feu d’artifice terrorise Pierre

La source humaine de l’émotion, peut agir intentionnellement ou non :

Pierre amuse Paul
               – soit involontairement: Pierre n’a pas l’intention d’amuser Paul.
– soit volontairement: Pierre fait des choses que Paul trouve amusantes. [7]

 

Par ailleurs, d’autres verbes sans contenu émotionnel particulier, permettent d’exprimer l’émotion dans le cadre sémantique et syntaxique qui leur est propre.
On parle alors de métaphore émotionnelle,


[1] D’après https://www.thoughtco.com/psych-verb-definition-1691550

[2] Dans son analyse des « verbes psychologiques», Ruwet distingue, outre le verbe psychologique ou verbe d’émotion, l’expérienceur et la situation source ou déclencheur de l’émotion. L’étude des verbes psychologiques s’intéresse aux relations syntaxiques liant ces trois entités en une “phrase d’émotion” (Ruwet 1994, p. 45).

[3] La théorie du lexique-grammaire « localise les éléments de sens dans des phrases élémentaires et non pas dans des mots » :

La description de la formulation des sentiments [consiste] en une grammaire locale, et non pas en un simple lexique des termes de sentiments. En conséquence, on considère qu’un lexique de noms de sentiments n’a pas d’autonomie, et donc que les noms doivent être entièrement intégrés aux familles de phrases présentées ici sous forme de grammaire. Ce point de vue a une traduction sémantique claire et quasi tautologique: un sentiment est toujours attaché à la personne qui l’éprouve. On peut formaliser cette association en la notant par un prédicat sémantique: Sent (h), où le sentiment Sent est une fonction d’une variable h, qui correspond à des humains. Il existe alors autant de fonctions que de sentiments (Gross 1995, 70).


UN CLASSEMENT SÉMANTIQUE DES VERBES PSYCHOLOGIQUES

De même qu’on situe les noms d’émotion sur un axe plaisir /  neutre / déplaisir, les verbes psychologiques peuvent se répartir en trois classes, “agréable”, “désagréable” ou “indifférent”.
Comme le verbe étonner, le substantif étonnement n’a pas d’orientation plaisir / déplaisir.

Dans son étude des « verbes psychologiques », Mathieu part des recherches de Jackendorf (1990), qui considère une liste de 390 verbes psychologiques, classés en trois catégories « selon que le sentiment éprouvé est négatif, positif ou neutre » (Mathieu 1996/77, p. 117).

Une liste de verbes psychologiques français  (Mathieu 1996-1997, p. 117-118)

Verbes “désagréables”

— type EFFRAYER

faire peur
provoquer de la frayeur
affoler
alarmer
angoisser
apeurer
effaroucher
effrayer
épeurer
épouvanter
glacer
horrifier
inquiéter
intimider
paniquer
terrifier
terroriser

— type ATTRISTER

faire de la peine
rendre triste
affecter
affliger
assombrir
atteindre
attrister
chagriner
chiffonner
contrarier
contrister
désoler
navrer
peiner
rembrunir


Verbes “agréables”

— type ÉMOUVOIR

rendre plus sensible
affecter
bouleverser
chambouler
chavirer
émotionner
émouvoir
remuer
renverser
toucher
tournebouler
troubler

— type ÉPATER

causer un
étonnement admiratif
éblouir
émerveiller
épater
époustoufler
étourdir
souffler

Verbes “indifférents” : type ÉTONNER

causer de la surprise
abasourdir
ahurir
asseoir
confondre
ébahir
ébaubir
ébouriffer
époustoufler
estomaquer
étonner
frapper
interdire
interloquer
méduser
renverser
saisir
scier
sidérer
souffler
stupéfier
surprendre

Soit un total de 73 verbes.

Homonymie des verbes d’émotion
« Ces classes ont une intersection vide ; si un verbe est ambigu, il est considéré comme recouvrant des verbes différents (non ambigus). Par exemple ennuyer, qui a trois interprétations possibles, est analysé comme trois verbes distincts (ibid.) :

ennuyer = lasser  — Le discours fleuve de l’orateur (ennuie + lasse) l’assistance
ennuyer = tracasser — Que son fils lui mente (ennuie + tracasse) Paul
ennuyer = déranger — l Le bruit des pelleteuses (ennuie + dérange) Paul ».

Puisqu’ennuyer renvoie à trois émotions différente, il doit figurer trois fois fois dans la liste des 590 verbes.


 

Verbe D’ACTION et D’ÉMOTION
Frapper : avec un poignard / par sa clairvoyance

 

Dans les constructions mettant en jeu l’émotion, l’indication d’émotion est portée
— par un verbe d’émotion,
— par un adjectif ou un substantif d’émotion, la prédication étant alors assurée par être, avoir ou par un verbe impersonnel.

Par ailleurs, certains verbes d’action matérielle, sans contenu psychologique, comme frapper peuvent fonctionner comme des verbes d’émotion au sens plein du terme.
Paul a frappé (touché, blessé, ébloui, troublé, …) Pierre

On a affaire à une construction correspond à celle d’un VΨ2 :
Source — frappe, touche— Expérienceur

Tous les termes de la famille morpho-lexicale du verbe d’émotion sont des termes d’émotion :
éblouir, ébloui, éblouissant, éblouiissement…

Du point de vue sémantique, on peut considérer que le verbe d’émotion  est une métaphore du verbe d’action matérielle.

Cependant, du point de vue syntaxique, le verbe d’action frapper et le verbe d’émotion frapper entrent dans des constructions bien distinctes, ce qui pousse à les considérer plutôt comme des homonymes :

—   la préposition introduisant l’instrument est de, avec dans le cas du verbe indiquant l’action physique; dans le cas du verbe psychologique, la source du sentiment est introduite par la préposition par:
Pierre a frappé Paul de /avec son poignard (*par son poignard)
            Pierre a frappé Paul par son intelligence (*de / *avec son intelligence)

–   seul frapper action physique peut être mis à l’impératif:
            Frappe-le de / avec ton poignard! (*par ton intelligence!)

–   seul frapper verbe psychologique peut être modifié par les adverbes très ou si:
            Pierre a été très / si frappé par l’intelligence de Paul
            *Pierre a été très / si frappé du / avec le poignard de Paul

Problème de reconstruction de l’émotion

La reconstruction des énoncés d’émotion correspondant à ces emplois doit expliciter le plus clairement possible de quelle émotion il s’agit. A partir de l’énoncé “Pierre a blessé Paul” on pourrait reconstruire l’énoncé d’émotion [Paul, blessé] en attendant la spécification qu’apporte le contexte actuel dans lequel est prise cette affirmation. On peut également proposer une classe d’énoncés d’émotion en s’appuyant sur le dictionnaire.[8] Ainsi, pour blesser, le TLFi mentionne désagrément, inquiétude – offenser, choquer, déplaire – faire du mal importuner, déplaire (art. blesser) soit une orientation vers la classe des émotions négatives d’intensité faible et moyenne, en attendant que le contexte précise si Paul est se sent méprisé ou humilié.

Si Pierre est ébloui par l’intelligence de Paul, on peut reconstruire un énoncé d’émotion [Pierre, /admiration/], simplement en se conformant à la sous-entrée «Éblouir … Frapper la vue, l’esprit d’admiration» (TLFi, art. éblouir). Les barres obliques indiquant qu’il s’agit d’une reconstruction sont peut-être superflues ici.


Émotion

Définir l’émotion

DÉFINIR LE MOT “ÉMOTION

Le mot “émotion” est défini comme suit dans le TLFi et dans le Dictionnaire du Français contemporain.

TLFi

Conduite réactive, réflexe, involontaire vécue simultanément au niveau du corps d’une manière plus ou moins violente et affectivement sur le mode du plaisir ou de la douleur. (TLFi, Émotion)

DFC Dictionnaire du français contemporain

Trouble subit, agitation passagère causée par la surprise, la peur, la joie, etc
(DFC, Dubois et al. 1967, Émotion).

Cette définition  ne mentionne pas la source de l’émotion, qui est entièrement  caractérisée par la façon dont elle affecte l’expérienceur.

  • (trouble) subit: la surprise est à l’origine de l’émotion;
  • trouble, agitation: l’émotion est caractérisée par une activation, une variation de l’intensité des comportements; c’est un écart par rapport à l’attitude ordinaire.
  • (agitation) passagère: l’activation ne se stabilise pas, l’émotion est du côté de l’événement; au terme de l’épisode émotionnel, l’individu retrouve son état de fond ordinaire.

L’émotion est définie comme une réalité physiologique, dont la cause est un état psychologique, „la joie“. La causalité postulée est interne, elle va de la psyché au corps.

L’émotion est un „trouble“, une „agitation“; elle est donc définie comme une variation de type courbe en forme de cloche, sur un fond qui demeure plus ou moins le même.
Une émotion est en somme une ondulation (phasique) sur une ligne de fond (thymique) qui sert de référentiel: c’est une différence qui, sur le plan interactionnel, se manifeste par une variation de l’intensité et de la tonalité de la parole et de l’échange (voir un exemple développé dans Plantin 2012).

Ce „trouble“ et cette „agitation“ sont formatés sémiotiquement.

Le langage associe certaines transformations corporelles à certaines émotions. Il peut s’agir de manifestations d’ordre physiologique accessibles à l’auto-observation (tachychardie, p. ex. fr. le cœur battant), ou à un observateur externe (contraction des muscles érecteurs des poils, p. ex. fr. la chair de poule). Il peut également s’agir d’associations dont on voit mal le substrat physiologique, p. ex. fr. vert de peur, de jalousie, de rage: la couleur verte de l’expérienceur  n’est pas forcément très perceptible.

Sur le plan momo-posturo-gestuel, l’émotion s’accompagne de transformations des expressions faciales, posturales et gestuelles, et même d’actions associées: en français, on fait des sauts de joie et pas de tristesse ou de colère; on trépigne de rage ou de joie mais pas de honte.

Comme les situations, les descriptions des personnes peuvent ne comporter aucun terme d’émotion et être orientées vers une émotion. Sur la base de traits descriptifs comme être vert, trépigner, le cœur battant, la chair de poule on peut aller du symptôme à l’émotion, inférer une émotion.
Ces indices peuvent orienter sur un terme d’émotion précis, ou vers une zone émotionnelle, correspondant à une émotion, positive ou négative de faible intensité, que le contexte permettra éventuellement de désigner plus précisément comme de ‘l’irritation’, par exemple. Lorsque l’émotion n’est pas nommée mais reconstruite sur la base d’indices tirés de la sémiotique corporelle, elle sera notée entre crochets, [irritation].

Le rouge lui monta au front: en français, le rouge au front est un trait orientant univoquement vers la honte, du moins pour certains locuteurs; autrement dit, cet énoncé correspond à l’énoncé d’émotion ‘Loc (Lui, [honte])’; dans le cas de cette expression, elle est si univoque qu’elle nomme métonymiquement la honte. Dans d’autres cas, comme Pierre était vert, on a le choix entre la rage, la jalousie, la peur, etc.

Les termes d’émotion (verbes et substantifs) et désignation du syndrome.

Première composante du syndrome émotion, un état mental, psychologique, subjectif, synthétique, conscient.
Une expérience consciente du plaisir déplaisir : l’éprouvé – Un état de conscience spécifique.
En liaison avec cet état interne, l’émotion est définie comme un “sentiment” de peur, de regret, de colère. Elle renvoie ce que Jacques Cosnier appelle parfois “l’éprouvance”, point psychique mystérieux, qui constituerait la réalité ultime d’une émotion décorporalisée.  OK, mettre des citation.
Cette composante ne définit pas l’émotion.

La locution “expression corporelle de l’émotion” suppose que l’émotion est définie comme qq chose de “dedans, dans la psychè”, et que le corps l’exprime. Dans la conception ici défendue, c’est le syndrome interactionnel qui la constitue ; ce qui est “dans la psyché” n’en constitue qu’une composante.


VERSION PORTUGAISE DEEPL NON RELUE

 

Un paysage blessé

« Feridas nas paisaxes»

Section 4. Emotion inferred: situationnal clues

Emotions are linked to the surrounding circumstances

Emotions are not responses to stimuli

automatic reaction to a biological stimuli

 

The same obective situation can trigger different and opposed emotions:

Antagonistic emotions can be derived from the same material situation:

A: — Let’s rejoice, the tyrant is dead!

B: — Let’s cry the death of the Father of our Country!

 

Emotions are linked to a representation of the situation, that is, from a linguistic pov, to a description of the situation given by the experiencer.

This description can be summarized in the name given to the situation or to the being source of the emotion.

Such a description can be designated as the source of the emotion.

Now, a situation under a description is analytically tied to the emotion.

I was — when I saw an hideous monster lurking in the dark

terrified

thrilled

In a text emotionally coherent, the situation is described as conditioning the emotion.

 

Propuesta de lectura de las emociones en textos de formación:

Proyecto “tierra”

destrúen toda forma de vida

feridas nas paisaxes

lagos, cascadas, torrentes

or rios que se filtran por debaixo dos escombros arrastran materiais e tamén esán contaminados. A acumulación de excombros destrúe a vexetación de ribeira.

as escombreiras son grandes montañas de refugallos que ocupan abas, fondons de vales e cauces dos rios de xeito incontrolado. Destrúen toda forma de vida e impiden os cultivos e os asentamentos humanos

 

Anything that leaks beneath the debris drags materials and is also contaminated. The accumulation of excombros destroys the vegetation of the shore.

The sweepings are large mountains of waste that occupy beaks, valleys and valleys of the river in an uncontrolled manner. Destroying all forms of life and preventing crops and human settlements

 

 

Nb : arg + +, +-

  • Ejes, principios de construcción de la emoción

Un eje esencial : vida / muerte

  • Visión negativa de “as escombreiras”

Destruir (+) => (-)

Impedir (+)

  • Ejercicio: construir una visión positiva

 

Feridas nas paisajes

Conforme a nedesidade enerxética do ser humano foi evolucionando desde o Neolítico á actualidade, o sol e o subsolo do planeta foron sufrindo as pegadas na procura de recursos e da súa  explotación. A minaría, as instalacións fabris, a produción de refugallos, etc. deixaron et deixan fondas cicatrices nas paisaxes que persisten ao longo do tempo e o seu impacto abrangue tamén as augas, a atmosfera e a calidade de vida de todos os seres. Algunhas destas feridas seguen a medrar, outras viven procesos de rexeneración e recuperación coa toma de medidas en aras da sustentabiblidade paisaxitica e medioambiental, froito do esforzo e do compromiso social para acadar o ben común.

 

Wounds in the landscapes
According to the energetic needs of human beings, it has been evolving from the Neolithic to the present day, the ground and the underground of the planet have been suffering [sufrindo] the tracks in the search for resources and their exploitation. Mining, factory facilities, waste production, etc. They left you to leave deep scars in the landscapes that persist over time and their impact also covers the waters, the atmosphere and the quality of life of all beings. Some of these wounds continue to grow, others live regeneration and recovery processes with the taking of measures in the interests of landscape and environmental sustainability, the result of effort and social commitment to achieve the common good.

 

 

Lectura :

  • base de la inferencia (-)

            feridas – sufrindo – cicatrices

            pegadas

  • intensidad —   « más (-) »

            fondas (cicatrices)

            persisten …

            abranque tambén…

            siguen a medrar

  • causa (razón), responsabilidad:

             a necesidade enerxética do ser humano

  • control – acción

            (procesos de rexeneración coa) toma de medidas