ÉMOTION ET SITUATION

1. ÉMOTION ET SITUATION

L’émotion est liée, associée à une situation. Dans son analyse des ‘verbes psychologiques’, Ruwet (1994: 45) parle de “source“ de l’émotion, sans développer la question de la relation de l’émotion à cette source.

Nous parlerons indifféremment de situation ou de source et de bonne raison de l’émotion en référence à la représentation de la situation qu’en donne l’expérienceur.

James : L’ours — la fuite — la peur

Dans un article fondateur, What is an emotion? (1884), James part de ce que, selon lui, le sens commun dit de l’émotion :

My thesis is that the bodily changes follow directly the perception of the exciting fact, and that our feeling of the same changes as they occur IS the emotion. Common sense says, we lose our fortune, are sorry and weep; we meet a bear, are frightened and run: we are insulted by a rival, are angry and strike. The hypothesis here to be defended says that this ordrer of sequence is incorrect, that the one mental state is not immediately induced by the other, that the bodily manifestations must first be interposed between, and that the more rational statement is that we feel sorry because we cry, angry because we strike, afraid because we tremble, and not that we cry, strike, or tremble because we are sorry, angry or fearful, as the case may be. Without the bodily states following the perception, the latter would be purely cognitive in form, pale, colourless, destitute of emotional warmth. We might then see the bear, and judge it best to run, receive the insult and deem it right to strike, but we could not actually feel afraid or angry.

James distingue trois composantes de l’émotion

  • Une situation:

we lose our fortune
we meet a bear
we are insulted by a rival

  • Un état mental:

[we] feel sorry
[we] are frightened
[we] are angry

  • Une action / attitude / manifestation V-MPG:

[we] weep
[we] run
[we] strike.

La thèse de James-Lange porte sur l’enchaînement de la composante corporelle et de la composante psychique de l’émotion ce qui est typiquement un problème de structure de syndrome. Comme le sens commun, James considère comme évident que ces deux manifestations se succèdent, la discussion portant sur l’ordre de succession.
On également supposer que < perception – état mental – état corporel  >sont simultanées, à la durée de transmission des l’influx nerveux près.
Dans tous les cas, le déclencheur de la réaction (émotion – expression) ou (expression – émotion) est la perception de la situation.

Dans ce schéma, la situation apparaît comme la cause externe de l’émotion, qu’elle agit comme un stimulus déclenchant une réponse corporelle – mentale.
James caractérise chacune des composantes de cettre réponse par une association d’éléments typiques :

sorry – weep ;   frightened – run ; angry – strike.

James décontextualise la situation émotionnante et ne distingue pas la situation matérielle et sa perception. Or la perception est un acte analytique, et c’est cette analyse de la situation qui détermine l’émotion.

En d’autre termes, ce n’est pas la situation mais son analyse qui agit causalement.

  • J’ai depuis longtemps un profond désir de me faire anachorète :

Je perds ma fortune — ma figure s’illumine — je ressens une grande joie

  • Je fais un séjour d’observation de la faune sauvage :

Je vois un ours — je l’observe — je suis émerveillé

  • Je suis un imposteur

Je  suis insulté par un rival — je tends l’autre joue — je ressens un  immense soulagement d’être enfin libéré de mon imposture.

Je vois des gens sales et mal et bizarrement vêtus  dans le métro

  • je vois des terroristes, j’ai peur, je sors du wagon
  • je vois un groupe d’exilés, je ressens de la compassion et je leur parle
  • je vois des sdf, je suis embarrassé, je baisse la tête.

Exercices

— Je rencontre un groupe de gens mendiant dans le métro.
Quelle description / perception pour quelle émotion ?

description1, [émotion1 = peur]
description2, émotion2 = haine]
description3, [émotion3 = pitié]
description4, [émotion4 = indignation]

— “I meet a bear” — quelles émotions ?

2. SITUATION STIMULUS OU SITUATION REPRÉSENTÉE ?

Illusion du stimulus

Schématiquement, selon le modèle stimulus-réponse, l’émotion est un syndrome affectant un individu ayant sa source causale dans une situation extérieure.
L’émotion est subie ; elle est produite par le choc d’un événement sur une personne. La situation agit comme un stimulus ; l’émotion est la réponse à ce stimulus.
Il existe un certain nombre, restreint, d’émotions de base universelles
Le mécanisme de l’émotion, réactions physiques et ressentis psychiques sont  d’ordre physiologique.  Ces mécanismes sont innés, donc universels.
Le modèle de l’émotion passive calque le choc émotionnel sur le choc physique

je me heurte à la table, j’ai un hématome ; puis, je mets de l’arnica, et si tout se passe bien, l’hématome se résorbe.

je vois un ours, j’ai peur et je fuis, puis, si tout se passe bien, je trouve un refuge et je me calme ; ou quelqu’un me rattrape et me tranquillise.

Quiconque se heurtera à la table / verra un ours  aura un bleu / aura peur, et tout cela se résorbera dans les mêmes conditions organiques;

L’émotion est une condition individuelle. Si plusieurs personnes ressentent la même émotion dans les mêmes conditions, c’est que leur câblage physioogique est le même. La situation est émotionnante comme la pluie est mouillante.

Injonctions de faire, injonction d’éprouver

L’existence d’injonctions émotionnelles montre que la situation ne détermine pas causalement l’émotion à laquelle elle est liée:

Indignez-vous! (Stéphane Hessel)
Aimez-vous les uns les autres!
Redoutez ma colère!

Si l’expérienceur était causalement ému de telle émotion par la situation, on ne comprendrait pas ces injonctions. La pluie mouille causalement; l’injonction “soyez mouillés“ ne suffit pas à faire que quelqu’un soit mouillé, même s’il est sensible à l’injonction et essaie de toutes ses forces de l’être.

Si l’on peut enjoindre à quelqu’un d’aimer les autres, de s’indigner ou d’avoir peur, c’est parce que l’émotion se construit sur la base de bonnes raisons, qui sont fondamentalement des descriptions des situations dans lesquelles se trouve l’expérienceur potentiel sujet de l’injonction. On n’est pas dans du causal mais dans du sémiotique.

Désaccord sur les émotions

On parvient à la même conclusion à partir des situations d’antagonisme et de désaccord sur l’émotion appropriée:

L1: – Pleurons la mort du père de la patrie!
L2: – Réjouissons-nous de la mort du tyran!

L1: – Je n’ai pas peur des ours!
L2: – Pourtant tu devrais.

L1: — Arrête de faire la gueule
L2: — Je fais pas la gueule, je suis déprimé

L’émotion n’est pas attachée causalement à une situation donnée, mais à son formatage, repérable dans le matériau langagier. C’est en ce sens qu’on peut parler de construction argumentative de l’émotion et de la parole émotionnée comme d’une activité. Ce n’est pas la situation brute, s’il existe quelque chose de tel, qui détermine l’émotion, mais la situation sous une certaine perception – description de cette situation

À propos d’une émotion, on peut poser la question „pourquoi? (es-tu triste, en colère…)”, à laquelle on répond par l’énumération de bonnes raisons, qui ne sont autres que la description d’une situation, dont, par réification de ces bonnes raisons, on dit qu’elle est ‘la cause’ de l’émotion.

C’est la coorientations des formatages qui produit l’illusion du stimulus. Si un groupe de personne partage la même façon de voir le monde et les humains, alors plongés dans la même situation, ils l’analyseront spontanément et insconsciemment de la même façon et verront des sdf ou des terroristes ou des réfugiés.

La situation est dans l’émotion

L’émotion est inscrite dans la situation par l’expérienceur. L’expérienceur perçoit – formate la situation de telle façon, et ce formatage correspond à celui de telle ou telle émotion.

La source de l’émotion n’est pas la situation en soi, mais la situation sous une certaine description.

C’est cette description qui est activée si l’émotion doit être justifiée.

Les psychologues parlent de la composante d’évaluation cognitive de l’environnement (appraisal). Nous nous appuierons sur la description détaillée que donne Scherer de cette composante pour déterminer les règles qui organisent les descriptions de situation correspondant à telle émotion.

Estímulos simples, emociones complejas

El modelo estímulo-respuesta, aunque se amplíe, supone una buena definición de la respuesta. Sin embargo, estas respuestas no suelen ser ni estables ni inequívocas. Un modelo basado en la emoción instintiva tipo James (« oso -> miedo ») y, en general, los modelos que relacionan un acontecimiento con una emoción son demasiado simples, incluso cuando el acontecimiento que induce la emoción es un acontecimiento material externo elemental que afecta a un individuo aislado:

Es abril, estoy trabajando, miro hacia arriba y veo que está nevando. Estoy sorprendida, asombrada (¡la nieve es preciosa!), emocionada (¡esto es excepcional!), triste (la nieve me pone melancólica), irritada (¡mis plantas verdes!), preocupada (tenemos que ponernos en marcha), indignada/alegre (ya no hay estaciones, es culpa de la capa de ozono)

Esta misma ambigüedad emocional es la regla si el acontecimiento emocional afecta a un grupo; entonces es posible que los diferentes roles emocionales (el asombrado, el emocionado, el triste, el asustado, el indignado) sean asumidos por diferentes participantes en el acontecimiento, y que se produzcan verdaderos conflictos de representaciones emocionales, con la apariencia de negociaciones o discusiones emocionales.

2. L’ÉMOTION SANS TERME D’ÉMOTION

La description d’une situation peut n’expliciter aucune émotion (ne contenir aucun terme d’émotion) et cependant permettre d’inférer une émotion :

Notre héros se retrouva ainsi à la nuit tombée, perdu dans le fameux quartier mal famé de la Tarentule. Des ombres encapuchonnées l’entouraient

Cette description ne contient aucun terme d’émotion, mais chacun des éléments soulignés est orienté vers une émotion relevant de la zone couverte par le mot ‘peur’

[Loc (Notre héros, [peur], S)]

L’hypotypose, figure majeure de l’émotion

Terminó la esquina, y cayeron sobre ellos la soledad y la oscuridad del trasero del barrio de San Magín. Se vislumbraba contra la luna la silhueta de la iglesia. Llegaba la voz de Julio Iglesias de un juke-box cercano. Carvalho y Pedro Larios quedaron bajo la campana de luz de una lámpara mecida por la brisa en lo alto de un poste metálico. Pedro seguia con las manos en los bolsillos. Sonriente miró a la derecha e izquierda, de las sombras salieron otros dos muchachos y se situaron a cada lado de Carvalho.
— Es mejor hablar con compañía.
Manuel Vásquez Montalbán Los mares del Sur, 1979

Le narrateur fait émerger la peur par la description de l’action en cours et du  cadre dans lequel elle se déroule.
On remarque que, prise dans ce contexte, la voix du chanteur Julio Iglesias prend la même orientation.

Situation et situation décrite

L’émotion est liée à une situation langagièrement formatée pour cette émotion.  Il s’ensuit que tout conflit sur le formatage de la situation se traduit par un conflit d’émotions.
Le fait fondamental est que les mêmes choses ne font pas les mêmes impressions, c’est-à-dire ne déclenchent pas les mêmes émotions pour/ tout le monde.

Il faut distinguer situation donnée et situation décrite par l’expérienceur. C’est celle-ci qui est pertinente pour l’émotion.
Sous cette description, alors, elle est causale pour l’émotion.

Si le stimulus est défini comme la situation matérielle, alors, il est “hors émotion”; s’il est défini comme un point de vue sur la situation, il est une composante de l’émotion.

La situation formatée pour l’émotion est liée à l’émotion par les inférences émotionnelles.

 


Langage cognition et construction des affects

Toutes les opérations précédentes impliquent indissociablement langage et cognition.

Selon certaines approches, l’émotion perturbe le fonctionnement cognitif:

just as an emotion affects body processes and the perceptual process, so too it affects the person’s memory, thinking, and imagination. The “tunnel vision” effect in perception has a parallel in the realm of cognition. The frightened person has difficulty considering the whole field and examining various alternatives. In anger, the person is inclined to have only angry thoughts. (Izard 1977, p. 10).

D’autres approches adoptent une vision plus positive du rôle de la cognition dans l’émotion. D’une part, pour déclencher de l’émotion, les événements extérieurs doivent être perçus: la première forme de cognition impliquée dans l’émotion est donc de l’ordre de la perception. La nature de l’émotion dépend ensuite de l’interprétation de l’événement et de son évaluation, conditionnées par l’histoire du sujet, de son système de représentations, de valeurs. C’est un point fondamental.

La définition précise de ce qu’il faut entendre par cognition et évaluation est en débat. Zajonc remarque que

appraisal and affect are often uncorrelated and disjoint […] If cognitive appraisal is a necessary determinant of affect, then changing appraisal should result in a change of affect. This is most frequently not so, and persuasion is one of the weakest methods of attitude change» (Zajonc 1984, p. 264).

La relation entre cognition psychologique et processus rationnels conscients reste à établir:

the cognitive activity in appraisal does not imply anything about deliberate reflection, rationality, or awareness … Zajonc, like many others, also seems to erroneously equate cognition with rationality» (Lazarus 1984, p. 252)

Cognition cannot be equated with rationality. The cognitive appraisals that shape our emotional reactions can distort reality as well as reflect it realistically» (op. cit., p. 253).

Zajonc’s argument is only sensible if cognition is defined as conscious propositional thinking. All other cognition, such as perceptual categorization and nonconscious cognitive enrichment are, by his definition, non cognitive. (Leventhal 1984, p. 281).

ÉTUDES DE CAS :
Une si belle fille dans cette baraque toute seule à la campagne

Un paysage blessé

Preparándonos para la guerra asimétrica

Peur à la campagne

« Une si belle fille toute seule à la campagne »

Disputer de l’émotion : Conflit d’attribution d’une émotion à un tiers
Formatage de la situation pour la peur

Le système cognitif est opérant en amont (analyse de la situation) et en aval (gestion de l’émotion)

L’expérience émotionnelle met en jeu une représentation du monde et de la situation, un état psycho-physiologique, une manière d’agir.

Une séquence émotionnée ne contient pas forcément de termes d’émotion.

Elle peut néanmoins contenir des termes qui permettent d’inférer / d’évoquer un contenu émotionnel (à partir desquels on peut inférer…):

Termes ayant une orientation émotionnelle non – à mettre avec les origines, etc.

Certains termes ont une orientation émotionnelle sans être pour autant des termes d’émotion. par exemple, les noms d’événements peuvent avoir une orientation émotionnelle si certaines émotions leur sont associées dans leur stéréotype définitionnel. Les termes positionnables sur l’axe mort/vie ont une orientation émotionnelle euphorique/dysphorique (cf. Ungerer 1997, Plantin 2011: 20 sqq). Mariage a une orientation euphorique, enterrement une orientation dysphorique. Une naissance est un heureux événement, même si elle plonge l’heureuse maman (niveau du stéréotype sémantique) dans la dépression (niveau du vécu). On présente ses condoléances pour un enterrement, et ses félicitations pour un mariage.

 

Formater la situation comme émotionnante

Le cas suivant propose une dispute sur l’émotion hétéro-attribuée à une tierce personne, P. Les positions sont les suivantes.

— Le locuteur A construit la situation dans laquelle se trouve P comme une situation où P devrait avoir peur.
— Le locuteur L affirme non pas que P ne devrait pas avoir peur, mais que P n’a pas peur.

A la différence du récit d’émotion, la dispute sur les émotions met en cause, d’une manière ou d’une autre, l’émotion auto- ou hétéro-attribuée. Autrement dit, on voit apparaître dans ces situations des jeux de bonnes raisons qui justifient ou récusent l’attribution de l’une ou de l’autre des émotions.

La dispute envisagée a deux aspects:

  • P a-t-elle peur ou non?
    Cette dispute ne se différencie pas d’un désaccord sur un fait quelconque, ‘P a-t-elle a ou non les cheveux roux?’
  • P devrait avoir peur.

soit: ‘P devrait avoir peur; a-t-elle peur ?’

Séquence extraite de : Corpus CLAPI, V. Traverso, Conversation familière
 http://clapi.univ-lyon2.fr/feuilleter.php?quel=193&etude=O&locuteur=O&choix_corpus=17

1. Première sous-séquence non ratification de l’émotion 

[…]
A       alors P. elle tient l’coup/ à la campagne
L        j’crois (.) ouais/ elle a l’air vach’ment contente [(d’être à la)A                                                                                    [t’y es allée
L        pas encore mais j’l’ai eue au téléphone/ (.) j’vais y aller cette semaine (.)
fin la s’maine qui vient là (1.4) j’vous offre à boire
[…]

 A prend des nouvelles d’une amie commune P:

A         alors P. elle tient l’coup/ à la campagne

L’interrogation de A contient un présupposé ‘P a une vie difficile à la campagne’; l’interrogation sans présupposé serait quelque chose comme ‘elle se plaît à la campagne?’.
L’expression tenir le coup est définie comme

“(Par extension) (Familier) Supporter avec fermeté, voire surmonter, quelque chose de long, pénible, désagréable ou douloureux l(Wiktionnaire, art. coup).

Les trois adjectifs pénible, désagréable et douloureux sont orientés vers la zone émotionnelle du déplaisir. Long renvoie à la durée de ce déplaisir plus qu’à une intensité particulière.

La situation liée à l’émotion est ‘la campagne’, l’expérienceur P, et l’attributeur A. A interroge sur l’énoncé d’émotion présupposé:

A (P, [déplaisir], campagne)

Il s’agit d’une conversation amicale, au cours de laquelle les participants prennent des nouvelles les uns des autres. P est une connaissance commune de A et de L. On peut donc inférer que A s’auto-attribue une émotion de l’ordre de [l’inquiétude]. Cette émotion du locuteur se schématise comme suit:

A (A, [inquiétude], [P à la campagne])

Une suite possible serait rassure-toi, elle va très bien; l’[inquiétude] affichée par A serait alors gérée en tant que telle. Mais tel n’est pas le cas ici: A ne réalisera pas l’accord sur son émotion, en termes psychologiques on dirait que son discours ne produit pas d’empathie. 

L contredit le présupposé de A sur l’émotion de P, comme elle le ferait pour n’importe quel point de vue:

       j’crois (.) ouais/ elle a l’air vach’ment contente [(d’être à la)

Contente est un adjectif d’émotion, situé dans la zone du plaisir, intensifié par l’adverbe vachement. L apporte une réponse qui contredit l’attente manifestée par A:

L (P, contente, campagne)

On a typiquement affaire à une situation argumentative émergente. Dans un troisième tour de parole, A demande à L de justifier son affirmation: comment tu le sais ?

A:        t’y es allée

à laquelle L répond:

         pas encore mais j’l’ai eue au téléphone/ (.) j’vais y aller cette semaine (.)
fin la s`maine qui vient là (1.4) j’vous offre à boire

L donne une justification moins forte que celle que sollicitait A:

A ne ratifie pas la justification fournie par L.

2. Seconde partie de la séquence: formatage progressif

L’argumentation sur l’état émotionnel de P resurgit plus tard dans la même interaction.

A     ((très bas)) (j’suis pleine de poils de chats un peu)
L     tu veux la brosse
A     non::
(0.9)
A     alors elle est seule/ à la campagne/ P
L     euh::
A     ou sa copine l’a rejointe
L     non j’crois pas
A     elle reste [seule
L                    [y avait X [qui y est allé (inaud)
A                                   au fait ça craint la nuit / qu’elle soit toute seule
dans c’te baraque
L     non::
A     oh ben dis ho::\ ((répond àune mimique de Y))
Y     c’est où
A     si les- [si les gens savaient ((rire)) qu’y a une si belle fille
L                [dans la Loire
A     comme ça dans une maison toute seule
(2.0)
L     non ça craint rien
Y     t’as perdu quelque chose
A     j’ai perdu quelque chose (.) mais elle a pas peur d’façon=
L     = non non (.) moi j’vais y aller/ la semaine prochaine enfin
cette semaine quoi
(0.9)
A     ah:: j’ai perdu touche pas à mon pote
(2.4)

A renoue avec le thème de la peur de P au moyen d’un alors. A attribuait précédemment à P du [déplaisir] sur la base du fait d’être à la campagne. Dans cette seconde partie de séquence, il poursuit sa construction de la situation de P de façon à renforcer son orientation vers “P devrait [avoir peur]”.
Il reprend la même ligne argumentative, en enrichissant sa description de la situation de P. En d’autres termes, il construit progressivement la situation de P de façon à ce qu’elle motive de plus en plus clairement son inférence émotionnelle

(i) P est seule
A     alors elle est seule/ à la campagne/ ou sa copine l’a rejointe

Comme précédemment, A interroge sur un terme orienté négativement
Le TLFi définit seul à l’aide d’expressions négatives

2. a) […] α) Qui n’a pas ou n’a plus de famille, dont personne ne partage la vie quotidienne […] b) Qui souffre d’isolement par manque d’amitié, d’affection, de relations.» (TLFi, art. seul)

• Dans l’acception (α), seul n’est pas un terme d’émotion, c’est un élément de description de situation qui a une orientation émotionnelle négative. L’expression être seul est orientée vers des émotions négatives, comme le montre (b) par rapport à (a):

(a) Il est seul,           mais il est malheureux, mais il en souffre
(b) Il est seul,          mais il n’est pas malheureux, mais il n’en souffre pas

L’expression est compatible avec des évaluations positives il est seul, c’est merveilleux ! (d’après le TLFi). Le discours peut désobéir à la langue.

• Au sens (b), seul est défini par un état émotionnel associé, comme une souffrance, un manque, y compris comme l’opposé d’un terme d’émotion primaire, neg-affection.

(ii) ça craint — c’te baraque

A persévère dans sa stratégie interrogative:

A     au fait et ça craint la nuit/ qu’elle soit toute seule dans c`te baraque
L     non::

A utilise maintenant un énoncé d’émotion ça craint. Dans cet usage, craindre est un verbe psychologique impersonnel, sans mention d’expérienceur spécifique, il est possible de le généraliser à tout expérienceur dans la situation, donc à P.

Sa schématisation de la situation s’étoffe de deux traits orientés négativement la nuit; dans cette baraque.

(iii) La personne: une si belle fille

A     oh ben dis ho::\ ((répond àune mimique de Y))
Y     c’est où
A     si les- [si les gens savaient ((rire)) qu’y a une si belle fille
L                [dans la Loire
A     comme ça dans une maison toute seule

La récapitulation de A justifie le “devoir-avoir peur” de P à partir de la situation de P. On a affaire à une schématisation argumentative de la peur, au sens de Grize (1990: 40):

Personne Situation
  lieu temps manière
une si belle fille dans une maison la nuit toute seule
dans c’te baraque
à la campagne

Figure 6: CONSTRUCTION PROGRESSIVE DE LA SITUATION

Dans cette sous-séquence apparaissent des émotions actuelles associées à l’émotion rapportée. Outre l’émotion corrélative d’inquiétude pour P (cf. supra), A signifie une micro-émotion de l’ordre de l’étonnement, en préface à sa récapitulation:

A         oh ben dis ho::\

Cet étonnement peut s’interpréter interactionnellement comme l’émotion résultante des deux discours:

Discours de A, orienté vers “P devrait avoir peur”
Discours de L affirmant que “P n’a pas peur”

Progression du formatage-peur

Conflit d’attribution de la peur: l’affirmation “P. a peur” n’est pas ratifiée.
Elle est justifiée par une construction progressive de la situation dans laquelle se trouve P.

Personne Situation
une si belle fille lieu temps manière
à la campagne

dans une maison

dans c’te baraque

la nuit seule

toute seule

 

 

Affect et cognition

LANGAGE, COGNITION ET CONSTRUCTION DES AFFECTS

Toutes les opérations de construction des affects impliquent indissociablement langage et cognition.

Selon certaines approches, l’émotion perturbe le fonctionnement cognitif:

just as an emotion affects body processes and the perceptual process, so too it affects the person’s memory, thinking, and imagination. The “tunnel vision” effect in perception has a parallel in the realm of cognition. The frightened person has difficulty considering the whole field and examining various alternatives. In anger, the person is inclined to have only angry thoughts. (Izard 1977, p. 10).

D’autres approches adoptent une vision plus positive du rôle de la cognition dans l’émotion. D’une part, pour déclencher de l’émotion, les événements extérieurs doivent être perçus: la première forme de cognition impliquée dans l’émotion est donc de l’ordre de la perception. La nature de l’émotion dépend ensuite de l’interprétation de l’événement et de son évaluation, conditionnées par l’histoire du sujet, de son système de représentations, de valeurs. C’est un point fondamental.

La définition précise de ce qu’il faut entendre par cognition et évaluation est en débat. Zajonc remarque que

appraisal and affect are often uncorrelated and disjoint […] If cognitive appraisal is a necessary determinant of affect, then changing appraisal should result in a change of affect. This is most frequently not so, and persuasion is one of the weakest methods of attitude change» (Zajonc 1984, p. 264).

La relation entre cognition psychologique et processus rationnels conscients reste à établir:

the cognitive activity in appraisal does not imply anything about deliberate reflection, rationality, or awareness … Zajonc, like many others, also seems to erroneously equate cognition with rationality» (Lazarus 1984, p. 252)

Cognition cannot be equated with rationality. The cognitive appraisals that shape our emotional reactions can distort reality as well as reflect it realistically (op. cit., p. 253).

Zajonc’s argument is only sensible if cognition is defined as conscious propositional thinking. All other cognition, such as perceptual categorization and nonconscious cognitive enrichment are, by his definition, non cognitive. (Leventhal 1984, p. 281).

*

On peut considérer que les opérations langagières, qui constituent la composante discursive du traitement des stimuli émotionnels, sont la trace d’opérations cognitives “plus profondes”, indépendantes du langage, ce qui oriente vers une vision du langage reflet, et, sinon à une négation, du moins à une minoration de l’autonomie de l’ordre du discours.
On peut également considérer que les opérations linguistiques provoquent des ébauches de processus cognitifs, avec les difficultés symétriques.

 

BONUS paura – emozione – passione – sentimento

Christian Plantin Paura, emozione, passione, sentimento :
La contagion émotionnelle
d’après le Dizionario Combinatorio Italned

Bonus

 

Bonus 1

 

(§2.1) D[paura]

Le tableau 1 est purement quantitatif. Il montre comment sont atteints les termes définis à partir d’un membre de la famille [paura]. Il se lit comme suit :
1e colonne : la famille [paura] est composée de 7 mots définisseurs (paura et dérivés).
2e colonne :
— 1e ligne: 69 mots sont définis à l’aide du mot paura
— 2e ligne : 2 termes sont définis à l’aide du mot impaurire, etc
La liste nette des termes impactés est donnée Bonus X

Tableau 1 : Mots impactés par la famille [paura]

famille [paura] nombre d’impacts impacts
paura 69 (voir Bonus 2)
impaurire 2 2 sinistramente — spaurire
impaurito 3 3 intimidito — spaurito — spaventato
spaurirE 1 1 intimidire
spaurito 0 0
pauroso 3  3 fifone — pavido — sepolcrale
paurosamente 0 0
Total 78 78

 

Bonus 2

D[paura] = Liste des 78 termes impactés par  [paura]
[paura] = [paura, impaurire, impaurito, spaurire, spaurito, pauroso, paurosamente]

  1. accapponare
  2. acrofobia
  3. agorafobia
  4. allibire
  5. allibito
  6. ansia
  7. apprensione
  8. ardito
  9. balbettio
  10. batticuore
  11. brivido
  12. brutto
  13. claustrofobia
  14. delatore,
  15. delazione
  16. demofobia
  17. eliofobia
  18. eliofobo
  19. ematofobia
  20. emofobia
  21. eroico
  22. fifa
  23. fifone
  24. fobia
  25. horror
  26. impaurire
  27. impaurito
  28. impavido
  29. imperterrito
  30. impietrire
  31. incutere
  32. intimidire
  33. intimidito
  34. nomofobia
  35. omertà
  36. orco
  37. panico
  38. paura
  39. paurosamente
  40. pauroso
  41. pavido
  42. psicosi
  43. rabbrividire
  44. rimozione
  45. scappare
  46. scotofobia
  47. seminare
  48. sepolcrale
  49. sessuofobia
  50. sgomento
  51. sinistramente
  52. spauracchio
  53. spaurire
  54. spaurito
  55. spaventare,
  56. spaventato
  57. spaventevole
  58. spavento,
  59. spaventoso
  60. strizza
  61. superstizione
  62. tafofobia
  63. talassofobia
  64. tanatofobia
  65. temere
  66. termofobia
  67. terribile
  68. terrore
  69. terrorismo
  70. terrorizzare
  71. timoroso
  72. trasalire
  73. tremarella
  74. tremebondo
  75. tremendo,
  76. tremito,
  77. tremore
  78. zoofobia

 

 

Bonus 3

 

D[paura]= 384 (chiffre brut)

 

Tableau 2 : nombre de mots impactés par [paura] et les mots définisseurs des membres de cette famille.

 

La première colonne contient le nom de la famille considérée, suivi de ses membres.

La seconde colonne indique le nombre de mots impactés par cette famille.

 

Famille sémantico-lexicale [paura] Nombre d’impacts  bruts
[paura] : [paura, impaurire, spaurire, pauroso, paurosamente] 85
[ansia] : [ansia, ansioso, ansiosamente°] 43
[inquietudine] : [inquietudine, inquietare°, inquieto, inquietante°] 19
[turbare] : [turbamento — turbare — turbato] 72
[timore] : [timore, temere, intimorire, timoroso, timorato] 44
[preoccupare] : [preoccupare, preoccupato, preoccupazione] 45
[repulsione] : [repulsione — repulsivorepulsore] 16
[spaventare] : [spaventare — spaventapasseri — spaventato — spaventevole — spavento — spaventoso] 40
Total brut 364

 

Un certain nombre de mots, signalés par l’indice °, n’impactent aucun terme. Ils sont uniquement définis, jamais définisseurs.

 

Bonus 4

D[paura] = 284 (chiffres net)

Liste des termes impactés par
[paura] = [paura] [ansia] [inquietudine] [preoccupare] [repulsione] [spaventaretimore] [turbare] :

accapponare
acrofobia
affannare
affanno
affannoso
agghiacciante
agghiacciare
aggrottare
agitare
agitato
agitazion
agonia
agorafobia
allarmare
allarme
allarmista
allarmistico
allarmismo
allibire
allibito
allucinato
alterato
angoscia
angustia
ansia
ansiolitico
ansiosamente
ansioso
apprensione
apprensione
apprensiv
ardito
aspettazione
atterrire
azzardare
babau
balbettio
batticuore
bigottito,
brivido
bruttezza
brutto
calma
calmante
calmo
cardiopalmo
circospetto
circospezione
claustrofobia
colpo
commosso,
commozione
complesso
concitato,
concitazione
confondere,
confusione
confuso,
conturbare
riprendere
sacripante
sbalestrare
sbigottimento
sbigottire
sbilanciare
sbloccare
scacciacani
scandalizzare
scappare
scarricare
scompaginare
scompigliare
scomporre
sconvolgente,
sconvolgere,
sconvolgimento
sconvolto
scoraggiare
scosso
scotofobia
scottare
scrupulo
scuotere
seminare
senzadio
sepulcrale
serenamente
sessa
sessuofobia
sfidare
sgomentare
sgomento
sinistramente
smanioso
smarrimento
corrugamento
corrugare
crucciare
crucciato
cruccio??
delatore,
delazione
demofobia
disinibire
disinibizione
disordinare
disturbare
dubbio
eliofobia
eliofobo
ematofobia
emofobia
emozionare,
emozione
eroico
esagitare,
esagitato
fastidio
fermento
fifa
fifone
fobia
fobia
formalistico
fremere
gattomammone
gesummaria
grattacapo
horror
idrofobia
imbarazzare,
imbarazzo
impaurire
impaurito
impavido
impensierire
impensierito
imperterrito
imperturbabile
imperturbato
impietrire
impressionabile
impressionare,
inalberare
incutere
inquietante,
inquietare
inquieto
inquietudine
interdetto
intimidatorio
intimidazione
intimidire
intimidito
soggezione
sollievo
sordido
sottosopra,
spasimo
spasmodico
spauracchio
spaurire
spaurito
spaurito
spaventare
spaventare
spaventato
spaventato
spaventevole
spavento
spavento,
spaventoso
stralunare
stravolgere,
stravolto
strizza
superstizione
suspense
tafofobia
talassofobia
tema
temere
temibile
tempesta
tempestoso
tensione
termofobia
terribile
terrificante
terrore

 

intimorire
intorbidare
ipocondria
irrequieto
lanciare
malessere
malumore
melanconia
mestatore
minaccia
minacciare
nausea
nauseante
nauseare
nauseato
nomofobia
nosofobia
nube
omertà
orco
orrendo
orribile
orripilante
orrore
ossessionare
ossessione
palpitazione
panico
patema
patetico
paura
paurosamente
pauroso
paventare
paventare
pavido
pensiero
pensieroso
placido
preoccupante
preoccupare
preoccupare,
preoccupato
preoccupazione
psicosi
puzzola
rabbrividire
rabbuiare
raccapricciante
raccapricciare
raccapriccio
rasserenare
rassicurazione
repulsivo
ribrezzo
ributtare
rimescolamento
rimescolio,
rimozione
terrorismo
terrorizzare
teso
timore,
timoroso
tormentare
tormentoso
tormentato
tranquillamente
trasalire
traumatizzare,
traumatizzato
tremare
tremare
tremare
tremarella
tremebondo
tremendo
tremito,
tremore
tremore
trepidante
trepidare
trepidare,
trepidazione
tribolazione
turbamento
turbare
turbativo
turbato
turbolento¿
vergogna
vergognarsi
vomitare
zoofobia

 

 

 

Bonus 4

 

D[paura] = 284 (chiffres net)

Liste des termes impactés par
[paura] = [paura] [ansia] [inquietudine] [preoccupare] [repulsione] [spaventaretimore] [turbare] :

 

 


Bonus 5

D[emozione]
=
Liste des termes impactés par  [emozione]
93, chiffre brut
92, chiffre net

Le mot emozione, au singulier, entre dans la définition de 43 termes :

 

accendere

acceso

balbettare

balbettio

batticuore

brivido

choc

ebbrezza

ebbro

elettrizzante

emoticon

emotivo

emozionale

emozionante

emozionare

emozionato

espressivo

fremito

fulminato

impallidire

impietrire

impressionare

lampo

moto

muto

ottenebrare

palpitazione

palpito

profondità

rapimento

rimescolio

riprendere

rotto

scioccare

scusa

sensazione

sussultare

sussulto

svenire

svenuto

svenimento

trasalire

tremito

 

 

— Le pluriel emozioni se trouve dans la définition de 30 termes :

 

anaffettività

blocco

compassato

condividere

contenere

controllare

controllo

corale

dissimulare

dominio

genuino

impassibile

lampo

lirico

marmoreo

momentaneo

palpitante

palpitare

pathos

poesia

ritegno

scacciare

scaricare

scena

soffocare

stilistica

suggestivo

trattenere

venire

vibrazione

 

— Les autres termes de la famille [emozione] entrent dans la définition de 20 termes :

 

ansia

caldo

emozionabile

psicolabile

calore

demotivare

distacco

distante

espressione

immedesimarsi

intellettualismo

iperemotivo

paura

psichedelico

cardiopalmo

sensibile

burrasca

emo

emotivo

scioccante

 

 

Un seul doublon, lampo

 

Bonus 6


D[passione]
=
Liste des termes impactés par  [passione]


[passione] = [appassionare — appassionato — passionale  — passionario — passionalità]


Chiffre net = 114

— Le mot passione, au singulier, entre dans la définition de 54 termes :

 

abbandonare

abbandono

accalorarsi

accanito

accecamento

accendere

adorare

amare

amore

amatore

appassionare

appassionato

ardore

baccante

bibliomania

contagiare

cotta

cultore

dedizione

demone

dilettante

emozionante

erotico

febbre

fervore

fiamma

filodrammatico

freddo

fremere

fremito

fremebondo

frenesia

fuoco

impazzire

incendere

incendio –

inestinguibile

infatuazione

infiammare

infiammabile

infiammato

invasato

investire

investimento –

laborioso

macerare

melomane

passionale

passionario

passione

rovente

scalmanato –

struggere

tifo

 

 

— Le pluriel passioni se trouve dans la définition de 31 termes :

 

agitare

assalire

atarassia

attizzare

burrascoso

caldo

catarsi

consumare

demagogia

divampare

dominare

eccitare

epicureismo

fervente

fomentare

frenare

incendiario

incontinente

incontinenza

incontrollabile

melodramma

nutrire

passionario

per

risvegliare

sbollire –

smorzare

spassionato –

tempesta

vibrazione

vinto

 

 

— Les autres termes de la famille [emozione] entrent dans la définition de 29 termes, l’apport essentiel venant de appassionato :

 

coinvolgere

riscaldare

amante

ardente

bibliofilo

bollente

cinefilo

dilettante

ditirambico

emo

fanatico

fotoamatore

geek

intrippato

metallaro

modellista

nerd

rockettaro

sfegatato

skater

sviscerato

videogiocatore

bocciofilo

discofilo

foodie

musicomane

fanzina

passionalità

perdutamente

 

 

Remarques

Passione entre dans la définition des mots de sa famille morpho-lexicale :

appassionare : “passionner”

appassionato : “passionné”

passionale  :  “passionnel”

passionario, a : « che è facilmente soggetto alle passioni »

Passione apparaît sous passione ; il s’agit de la passion du Christ. Passionario_2 renvoie à ce sens religieux : “passionario : « rel. libro liturgico che comprende brani evangelici relativi alla passione »

Aucun mot n’entre dans la série sg et dans la série pl. passione / i. Fervore  et incendere  se distribuent dans les deux séries

série passione : fervore ; incendere ; incendio

série passioni : fervente ; incendiario

 

Bonus 7

 

D[sentimento] = 324, chiffre net.

 

— Le mot sentimento, au singulier, entre dans la définition de 125 termes :

 

 

abbandonare

abbandono

accendere

acceso

adirato

adorare

affetto

affezione

affezionato

allegria

amarezza,

amaro

antipatriottico

assaporare

attestazione

atto

avversione

blocco

bruttezza

calma

cameratismo

cerebrale

cinico

collera

colmare

colmo

commiserare

commozione

commiserazione

commuovere

commozione

compiangere

consumare

contrizione

coro

corruccio

covare

cullare

desolante

destare

devozione

disagio

dispiacere

divorare

dovere

esclamazione

esecrazione

esplosione

evocare

evocazione

fiaccola

fiamma

fiammata

fratellanza

fraternità

gelosia

gongolare

gongolante

gradimento

gratitudine

incarnazione

incutere

indignazione

inimicizia

innamorato

intenerire

intenerimento

invadere

invasato

invidia

irreligioso

ispirato

lievito

meraviglia

mestizia

mettere

misericordia

morboso

moto

muovere

nostalgia

obbligare

odio

ossequio

ostilità

partecipe

passione

patriottismo

perdonare

pio

platonico

prepotente

professare

professione ??

profondo

protestare

protesta

raccapriccio

raffreddamento

rancore

ribollire

riconoscenza

rifulgere

rincrescimento

risatina

risentimento

risolino

rivalità

romanticismo

senso

sentimentale

sentito

sentitamente

serenità

serietà

simpatia

simpatico

solidarietà

sprazzo

tenace

tenero

tiepido

timore

veleno

venerazione

 

 

Le pluriel sentimenti se trouve dans la définition de 199 termes :

 

 

accendere

afflosciare

albergare

amare

ardere

assalire

bruciare

comprimere

concepire

corrispondere

covare

divorare

entrare

fingere

forte

inalterabile

incomunicabile

incontenibile

infiltrare

dichiarare

espressivo

dimostrare

portare

prendere

professare

quietare

rabbioso

risvegliare

scatenare

schiacciare

seminare

senso

sentimentalmente

serbare

smanioso

solidarietà

insano

insinuare

invasare

invincibile

lasciare

mettere

moderare

nutrire

offuscare

offendere

offesa

offeso

pervadere

subentrare

svanire

tenace

tiranno

svelenire

abbasso

accordo

affratellare

agrafia

allegro

allibire

allibito

allignare

animo

annidare

antropomorfismo

ardore

attirare

attizzare

bloccare

calore

calpestare

caro

cerebralismo

cogliere

coltivare

commuovere

comunicare

comunicativa

confidente

conflitto

connaturarsi

consenso

consonanza

consumare

contenere

corale

corrispondenza

corrisposto

corrodere

delicatezza

delicato

delirio

denotare

destare

dimostrazione

dipingere

discordia

dissimulare

dissimulazione

distruggere

durare

duraturo

eccitare

elevato

elocuzione

enigma

espansività

espressionismo

esprimere

esternare

fermare

fervente

fervido

fomentare

furia[impeto]

genuino

ignobile

impassibile

impenetrabile

incontrollabile

ineffabile

infondere

inondare

instabile

intaccare

intensamente

intensità

intenso

interessare

interiorità

intrico

ipocrisia

irradiare

irrazionale

irrefrenabile

ispirare

lirico

magnanimo

materializzare

materializzazione

melodramma

melodrammatico

nero

occhiata

odiare

omoaffettività

omoaffettiv

ostentare

ostentazione

parlare

partecipare

partecipazione

pathos

per

piccineria

profondere

prorompere

raggiare

rappresentare

rattizzare

repressione

rimozione

riporre

ritegno

romantico

roso

santerello

sbottonare

scacciare

schiudere

scompenso

scoppio

scoprire

sentimentale

sfogare

sfogo

simulare

simulazione

snaturato

sollevare

spassionato

spegnere

sprizzo

struggere

tempesta

tempestoso

teneramente

tenerezza

tenerume

trasferire

trasfondere

trasparire

trattenere

tumulto

umanità

umanitario

vampata

vergognarsi

vibrante

 

 

 

Bonus 8

 

Emozione, passione, sentimento :
le cœur de liste

 

 

abbandonare (2) : « (V PR ES prep. a fig. cedere a un sentimento, alla passione o allaltrui violenza; lasciarsi andare » ; “s’abandonner” — abbandono (2) : “abandon”

acceso (2) :  « fig. {di persona} alterata nellespressione per un particolare sentimento o emozione » ; “animé” accendere (2) : « fig. {di sentimenti} cominciare a provare un certo tipo di sentimento nei confronti di q.no o q.sa » ; “allumer, exciter”

adorare (2) : « 1. rel. {divinità} manifestare verso la divinità o verso le cose sacre il proprio sentimento di venerazione, con riti o preghiere. 2. {avere grande passione per q.sa} avere entusiasmo, predilezione per q.sa » ; “adorer”

amare (2) : « {nutrire sentimenti di affetto} avere una speciale predilezione, passione per q.no o q.sa » ; “aimer” — amore : “amour” — amante : amant — innamorato : “amoureux”.

ardore (2) : « fig. intensità, di affetti, sentimenti; passione intensa » ; “ardeur” — ardere : “brûler” — ardente : “brûlant”

assalire (2) : « fig. {di passioni} di sentimenti, impadronirsi dellanimo » ; “attaquer”

attizzare (2) : « fig. {suscitare} provocare, accrescere, spec. passioni, sentimenti ecc. » ; “attiser”

bloccare : « psic. inibire, impedire la libera manifestazione di pensieri o sentimenti “bloquer” ; blocco (2), « psic.arresto improvviso del pensiero o delle emozioni, che impedisce di pensare, ricordare o esternare un sentimento » ; “blocage”

burrasca {sconvolgimento} dellordine sociale, politico o dellequilibrio emozionale » : “bourrasque” — burrascoso : « {di vita, vicende} segnato da disavventure e difficoltà, da eventi sconvolgenti; turbolento, passioni » ; “orageux”

calore : « {fervore} espressione intensa e a volte eccessiva di sentimenti, entusiasmo, intensa partecipazione emotiva » ; “chaleur” — caldo : « {focoso, impetuoso, emotivo} detto di carattere che si lascia trascinare facilmente dalle passioni » ; “chaud, chaleureux” — accalorarsi : “s’échauffer”

consumare (3) : « {struggere} detto di passioni, sentimenti, portare a consunzione »” ; “consommer ; consumer”

contenere (2) : « {di emozioni} trattenere, frenare ; « {controllarsi} reprimere sentimenti o stati danimo estremi, moderarsi » ; “(se) contenir”

corale (2) : “unanime ; « {unanime} che esprime sentimenti, opinioni, emozioni comuni a tutti gli interessati; collettivo » — coro : « {espressione simultanea} proveniente da più persone, dello stesso sentimento, volontà o decisione » ; “choeur”

dissimulare  (2) : « non far trapelare sentimenti, emozioni o opinioni, nasconderli, non farli apparire allesterno » ; “dissimuler” — dissimulazione : “dissimulation”

dominare : « controllarsi, tenere a freno le proprie passioni » ; “dominer” — dominio :  « fig. capacità di controllare le proprie emozioni, padronanza » ; “maîtrise”

eccitare (2) : « {di sentimenti} di passioni, facoltà psichiche, svegliarsi entrando in stato di maggior tensione » ; “exciter”

emo (2) : « mus. gerg. appassionato del genere emo, soprattutto di giovane età e che predilige un vestiario di colore nero, attenzione alla capigliatura e al make up e che privilegia linteriorità e la sfera emozionale »

emozionante (2) « che suscita emozione, passione, eccitazione » ; “émouvant, palpitant” — emozionare : “émouvoir, passionner” (R) — emozionato : “ému” — emozionale : “émotionnel”

espressivo (2) : « {che esprime emozione} sentimenti, pensieri, affetti, stati danimo » ; “expressif” — espressione : “expression” — exprimere : “exprimer”

fervente (2) : « fig. {bruciante} pieno di ardore, detto di sentimenti, passioni » ; “fervent” — fervore : “ardeur, ferveur” — fervido : “fervent, chaleureux” (R)

fiamma  (2) : fig. lett. {ardore, passione} sentimento ardente » ; fiammata, “flambée”

fomentare (2) : « incrementare, stimolare, in riferimento a sentimenti o passioni negativi, odi o rivolte » ; “fomenter”

fremito  (2) : « lett. tremito, brivido dovuto ad unemozione forte o ad una passione violenta » ; “frémissement” — fremere : “frémir”

genuino  (2) : « {spontaneo} sincero, schietto, non artefatto, detto di sentimenti, emozioni » “spontané, naturel, sincère” (R)

impassibile  (2) : « {insensibile} che si mostra indifferente, che non lascia trapelare sentimenti o emozioni » ; “impassible”

incontrollabile (2) : {non controllabile} che non si può controllare, frenare, inarrestabile, irrefrenabile, detto spec. di passioni, istinti, sentimenti » ; “incontrôlable”

invasato (2) : « prep. da che è dominato da un sentimento, una passione, esaltato, ossessionato; anche, posseduto da una forza soprannaturale » ; “possédé”  — invasare : « (raro) {di sentimenti} in riferimento a sensazioni violente, pervadere interamente lanimo, usato spec. nella forma passiva » ; “posséder”

lirico (2) : « {di poesia} che esprime in modo immediato impressioni soggettive, sentimenti e emozioni » ; “lyrique”

melodramma (2) : « fig. scena esagerata in cui vengono espressi in modi teatrali sentimenti, passioni ecc. » ; “mélodramme” — melodrammatico : “mélodrammatique”

moto (2) : « lett. {emozione} sentimento, impulso irrazionale, incontrollato. » ; “mouvement”

nutrire (2) : « {sentimenti} passioni ecc., provare » ; “nourrir”

profondità : « {intensità} di unemozione » ; “profondeur” ; profondo « {intenso} proprio di un sentimento » ; “profond”         

risvegliare « V PR fig. {di sentimenti, ricordi} riaccendersi, svegliarsi » ; « V TR  fig. {passioni, ricordi} riaccendere, richiamare, svegliare, scuotere, provocare un forte effetto in q.no », “réveiller”

ritegno (2) : « {moderazione} controllo imposto ai propri sentimenti, istinti, alle proprie emozioni” » ; “retenue”

scacciare (2) : “chasser ; {allontanare} far dileguare, rif. a sentimenti, emozioni, ricordi, spec. negativi »

sfogare : sfogarsi, se défouler ; {manifestare apertamente} stati danimo, sentimenti ecc., che normalmente vengono repressi »” — sfogo “dare fogo a, donner libre cours à” (R) — sfegatato « appassionato, sviscerato, incallito, accanito » ; “enragé”

spassionato : « obiettivo, imparziale e sereno, non influenzato da fattori personali, sentimenti, passioni e simili » ; “dépassionné” — passione : “passion”, etc.

struggere (2) : « consumare lentamente, tormentare, far soffrire, detto di sentimenti, sensazioni ecc.” ; «prep. di, da consumarsi lentamente, tormentarsi, logorarsi di passione, desiderio ecc. » ; “(se) consumer”

tempesta (2) : « {gran turbamento} violento contrasto di sentimenti e passioni, sconvolgimento; anche, manifestazione violenta, spec. di rimprovero, sfuriata » ; “tempête, grêle (R)” — tempestoso : “orageux”

trattenere (2) : « di sentimenti, emozioni, reazioni: bloccare »” ; “retenir”

vibrazione (2) : « fig.fremito causato da emozioni e passioni » ; “vibration” — vibrante : « vibrant”

 

 

 

 

 

 

 

Bonus 9

 

“Basic emotions” du psychologue et emozioni

 

Le tableau 3 reprend cette liste de quatorze émotions de base, dans sa première colonne, par ordre alphabétique.

La seconde colonne propose les traductions italiennes des mots anglais, d’après le dictionnaire WordReference ; nous avons ajouté collera comme correspondant de « anger, fury, violence ».

La troisième colonne recherche si les termes de la deuxième colonne sont atteignables à partir de emozione/i, passione/i, sentimento/i. Autrement dit, on regarde si les traductions des termes désignant les émotions de base sont lexicalement attachés à  emozione/i, passione/i, sentimento/i.

Le ‘<’ se lit : “est défini comme —”. 0 note que le mot n’est atteint par aucun des trois termes fondamentaux.

 

Tableau

 

Liste étendue

d’Eckman

Traduction italienne Accessibilité

à partir de

amusement intrattenimento — divertimento 0 — 0
anger rabbia
irritazione
collera
rabbioso < sentimenti
0
collera < sentimento
contempt disprezzo — spregio — sprezzo

disdegno — oltragio

0 — 0 — 0

0 — 0

contentment contentezza — appagamento 0 — 0
disgust disgusto — ripugnanza 0 — 0
enjoyment piacere — godimento
appagamento — svago
dispiacere < sentimento
0 — 0 — 0
embarrassment imbarazzo

disagio

0

disagio < sentimento

excitement eccitazione

agitazione
frenesia

eccitare < passioni
eccitare < sentimenti

agitare < passioni
frenesia < passione

fear paura
terrore — fifa — strizza
paura < emozione
0 — 0 — 0
pride in achievement, fierezza — orgoglio 0 — 0
relief sollievo — conforto 0 — 0
sadness tristezza — sconforto 0 — 0
satisfaction appagamento —soddisfazione 0 — 0
sensory pleasure piacere
gioia — soddisfazione / dei sensi
dispiacere < sentimento
0 — 0
shame vergogna vergognarsi < sentimenti

 

Émotions latines: les Tusculanes

adflictatio action de frapper ; malheur, tourment
1. Action de frapper, d’infliger – affliction, malheur – tourment

aegritudoIndisposition, malaise ; chagrin
1. Indisposition, malaise physique
2. Malaise moral, chagrin (Tusc. 3, 23; 4, 11; 4, 14)

aemulatioémulation ; rivalité ; jalousie
émulation [en bonne et mauvaise part]
1. désir de rivaliser, d’égaler
2. rivalité, jalousie

ærumnatribulation
Peines, tribulations, misères, épreuves
Tusc. 4, 18 : aerumna est une forme de tristesse où entre l’idée de peiner : Herculis ærumnæ

angorOppression ; Tourment, angoisse
1 … Oppression
2 Tourment, angoisse
… de même qu’il y a une différence entre anxietas [inquiétude permanente] et angor [tourment passager]
Pl. angores, amertumes, chagrins, tourments

conturbatio1 trouble, affolement 2 malaise
conturbationes oculi, éblouissement
conturbatio mentis, dérangement de l’esprit

delectatio1 plaisir, amusement ; source de plaisir ;
3 séduire, débaucher

desperatiodésespoir
desperationem alicui alicujus rei adferre
: ôter à qqn l’espoir de qqchose

ad desperationem adductus ou redactus : réduit au désespoir
[fig] audace qui naît du désespoir

desiderium — désir, besoin
1. désir [de qq chose qu’on a eu, connu et qui fait défaut]
… desiderio confici, être tourmenté par le regret
… valete, mea desideria, adieu chers objets de mes regrets …
2. besoin

discordiadiscorde, agitation
discorde, désaccord, désunion, mésintelligence
discordia ponti, agitation des flots
discordia mentis, état discordant des pensées, fluctuations de l’esprit

dolor1 douleur physique — 2 douleur morale, peine, tourment, chagrin
3 sujet de douleur
4 [rhét] a) émotion, faculté de pathétique
naturalis quidam dolor = une sorte de sensibilité naturelle
b) expression passionnée, pathétique ; éloquence pathétique
detrahere actionis dolorem : enlever le pathétique de la plaidoirie

exanimatio — suffocation ; saisissement, épouvante

excandescentiaaction de prendre feu, de s’emporter ; s’irriter

formidocrainte, peur, effroi, terreur
ce qui inspire l’effroi, épouvantail … corde garnie de plumes de couleur tendue devant les animaux pour les rabattre au filet.

indigentia — le besoin ; besoin insatiable, exigence

inimicitia — 1 inimitié, haine
2 (au pl) inimicitias subire, suscipere, affronter, encourir la haine.

invididia 1 malveillance, antipathie, hostilité, haine
2 jalousie, envie

ira1 colère, couroux 2 motif de colère

jactatio1 action de jeter, balloter de-ci de-là … mouvement violent et fréquent
2 ostentation, vantardise, étalage, vanité
jactator — celui qui se vante, qui fait étalage de

laetitia — 1 allégresse, joie débordante
2 beauté, charme, grâce

lamentatio — lamentation, gémissement

luctus — 1 douleur, chagrin … [à l’occasion de la mort]
2 signes extérieurs de la douleur
Luctus, dieu de la douleur

libido — envie, désir
2 désir effréné, fantaisie, caprice
3 sensualité, débauche,

maeror— tristesse, affliction profonde (avec manifestation extérieure)

malevolentia — malveillance, jalousie, haine

misericordia— compassion, pitié

metus1 crainte, inquiétude, anxiété
2 crainte religieuse, effroi religieux

molestia — chose qui est à charge 1 peine, chagrin, inquiétude, embarras, gêne, inconvénient

odiumhaine, aversion (contre qqn, qqch…)

obtrectatio— dénigrement, jalousie

pavor1 émotion qui trouble, qui saisit, qui peut faire perdre le sang froid
2 (surtout) effroi, épouvante, crainte … qui fait perdre à la raison son équilibre

pigritia —  paresse ; loisir, repos honorable

pudor — sentiment de pudeur, de honte, de réserve, de retenue, de timidité
2 sentiment moral, moralité, honneur
3 honneur, point d’honneur
5 honte, déshonneur
pudori esse alicui être un objet de honte
pro pudor ! ô honte !

sollicitudo — inquiétude, sollicitude, souci

terrorterreur, effroi, épouvante
2 objet qui inspire —

timor crainte, appréhension, effroi
2 a) crainte religieuse b) objet qui inspire la crainte c) objet pour qui l’on craint


Les émotions dans la rhétorique latine

In the Tusculan disputations, Cicero considers four “capital” emotions, grief, joy, fear, lust and their derived species:

Grief is attended with enviousness […] emulation, detraction [i.e. jealousy], pity, vexation, mourning, tribulation, sorrow, lamentation, solicitude, disquiet of mind, pain, despair, and many other similar feelings […].
Under fear are comprehended sloth, shame, terror, cowardice, dread, fainting, confusion, alarm, astonishment.
In pleasure they [the Stoics] comprehend malevolence — that is, pleased at another’s misfortune —delight, boastfulness, and the like.
To lust they associate anger, fury, hatred, enmity, discord, wants, regret, desire, and other feelings of that kind.

Cicero Tusculanae disputationes, 36 emotions

aegritudogrief
1.
Indisposition, malaise physique
2. Malaise moral, chagrin (Tusc. 3, 23; 4, 11; 4, 14)

invidia — envy —

aemulatioemulation —
émulation [en bonne et mauvaise part]
1. désir de rivaliser, d’égaler
2. rivalité, jalousie

obtrectatio — detraction

misericordia — pity

angor vexation
1. …
Oppression
2. Tourment, angoisse
… de même qu’il y a une différence entre anxietas [inquiétude permanente] et angor [tourment passager]
Pl. angores, amertumes, chagrins, tourments

luctus — mourning

maereor — sadness

ærumnatribulation
Peines, tribulations, misères, épreuves
Tusc. 4, 18 : aerumna est une forme de tristesse où entre l’idée de peiner : Herculis ærumnæ

dolor — sorrowpeiner

lamentatio — lamentation

sollicitudo — solicitude

molestia — disquiet of mind

adflictatiopain
1. Action de frapper, d’infliger – affliction, malheur – tourment

desperatio — despair

metus — fear

pigritia — sloth

pudor — shame

terror — terror

timor — cowardice

pavor — fainting

examinatio — confusion

conturbatio — atonishment

formido,

laetitia — voluptas, pleasure

malivolentia — malevolence

delectatio — delight

iactatio — boastfulness

libido — lust

ira — anger

excandescentia — fury

odium — hatred

inimicitia — enmity

discordiadiscord
discorde, désaccord, désunion, mésintelligence
discordia ponti, agitation des flots
discordia mentis, état discordant des pensées, fluctuations de l’esprit

indigentia — wants

desideriumdesire
1. désir [de qq chose qu’on a eu, connu et qui fait défaut]
… desiderio confici, être tourmenté par le regret
… valete, mea desideria, adieu chers objets de mes regrets …
2. besoin

English terms from Tusculan Disputations. Trans. by C. D. Yonge. New York, Harper & Brother, 1877.


voluptas, ??

 

despicatio — mépris, dédain => pas dans Tusc.

 

Liste Galati – Sini (2000)

Termes d'émotion : liste Galati & Sini, 2000   

Galati, D., Sini B. (2000): «Les structures sémantiques du lexique français des émotions». In Plantin, Chr., Doury, M., Traverso, V. (éds), 2000. Lyon, PUL 75-87.

abasourdissement abattement accablement admiration
affliction affolement affres agacement
agitation ahurissement aise alarme
allégresse amusement anéantissement angoisse
anxiété apaisement appréhension arrachement
attendrissement autosatisfaction aversion béatitude
bien-être bonheur cafard calme
chagrin chiffonnement colère consolation
consternation contentement contrariété courroux
crainte crève-coeur déception déchaînement
déchirement déconvenue découragement dédain
dégoût délectation délire démoralisation
dépit déplaisir dépression désappointement
désarroi désenchantement désespoir désolation
détente détresse douleur ébahissement
éblouissement écœurement effarement effondrement
effroi égarement emballement embarras
émerveillement enchantement énervement engouement
ennui enthousiasme épatement épouvante
étonnement euphorie exaltation exaspération
excitation extase exultation frayeur
frustration fureur furie gaieté
gène griserie hargne hébétement
hilarité horreur humiliation indignation
inquiétude insatisfaction irritation ivresse
joie jubilation langueur lassitude
liesse malaise mécontentement mélancolie
mépris nervosité oppression paix
panique peine peur plaisir
prostration quiétude rage ravissement
réjouissance répulsion satisfaction sérénité
souffrance soulagement spleen stupéfaction
stupeur surexcitation surprise tension
terreur tourment trac tranquillité
transe tremblement triomphe tristesse
trouble vague à l’âme vertige

 

Une collection de listes d’émotions

LISTES D’ÉMOTIONS : UNE COLLECTION

Cette section passe de la question de l’émotion à celle des émotions particulières et aborde la question des termes d’émotion.

Avant de devenir un des objets centraux de la psychologie au 19e siècle, l’étude des affects  était développée, sous différents noms, en rhétorique, théologie et philosophie.
Chacune de ces approches a contribué à la formation du concept d’émotion et a modelé nos pratiques des émotions.

L’émotion se définit de deux manières différentes
— Les définitions en intension visent le concept d’émotion. Ces définitions  procèdent par recherche des caractères généraux, communs à toutes les émotions, et des différences caractérisant spécifiquement chacune des émotions. (voir Module 4)
La définition donnée par Aristote combine ces deux approches (§1.1 infra)
— Les définitions en extension procèdent par énumération d’états affectifs (émotions) spécifiques qui sont considérées comme des “espèces”, des exemples d’émotions.

Un terme d’émotion est un mot qui désigne une émotion. Ils  jouent un rôle de premier plan dans l’étude de l’émotion parlée.
Les termes d’émotion sont des mots du lexique comme les autres. Du point de vue de leur catégorie grammaticale, il peut s’agir de substantifs, de verbes, de participes adjectifs, d’adjectifs ou d’adverbes.
Les dictionnaires définissent leur sens du point de vue de l’usage qui en est fait dans la parole. Cette définition linguistique est accompagnée de listes de termes plus ou moins apparentés, (synonymes) ou de sens opposés (antonymes).

On a donc d’une part la définition du mot émotion et des mots désignant les différentes émotions est claire et d’autre part la définition du concept et du phénomènes liés à l’émotion.

Ces deux définitions interagissent plus ou moins. Par exemple la définition de l’émotion comme syndrome est passée dans le dictionnaire général et dans la réflexion sémantique sur les termes d’émotion.

Dans ce qui suit, nous considérons que les études de l’émotion antérieures aux recherches s’appuyant sur des savoirs en neuro-physiologie et leur appareillage scientifiques sont des approfondissements du sens du mot émotion et des mots de l’émotion.

Nous considérons donc que les listes d’émotions sur lesquelles se fondent ces études, c’est-à-dire les listes d’émotions considérées comme fondamentales en rhétorique, théologie, phlosophie ainsi qu’en psychologie précédant le développement des recherches en neurophysiologie sont de fait des listes de termes d’émotion.
On remarque que ces listes sont uniquement composées de substantifs.

La fusion de ces listes nous fournira la base de notre liste de termes d’émotions, que nous développerons méthodiquement par les listes extraites des dictionnaire.
Pour répondre aux question “Qu’est-ce que l’émotion? Quelles sont les principales émotions? Combien d’espèces différentes d’émotion y a-t-il ?…” on renvoie aux listes d’émotions particulière étudiées d’un point de vue conceptuel :

Une émotion, c’est quelque chose qu’on appelle émotion, ou qui ressemble à
quelque chose qu’on appelle émotion.

Pour répondrre à la question “tel mot est-il un terme d’émotion”, on renvoie aux listes de termes d’émotion méthodiquement construites : voir Module 6 et Module 7

1 — RHÉTORIQUE ET PHILOSOPHIE ANCIENNE

1.1 Aristote

Les premiers traitements systématiques des émotions dans le monde occidental se trouvent dans deux ouvrages d’Aristote, l’Éthique à Nicomaque, qui traite de philosophie et de morale, et  la Rhétorique.

L’Éthique à Nicomaque définit les « états affectifs » ; cette expression traduit le grec pathe, (πάθη), que les traductions anglaises traduisent par “passion” ou “emotion”.
Ces « états affectifs » sont définis comme suit :

J’entends par états affectifs [πάθη], l’appétit, la colère, la crainte, l’audace, l’envie, la joie, l’amitié, la haine, le regret de ce qui a plu, la jalousie, la pitié, bref toutes les inclinations accompagnées de plaisir et de peine. (Éth. Nic. II, 4; Tricot, p. 101).

Aristote donne d’abord une définition en extension de pathe, par énumération de onze états affectifs spécifiques, puis il en donne une définition en intension, précisant le genre («inclinations »), puis la différence spécifique des émotions « [sont] accompagnées de plaisir ou de peine.

La Rhétorique liste treize émotions présentées par paires d’émotions opposées (à l’exception de l’obligeance).

Notre traduction culturelle a gardé certains contact avec la culture grecque ancienne, mais rien ne nous permet d’oublier que la colère ou la peur grecques ne sont pas forcément les nôtres. En tants que faits langagiers et culturels, les émotions s’inscrivent dans une langue et une culture. La traduction tend à faire oublier cette différence et à fabriquer de l’univrsalisme à bon marché.
Dans le tableau suivant, les mots grecs rappellent que les termes français sont des traductions d’un mot grec qui peut avoir d’autres sens en fonction des contextes dans lesquels il rentre.

colère /calme
orgè / praotès
amitié / haine
philia / ekhthra
peur / assurance
phobos / to tharrein
honte / impudence
aiskunè, aidôs : “honte”
obligeance
kharin ekhtousin
pitié /indignation
eleos/ to nemesan
envie /émulation
phtonousi / zèlousi

A la différence de la l’Éthique, cette liste ne mentionne pas la joie et le regret. D’autres émotions comme le chagrin, la fierté, l’amour, la nostalgie… ne figurent pas non plsius dans la liste :

Aristotle neglects, as not relevant for his purpose, a number of emotions that a more general, independently conceived treatment of the emotions would presumably give prominence to. Thus, grief, pride (of family, ownership, accomplishment), (erotic) love, joy, and yearning for an absent or loved one (Greek pothos) … The same is true even for regret, which one would think would be of special importance for an ancient orator to know about, especially in judicial contexts. (Cooper 1996, p. 251).

Il semble en effet difficile de trouver des émotions qui n’aient pas d’impact direct sur le discours public, peut-être la tristesse?
On pourrait tenter de distinguer les émotions politiques des émotions judiciaires. La honte semble réservée à l’adversaire politique; on imagine mal faire honte au juge, ce serait insulter le tribunal.

Cette liste tirée de la Rhétorique ressemble curieusement, peut-être trompeusement, aux listes d’émotions proposées de nos jours. Mais il y a une différence profonde. On peut opposer :

  • Une approche atomiste, tendant à réifier tes émotions, qui s’exprime sous forme de listes de “noms d’émotion”.
  • Une approche controversiale, langagière, de l’émotion, où des discours opposés construisent des positions et des émotions antagonistes. Cette approche est caractéristique de la rhétorique. C’est celle d’Aristote et de Cicéron.

1.2 Les émotions latines

Cicéron, Tusculanes

Dans les Tusculanes, Cicéron reprend la définition que Zénon donne du pathos :

La définition que donne Zénon est donc que la passion [perturbatio] — il dit páthos — est un ébranlement de l’âme opposé à la droite raison et contraire à la nature
Tusc. IV, §6 ; Humbert p. 59)

Il définit quatre « espèces de la passion » en fonction de ce que les hommes estiment être des biens ou des maux :

Pour les biens, le désir et la joie, la joie se rapportent aux biens actuels, le désir aux biens à venir ; pour les maux, la crainte et le chagrin, crainte s’ils sont à venir, chagrin s’ils sont actuels. (Tusc. IV, 8; IV, §6 ; Humbert, p. 59)

Cet ensemble est repris par Saint Augustin qui les transmet au Moyen Age savant (Ferreyrole 1998, p. 76).
Ces quatre émotions ont donc une importance fondamentale pour toute la culture occidentale. C’est autour d’elles que s’est formée notre intuition de ce qu’est une émotion.

De ces quatre émotions fondamentales dérivent les autres émotions :

Émotions latines :
les 36 émotions des
Tusculanes (trad. Gaffiot)

adflictatio – affliction
aegritudo – malaise ; chagrin
aemulatio – émulation ; jalousie
ærumna – épreuve ; peine
angor – oppression ; angoisse
conturbatio – affolement
delectatio – plaisir
desperatio – désespoir
desiderium – désir ; besoin
discordia – discorde ; agitation
dolor – douleur ; peine
exanimatio – suffocation ; épouvante
excandescentia – s’enflammer ; s’irriter
formido – effroi
indigentia – besoin
inimicitia – inimitié
invidia -malveillance ; jalousie
ira – colère
jactatio – ostentation ; vanité
laetitia – allégresse ; beauté
lamentatio – gémissement
libido – désir
luctus – douleur (liée à la  mort de qn)
maereor – affliction
malivolentia – malveillance
metus – crainte (religieuse) ; anxiété
misericordia – compassion
molestia – gêne ; inquiétude
obtrectatio – dénigrement, jalousie
odium – haine
pavor – effroi [qui saisit]
pigritia – paresse ; repos
pudor – honte ; honneur
terror – terreur
timor – crainte
sollicitudo – sollicitude, souci

On trouvera sous le lien suivant des traductions plus développées (Gaffiot)
Émotions latines : les 36 émotions des Tusculanes

Traités de rhétorique

Les traités de rhétorique proposent des listes ouvertes de même inspiration:

Les sentiments qu’il nous importe le plus de faire naître dans l’âme des juges, ou de nos auditeurs quels qu’ils soient, sont l’affection, la haine, la colère, l’envie, la pitié, l’espérance, la joie, la crainte, le mécontentement.
Cicéron, De Or., II, 206; trad. Courbaud, p. 91

Quintilien abrège un peu la liste:

Le pathos tourne presque tout entier autour de la colère, la haine, la crainte, l’envie, la pitié. (Quintilien, Inst. Or., VI, 2, 20; Cousin, p. 28-29)

Émotion d’Aristote et émotions de Cicéron
— On pourrait admettre que les émotions négatives représentent le couple émotion positive/négative: (colère/calme = colère; haine/amitié = haine; indignation/pitié = indignation; envie/émulation = envie). Quoi qu’il en soit, les divergences ne semblent pas très significatives.

— La liste de Cicéron comprend cinq émotions négatives (haine, colère, envie, crainte, mécontentement) et quatre émotions positives (affection, pitié, espérance, joie).
La honte et l’obligeance aristotéliciennes n’ont pas de correspondant direct chez Cicéron.
Réciproquement, les émotions positives affection et joie de Cicéron n’ont pas de correspondant évident dans la liste aristotélicienne.

— On peut opposer :
• Une approche atomiste, tendant à réifier tes émotions, qui s’exprime sous forme de listes de “noms d’émotion”.
• Une approche controversiale, langagière, de l’émotion, où des discours opposés construisent des positions et des émotions antagonistes. Cette approches est caractéristique de la rhétorique. C’est celle d’Aristote et de Cicéron.

2 — THÉOLOGIE : PÉCHÉS ET ÉMOTIONS

Le catéchisme de l’église catholique de1849 définit le péché comme suit :

Le péché est une faute contre la raison, la vérité, la conscience droite ; il est un manquement à l’amour véritable, envers Dieu et envers le prochain, à cause d’un attachement pervers à certains biens. […] [100]

Le discours sur les émotions s’est développé en parallèle et en concurrence avec les doctrines religieuses des péchés capitaux, qui sont :

orgueil (superbia) : L’orgueil est l’estime déréglée de soi-même, qui fait qu’on se préfère aux autres et qu’on veut s’élever au dessus d’eux.
avarice (avaritia) : L’avarice est un attachement désordonné aux biens de la terre, et principalement à l’argent.
impureté ou la luxure (luxuria) : L’impureté est une affection déréglée pour les plaisirs de la chair.
envie (invidia) : L’envie est une tristesse que l’on ressent à la vue du bien du prochain, ou une joie coupable du mal qui lui arrive.
gourmandise (gula) : La gourmandise est un amour déréglé du boire et du manger.
colère (ira) : La colère est un mouvement déréglé de notre âme, qui nous porte à nous venger, ou à repousser avec violence ce qui nous déplaît.
paresse (acedia) La paresse est un amour déréglé du repos, qui fait qu’on néglige ses devoirs d’état et de religion, plutôt que de se faire violence.

[1] Définitions tirées de https://www.paroissestjoseph.org/prieres/extrait-du-catechisme-de-l-eglise-catholique/68-les-sept-peches-capitaux

Ces sept péchés entrent directement dans la liste des mouvements émotionnels :

colère
orgueil, frère de la fierté
envie ou jalousie
la paresse sous sa définition citée note [1] correspond au calme. Sous sa définition traditionnelle, elle correspond à l’acédie, qui est une forme de dépression ou de tristesse, à moins qu’il ne s’agisse d’une fatigue post-prandiale.

Les trois autres péchés sont des désirs addictifs (… and more), plutôt du côté des passions :

désir d’argent, avarice
de sexe, luxure
de goût, gourmandise

Un péché capital est un péché qui est à l’origine d’une série d’autres péchés. Littéralement, c’est un “péché de base”.
Le système péché capital / péché dérivé a une allure hypothético-déductive, formellement analogue aux systèmes philosophiques qui opposent les « passions primitives » qui commandent les passions dérivées ou indirectes (v. infra, Descartes ; Hume)

Il existe une autre analogie essentielle entre le système des péchés et celui des émotions : les deux sont soumises à un contrôle par le biais de normes : normes religieuses pour le péché, normes sociales ou éthiques pour les émotions.

3 — PHILOSOPHIE CLASSIQUE

La philosohie classique, en quête d’un système organisant rationnellement les émotions, a en particulier développé l’idée qu’il y a des émotions de base en nombre restreint, qui donnent naissance à un nombre indéterminé d’émotions dérivées.

Descartes (1596-1650) 

En français, les premiers “traités des passions” apparaissent au XVIIe siècle (Le Guern 2000)
Dans les articles 53-67 des Passions de (1649), Descartes envisage successivement les émotions ou familles d’émotions suivantes :

L’admiration
L’estime et le mépris, la générosité ou l’orgueil, et l’humilité ou la bassesse
La vénération et le dédain
L’amour et la haine
Le désir 12
L’espérance, la crainte, la jalousie, la sécurité et le désespoir
L’irrésolution, le courage, la hardiesse, l’émulation, la lâcheté et l’épouvante
Le remords
La joie et la tristesse
La moquerie, l’envie, la pitié 29
La satisfaction de soi-même et le repentir
La faveur et la reconnaissance
L’indignation et la colère
La gloire et la honte
Le dégoût, le regret et l’allégresse

À l’article 69, Descartes soutient :

Qu’il n’y a que six passions primitives […], l’admiration, l’amour, la haine, le désir, la joie et la tristesse; et que toutes les autres sont composées de quelques-unes de ces six, ou en sont des espèces. (Descartes 1649/1988, p. 195).

Hume (1711-1776)

Les passions sont des « impressions » (p. 253).

Dans le Treatise on  human nature (1739), Hume définit les passions comme des «émotions violentes » (1739/1991, p. 110-111) et distingue les passions directes et indirectes:

Looking over the passions, we find that they divide into direct and indirect. By ‘direct passions’ I mean ones that arise immediately from good or evil, from pain or pleasure. By ‘indirect passions’ I mean ones that have the same sources as the others but only when those sources are combined with other qualities.
At this stage I can’t justify or explain this distinction any further. I can only say that under the indirect passions I include pride, humility, ambition, vanity, love, hatred, envy, pity, malice, generosity, along with passions that depend on those. Under the ‘direct passions’ I include desire, aversion, grief, joy, hope, fear, despair, and security.
A Treatise…, Bk. II.  Of the Passions, p. 110-111.

Les passions directes sont :

des impressions qui naissent immédiatement du bien et du mal, de la peine ou du plaisir. De ce genre sont le désir et l’aversion, le chagrin et la joie, l’espoir et la crainte  (Traité p. 253)
Cette nouvelle liste des passions directes ne mentionne plus le désespoir et la sécurité.

Dans la Dissertation sur les passions (1758), Hume propose une combinatoire des passions, qui sont déduites des notions primitives de bien et de mal et de leur probabilité.

Lorsqu’un bien est certain ou très probable, il produit de la joie; lorsqu’un mal se trouve dans la même situation, survient le chagrin ou la tristesse. Lorsqu’un bien ou un mal est incertain, il suscite la crainte ou l’espoir, selon le degré d’incertitude existant d’un côté ou de l’autre. Le désir naît d’un bien considéré tout simplement et l’aversion, d’un mal (Hume, 1758/1991, p. 64- 65).

Le bien et le mal sont d’autres noms du plaisir et de la peine (de la douleur).
Désir / aversion : désir (du bien) / aversion (du mal)
Cette combinatoire peut se représenter comme suit :

  en soi
certain incertain
Good (pleasure) desire
joy hope
Evil (pain) aversion  grief fear

On pourrait prolonger ces listes et multiplier les modèles combinatoires qui les organisent (voir Parret 1986).

4 — PSYCHOLOGIE

Cette approche conceptuelle, privilégiant les désignations substantivales, se retrouve chez les psychologues, qui proposent des listes de substantifs d’émotion dont l’esprit et les éléments sont très comparables à celles des rhéteurs et des philosophes.

Les listes d’émotions de base sont variables et plus ou moins développées, elles comprennent généralement la peur, la colère, le dégoût, la tristesse, la joie, la surprise (Cosnier 1994, p. 44-45).

Ekman

Ekman a développé une théorie de l’émotion comme réalité biologique universelle (Ekman, Sorenson, Friesen, 1969). Cette théorie utilise la notion d’émotion de base. La short list d’émotions de base admet seulement comme indiscutables «basic emotions»:

fear, anger, disgust, sadness, enjoyment. (Ekman 1993, p. 384)

Dans cette liste, la joie [enjoyment] est la seule émotion positive. Dans une publication ultérieure, il équilibre les listes d’émotions positives et négatives :

fear, anger, disgust, sadness, contempt, all negative emotions […]
amusement, pride in achievement, satisfaction, relief and contentment,
all positive emotions (Ekman 1999, p. 45)

D’après la liste figurant plus loin, à ces émotions positives il faut ajouter «excitement, […] sensory pleasure » et aux négatives « embarrassment […] shame » (ibid., p. 55). Enjoyment ne figure pas dans la seconde liste, on peut supposer qu’il a été spécifié en amusement, pride in achievement, satisfaction, contentment.
On peut retenir la liste suivante de 15 basic emotions. Nous mettons en petites capitales les émotions de la première liste. Afin de tailler large, nous maintenons enjoyment ; pride in achievement est élargi à pride en général, et sensory pleasure à pleasure

Pour désigner les émotions, Ekman utilise les termes de l’anglais ordinaire
Traduction française de ces termes ( à confirmer/ compléter par Wordreference)

FEAR                     peur, crainte, terreur, frayeur
ANGER                  colère, irritation, énervement
DISGUST               dégoût, répugnance, écœurement
SADNESS              tristesse
CONTEMPT           mépris, dédain, outrage
enjoyment              plaisir, jouissance
amusement            divertissement, amusement, plaisir
pride                       orgueil, amour-propre, fierté, arrogance, vanité
satisfaction            satisfaction, rassasiement
relief                       soulagement, apaisement
contentment          contentement, satisfaction
excitement             excitation, enthousiasme
pleasure                 plaisir
embarrasment       gêne, embarras, honte
shame                    honte, pudeur, modestie

Les termes en majuscule constituent une très  short list d’émotions de base, qui admet  seulement cinq indiscutables «basic emotions» (Ekman 1993, p. 384)

La première façon de définir ce qu’est une émotion consiste donc simplement à énumérer ce qu’on compte comme émotion. Par extension, est une émotion tout ce qui a un air de famille avec une quelconque de ces émotions, au moins avec les éléments centraux de cette collection; ou, sur le plan langagier, tout ce qui se définit à l’aide d’une de ces émotions centrales.

La surprise n’est pas valorisée : surprise agréable / désagréable

« ressentir de + surprise » : « un sentiment de surprise” (??)

La surprise est parfois considérée comme une émotion de base, ou comme une composante de toute émotion, dans la mesure où elle correspond à la courbe gauche rapidement ascendante de la “cloche émotionnelle”.

Les émotions secondaires, comme la honte, ou la fierté, apparaissent comme des combinaisons ou des nuances de ces émotions primaires.

5 – EXPRESSION FACIALE DES ÉMOTIONS ET DES PÉCHÉS CAPITAUX

Les données de cette section et des précédentes devraient permettre un examen comparé de l’iconographie des péchés et de l’iconographie des émotions. 

Paul Ekman Group How to interpret facial expressions of emotion https://www.paulekman.com/blog/emotion-families-part-2/

Comme les émotions, les péchés capitaux sont caractérisés par des expressions faciales typiques :

Musée d’Orbigny-Bernon, La Rochelle
« Ces sculptures, qui datent du XIIIe siècle, ornaient la corniche de l’ancienne église de Lagord. Elles représentent les sept pêchés capitaux. »

Expression corporelle de la colère, avec concentration sur la face

Provient de La Tribune des péchés capitaux de la chapelle Saint-Yves à Priziac
http://www.lavieb-aile.com/2015/09/la-tribune-des-peches-capitaux-de-la-chapelle-saint-yves-a-priziac.html

La colère en situation

Jheronimus van Aken , dit Jérôme Bosch, ou Jheronimus Bosch (vers 1450 – 1516)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Sept_P%C3%A9ch%C3%A9s_capitaux_et_les_Quatre_Derni%C3%A8res_%C3%89tapes_humaines

Engagement dans une action typique de la colère

Jacques Callot (1592-1635) Estampes : Ira (colère)

La personne en colère est représentée  dans l’action agressive typique où elle s’engage, brandissant l’épée, par un animal symbolique de la force physique, le lion, et par une évaluation négative, le petit diable excitant la machine. [2]


NOTES

 Voir aussi la série “Les sept péchés capitaux”, éditée par S. Lapaque (Librio, 2000) “Préface” à Paresse.

[100] https://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P64.HTM

[2] britishmuseum.org/research/collection_online/collection_object_details/collection_image_gallery.aspx?assetId=118167001&objectId=1560740&partId=1

[3] Qu’il n’y a que six passions primitives […], l’admiration, l’amour, la haine, le désir, la joie et la tristesse; et que toutes les autres sont composées de quelques-unes de ces six, ou en sont des espèces. (Descartes 1649/1988, p. 195).

Dissémination de “émotion” dans le lexique

LA DISSÉMINATION DES TERMES D’ÉMOTION DANS LE LEXIQUE

1. Terminologie, méthodologie et notation


1. Terminologie, méthodologie et notation
1.1 Des définitions disséminées dans le dictionnaire.

Le dictionnaire généraliste monolingue définit les mots d’une langue avec d’autres mots de la même langue. Pour cela, il énumère, définit et illustre les différentes acceptions du mot entrée, cite quelques locutions dans lesquelles l’entrée joue un rôle pivot, et donne une idée des usages, s’appuie sur des énumérations d’antonymes et de synonymes, et informe éventuellement sur son étymologie et son histoire. On y trouve également des informations (non systématiques) sur la morphologie du mot ainsi que sur les structures syntaxiques dans lesquelles il entre.
Sur cette base, les différents dictionnaires mettent en œuvre une politique lexicographique,  et opèrent des choix en fonction de leurs publics respectifs et de l’état du marché des dictionnaires.

Dans ces conditions, le lexicographe s’engage à fournir la meilleure définition possible d’un mot entrée, au moyen d’un ensemble hétérogène de discours, autour d’un segment central, la définition elle-même, avec parfois des saveurs aristotéliciennes autour du genre commun et des différences spécifiques, des caractères propres et même des accidents, tels qu’ils se manifestent dans les exemples inventés ou pris dans des corpus de langage cultivé ou ordinaire.
Cette définition proprement dite est le cœur du discours définitoire, et c’est elle que nous exploiterons ici. Elle est faite avec des mots définis par ailleurs dans le dictionnaire ; les mots définisseurs ici sont définis ailleurs. En principe, tous les définisseurs sont définis.

Il est donc possible de dresser la liste des entrées principales ou secondaires utilisant tel mot dans leur définition, prise au sens strict.
On peut construire cet ensemble à la main : il suffit de prendre un stabilo et de souligner toutes les occurrences du mot dans les définitions, mais cela prend du temps.

L’informatisation du dictionnaire donne un accès immédiat à ce genre d’information. Par exemple, l’outil  « recherche assistée » du TLFi donne immédiatement l’information que le mot sentiment, défini à l’entrée “sentiment”, sert lui-même de définisseur pour 468 termes. C’est à ce type de fait que nous nous intéresserons, à propos du lexique de l’émotion. [note 1]

Le rédacteur donne tous ses soins à la rédaction de l’entrée, dont il contrôle consciemment la rédaction. A priori, il ne peut pas exercer le même contrôle sur toutes les occurrences de ce mot entrée, ailleurs dans son dictionnaire, surtout s’il y a plusieurs rédacteurs. En principe, la définition du mot doit rendre compte de tous les usages du mot, donc en particulier des usages qu’en fait le dictionnaire lui-même. On imagine que le relecteur intervient sur ce point.

Nonobstant la multiplicité de ses rédacteurs et les aléas de sa production, nous postulons que le dictionnaire, rédigé par des des locuteurs de qualité qui sont des spécialistes compétents, fait un usage cohérent du vocabulaire qu’il définit.
En d’autres termes, nous supposerons l’engagement lexicographique pris par le dictionnaire vis-à-vis d’un mot m vaut non seulement pour l’entrée m, mais pour tous les usages de m dans le dictionnaire, dans la définition d’autres mots,
a, b, c

Sur cette base, nous supposons par exemple que le sens du mot passion en français est non seulement donné dans l’entrée passion du dictionnaire mais également dans toutes les entrées qui utilisent le mot passion dans leur définition.
Si, dans un dictionnaire le mot passion sert à définir le mot ivresse comme c’est le cas dans le TLFi :

  1. – Au fig. 1. < État d’exaltation psychique, provoqué par une passion. >

alors, réciproquement, le mot ivresse contribue à la définition du mot passion, indépendamment du fait que ivresse n’est pas utilisé dans l’entrée passion.

Cette définition indirecte, implicite d’un mot m, qui court sur tout le dictionnaire est inaccessible à partir de l’entrée m, et irréductible à l’information fournie par la définition explicite fournie à cette entrée. [note 2]

En somme, la définition fonctionne dans les deux sens : le terme entrée, terme défini, contribue à définir les termes utilisés dans sa propre définition.

C’est ce phénomène que nous désignons comme dissémination du mot m dans le lexique.

***

Les paragraphes suivants présentent la méthodologie, la terminologie et de la notation utilisées dans cette recherche.
La seconde partie portera sur les résultats obtenus et leur exploitation dans l’étude de l’émotion dans la parole (voir XXX).

Comme on peut le voir, il ne s’agit nullement ici de discuter des structures idéales d’un article de dictionnaire, ni de comparer ou d’évaluer les politiques lexicographiques des dictionnaires utilisés, qui, tous, jouissent d’une bonne crédibilité auprès du public, et ont une légitimité sociale.
Notre travail tend plutôt à d’agréger les données extraites de chaque dictionnaire afin de constituer sur cette base  un ou des sous-dictionnaires  de mots désignant ou pointant vers une émotion. De tels dictionnaires montrent immédiatement  que le nombre des « mots d’émotion » va bien au-delà des quelques dizaines que l’on considère habituellement. De telles données constituent une base empirique indispensable  pour l’analyse de l’émotion dans la parole.

[note 1]

Prácticamente, constatamos que algunas herramientas de búsqueda como las utilizadas por el Trésor de la Langue Française Informatisé diferencian las búsquedas en las < definiciones > y en los < ejemplos >, y otros, como el Word Reference y el  DIRAE, no.

El  Dirae.es es un diccionario inverso basado en el Diccionario de la lengua española de la Real Academia Española. Es un diccionario inverso porque, en lugar de hallar la definición de una palabra, como en un diccionario ordinario, halla palabras buscando en su definición.

Eso no es una cuestión transcendental, en la medida en que hay una homogeneidad entre las fuentes consideradas; WR y el DIRAE recogen conjuntamente los dos. Por eso, nuestros datos agregan las ocurrencias de emoción en las definición propiamente dicha y en los ejempos como las siguientes:
soliloquio: (.) Lo que habla [en voz alta y sin interlocutor] un personaje de obra dramática o de otra semejante, monólogo:
la actriz recitó un soliloquio muy emotivo.
gozo: (.) Placer, alegría, emoción por lo que es favorable o apetecible: no cabía en sí de gozo.

[note 2]
1 Nous avons remplacé par des chevrons ouvrants et fermants les balises du TLFi qui bornent les segments fournissant la réponse à la requête. Nous soulignons le terme moteur de la requête. Toutes les données tirées d’internet ont été vérifiées le 28-01-2016.

1.2 Impact, mot impactant, mot impacté

Si le mot m est utilisé dans la définition des mots a, b, c… nous dirons que les mots a, b, c… sont impactés par le mot impactant m.
Par abus de langage, nous considérerons qu’un mot est impacté dès qu’une de ses acceptions est impactée.

Si l’on trouve que le mot impact a des connotations violentes indésirables, on peut parler également de mots « touchés » ; mais impact permet de parler commodément du mot impactant, m, et des mots impactés, a, b, c. (vs *mots *touchants et mots touchés).
On pourrait employer aussi le lexique de la contagion et de la contamination, mais il est difficile de parler systématiquement de mots *contaminants et de mots *contaminés, surtout lorsqu’il s’agit de l’émotion qui n’est ni une maladie ni une brève folie.
Nous utiliserons dissémination, qui n’a pas ces associations indésirables.

Les mots sont définis selon un certain nombre d’acceptions. Par abus de langage, nous dirons qu’un mot est impacté si une de ses acceptions est impactée. Les raffinements nécessaires doivent intervenir au cas par cas, lors du toilettage des listes.

Tous les mots définis sont impactés par les mots entrant dans leur définition. Mais tous les mots ne sont pas impactants : certains n’entrent dans la définition d’aucun autre mot ; tous les définis ne sont pas définisseurs.

La liste des mots impactants d’un dictionnaire donné correspond à la liste des « primitifs lexicographiques » de la langue du dictionnaire.

1.3 D[m], domaine lexicographique d’un mot

Nous dirons que l’ensemble des mots a, b, c, … impactés par le mot [m] constitue le domaine lexicographique associé à m, et que ce domaine exprime une définition implicite de m.
On peut estimer que la réunion des domaines lexicographiques associés à un mot dans différents dictionnaires donne une idée de son domaine lexical.

Notation :
– Le mot m dont on recherche le domaine lexicographique est noté : [m]
– Le domaine lexicographique du mot m est noté D[m]

Ce domaine est établi dans un dictionnaire donné. Si nécessaire, on notera
cette information sous la forme :

D[m]Dictionnaire “domaine lexico-graphique du mot [m] dans tel dictionnaire”
D[émotion]TLFi

La recherche des mots impactés doit tenir compte du fait que ce mot apparaît dans les définitions sous une certaine morphologie, singulier ou pluriel pour les noms, singulier ou pluriel, masculin ou féminin pour les adjectifs, selon une personne, un temps et un mode pour les verbes; toutes ces formes sont pertinentes pour la définition du domaine lexicographique.

Dans la définition d’un autre mot, le mot impactant apparaît sous une certaine morphologie, selon sa catégorie grammaticale. Par exemple, émotif peut impacter un autre mot sous les formes émotif, émotive, émotifs, émotives ; émouvoir sous une quelconque de ses formes conjuguées.

Le moteur de recherche sur le dictionnaire informatique considéré peut avoir ou non intégré ces variations morphologiques.

1.4 [M], Famille morpho-lexicale sémantiquement homogène

Le mot impactant [m] appartient généralement à une famille morpholexicale sémantiquement homogène, FMLSH, abrégé en “famille”, s’il n’y a pas de risque d’ambiguïté.

On note [M] la famille d’un mot [m] :
[M] = {[m1], [m2], [m3],…}

Pour éviter des notations cabalistiques de racines ou de bases lexicales, les familles seront notées par le mot le plus impactant mis en majuscules

— Famille [honte] :
{honte.s – honteux, honteuse.s – honteusement – éhonté}

— Famille [colère] :
{colère, colérer, coléré, coléreux, coléreusement, colérique, décolérer, encolérer}

— Famille [émotion] :
{émoi, émotion, émotif, émotivité, émotionnel, émouvoir, émouvant, émotionner, émotionnant}

L’homogénéité sémantique de [colère] et de [honte] est totale, ce qui n’est pas forcément toujours le cas.
Par exemple, l’homogénéité sémantique de [émotion n’est pas forcément parfaite ; intuitivement, émouvoir quelqu’un c’est plutôt produire en lui une émotion tendre, alors qu’une réaction émotionnelle peut être de l’indignation ou de la colère ; autrement dit, les impacts de émouvoir sont a priori plus spécifiques que ceux de émotion, mais ils restent liés à émotion.

La FMLSH d’un mot est récupérable dans le domaine lexicographique de ce mot. Du point de vue sémantique, tous les termes composant la famille [colère] sont impactés par le mot colère. Du point de vue morphologique, ils sont tous faits sur la même base <colé/èr->.
En fonction des options lexicographiques mises en œuvre par le dictionnaire, cette famille peut contenir des mots anciens ou peu usités.

1.5 D[M], domaine lexicographique de la famille [M]

Étant donné leur lien sémantique clair et constant avec émotion, tous les mots impactés par un membre de [Émotion] appartiennent au domaine lexicographique recherché.

On notera D[Émotion] le domaine lexicographique de la famille l’ensemble des mots accessibles à partir de l’un quelconque des membres de cette famille. Notation :

D[M] = {D[M1] + D[M2] + D[M3] +…}

lu :

D[M] = “domaine lexical de [M], ensemble des termes impactés par la FMLSH de [m]”

D[m] réunit l’ensemble des mots impactés par [ m]
D[M] inclut tous les mots impactés par [M].

D[émotion] réunit l’ensemble des mots impactés par [émotion]
D[Émotion] inclut D[émotion], et y ajoute les mots impactés par les autres membres de sa famille.

Ainsi, honteux appartient à [honte] ; les 18 entrées qui ont honteux dans leurs définitions appartiennent donc au domaine lexical associé D[HONTE].

Le domaine lexicographique associé à [] est donc constitué de l’ensemble des termes impactés par les membres de [m].

1.6 Une méthode généralisable à tout le lexique

La méthode et les notions présentées ci-dessus sont indépendantes de la question des émotions. On pourrait les utiliser pour définir les primitifs lexicographiques d’une langue pour un dictionnaire, c’est-à-dire l’ensemble des mots impactants (définisseurs et définis), opposé à l’ensemble des mots seulement impactés (définis, jamais définisseurs). Cette méthode permettrait également de comparer, d’une part, l’ensemble de mots associés à un mot donné dans l’usage tel qu’on l’établit par les méthodes lexicométriques (comme par exemple les études de cas de Blumenthal, 2012), et, d’autre part, l’ensemble de mots impactés par ce mot dans un dictionnaire, qui se propose, entre autres choses, d’exprimer cet usage.

 

Les résultats et réflexions présentés dans la seconde partie reposent sur les études suivantes :

2018 Lo que la lengua cuenta de sus emociones
En: Bein, Roberto; Bonnin, Juan Eduardo; di Stefano, Mariana; Lauria, Daniela; Pereira, María Cecilia (eds). Homenaje a Elvira Arnoux Tomo VI_interactivo Análisis del discurso. Buenos Aires, UBA.

2018 La dissémination de honte dans le Trésor de la Langue Française informatisé. Dans Hugues Constantin de Chanay, Steeve Ferron. (éd.). Les observables en Analyse du discours. Numéro offert à Catherine Kerbrat-Orecchioni. Le discours et la langue, 92. 61-74.

2017 La dissémination de colère dans le lexique français — Un exercice sur les termes et les expressions d’émotion
Myriades, 3: Impact des courants linguistiques d’inspiratiion francophone dans la recherche contemporaine

2016. La dissémination de émotion dans le lexique
Dans Krzyzanowsksa, Anna, Wolowska, Katarzyna. Les émotions et les valeurs dans la communication. Berne, Peter Lang. pp.109-133. ⟨halshs-01513016⟩

2015 Paura, emozione, passione, sentimento… : Étude de la contagion émotionnelle d’après le “Dizionario Combinatorio Italned
Le Langage et l’Homme , vol. L, n° 2. 43-58.

 


2. Les 790 impacts de [ÉMOTION] dans le TLFi.pdf



3. Exploitation des résultats : Angles d’impact
FMS d’émotion, Énoncé d’émotion, Situation, Expérienceur, Allocateur


 

[ÉMOTION*] impacte un lexique semi-encyclopédique, médical en voie d’intégration au lexique courant[7] :

ABRÉACTION
ADIAPHORIE
adrénalinémie, art. ADRÉNAL-
CATAPLEXIE
déplacement
psychogalvanique, art. PSYCH(O)-
PSYCHOLEPTIQUE
PSYCHOPATHIE
Thalamique, art. THALAMUS
THALAMUS
Thymoleptique, art. THYMIQUE2
DÉPRESSEUR

 

­Émotion impacte normalement les mots de sa famille, [émotion] :

ÉMOI, ÉMOTIF, ÉMOTIONNANT, ÉMOTIONNEL, ÉMOTIONNER, ÉMOTIVITÉ, ÉMOUVANT, ÉMOUVOIR

HYPERÉMOTIF, HYPERÉMOTIVITÉ

CRYPTO-ÉMOTIF

Il n’est pas nécessaire de faire de recherche d’impact à partir de HYPERÉMOTIF, HYPERÉMOTIVITÉ, CRYPTO-ÉMOTIF, puisque les termes éventuellement impactés le seraient déjà par émotif, émotivité.

Termes couvrant — [ÉMOTION*] impacte notamment

— la famille [AFFECT] (sauf le mot affect lui-même) : AFFECTIF, AFFECTIVEMENT AFFECTIVITÉ, INAFFECTÉ

— la famille [PASSION] : PASSION, PASSIONNÉ, PASSIONNÉMENT

— la famille [sentiment] : SENTIMENT, SENTIR

Cette distribution des impacts donne une certaine légitimité à l’idée qu’autour de ces quatre termes, affect, émotion, passion, sentiment gravite un champ sémantique unitaire, qu’il est possible d’explorer de manière relativement cohérente[8]. On peut parler à leur sujet de terme couvrant, ou plus exactement de FMS couvrantes. Une FMS couvrante est une FMS qui impacte un nombre substantiel de mots, et qui impacte des types d’émotions diverses et plus spécifiques, comme peur, joie, colère, surprise, stress (pour émotion).

Itération de la démarche — La dissémination ne se bloque pas au premier impact, elle se poursuit par de nouveaux impacts. Par exemple, [ÉMOTION*] impacte peur, joie, COLÈRE, surprise, stress ; les mots impactés par les FMS auxquelles appartiennent ces termes doivent également être joints à la liste. La démarche est itérative.

Pour avoir une idée de la dissémination de l’émotion dans le lexique du français on doit rassembler les domaines lexicaux correspondant à ces diverses FMS.

Nouvelles ressources — Nous avons conclu que D[ÉMOTION*] comprend environ 800 mots ou acceptions. Cette liste doit être complétée non seulement par la recherche d’impacts d’autres termes, mais également par l’exploitation d’autres ressources. Le TLFi est un dictionnaire parmi d’autres, et la liste doit être complétée par des données extraites d’autres dictionnaires selon les mêmes principes.

 

 

Les termes réunis dans le grand sac de mots que nous avons constitué sous le nom de “domaine lexical” n’ont pas tous la même relation à leur FMS génératrice, [ÉMOTION*]. Dans la suite de cette contribution, nous proposons quelques observations sur une possible structuration plus fine de ce domaine. Après avoir donné une idée des impacts du mot émotion sur les définitions, il s’agit ici, pour filer la métaphore, de préciser l’angle d’impact de ce mot sur les  différents termes qu’il estampille. Il s’agit bien d’une ébauche : nous ne savons pas à combien de familles nous aurons finalement à traiter en fonction des résultats obtenus après itération et exploitation d’autres ressources. Les remarques et catégories que nous proposons sont exploratoires. Le cadre général est celui qui a été mis au point et utilisé dans de précédentes recherches, où l’on trouvera les références nécessaires (Plantin 2011 ; 2012 ; 2015)

FMS d’émotion
Comme nous l’avons souligné, nous ne discuterons pas pour savoir s’il est préférable de parler de substantifs ou de verbes d’émotion. S’il fallait choisir, nous prendrions les PP-adj, qui notent bien le caractère accidentel, épisodique de l’émotion, sans la réifier. Nous partons du fait lexical que, comme tous les mots, les mots impactés par [ÉMOTION*] se rassemblent en FMS, et que l’émotion est distribuée sur tous les membres de cette FMS. Un terme d’émotion désigne l’un quelconque des mots rassemblés dans une FMS d’émotion.

Énoncé d’émotion
La notion d’énoncé d’émotion est dérivée de celle de verbe psychologique (Gross, 1995 ; Ruwet 1972, 1995 ; Mathieu, Fellbaum 2010). Un énoncé d’émotion associe un terme d’émotion E, un lieu psychologique ou expérienceur y, une situation S. Il est noté < E(y, S) >[9].

Points d’émotion et parcours émotionnels
Un point d’émotion est un point du discours où l’émotion est linguistiquement marquée. En ce point, on peut reconstruire sur des bases lexicographiques un énoncé d’émotion. En d’autres termes, la détermination des points d’émotion correspond à l’opération d’ancrage d’une balise d’émotion. Les balises, convenablement posées permettront, dans un second temps, d’établir des parcours émotionnels. La localisation de ces points d’émotion joue ainsi un rôle fondamental dans la reconstruction méthodique de l’émotion dans la parole (Plantin 2011).

On peut dire en première approximation que si un mot d’un texte est une occurrence d’un mot impacté par [ÉMOTION*], alors il est intéressant tenter la reconstruction d’un énoncé d’émotion en ce point. Du point de vue de l’analyse automatique, cette démarche correspond à un premier balisage du texte, exploitant une dictionnaire des FMS et des termes d’émotion, dont D[ÉMOTION*] propose une première liste d’entrées.

Situation
Nous distinguerons la situation en tant que telle, notée S, et la situation en tant qu’elle est perçue, vue, cadrée, éclairée comme émotionnante, notée S.  Cette distinction est nécessaire pour rendre compte du fait que la même situation peut être associée à des émotions diverses et antagonistes : le même événement qui fait le bonheur des uns fait le malheur des autres. La situation S n’est pas la cause mécanique de l’émotion ; mais, dès qu’elle a été catégorisée comme émotionnante, c’est-à-dire comme une S, elle est linguistiquement liée à son “effet”, sa “conséquence” l’émotion dans y. Dans le langage de la théorie de l’argumentation dans la langue, on a affaire à une inférence ou une causalité tautologiques : “S est troublant ; donc je suis troublé”. L’effet causal est une illusion. Il n’y a pas de différence entre la cause (S, être troublant) et l’effet (y, être troublé) ; et il n’y a guère de sens à dire que le trouble attribué à y est “dérivé” de la situation troublante : il est strictement homogène à la situation en tant que troublante.

L’énoncé “c’est stressant (P), mais je résiste (Q)” se comprend bien dans le cadre de théorie originelle simple et robuste de la polyphonie ducrotienne. Dans la proposition P, la situation S est cadrée comme une S, stressante, c’est-à-dire impliquant linguistiquement du stress. Mais inverse cette orientation argumentative (au sens de Ducrot), et la proposition Q exprime que le locuteur sait gérer son stress, sortir de son stress ou déstresser une situation stressante.

L’énoncé “Pierre trouve ça stressant” permet d’attribuer du stress à Pierre, mais ne dit rien d’une éventuelle attribution d’émotion (stress) au locuteur de cet énoncé. La référence commune à ce locuteur et à Pierre est à une situation en tant que S. Pierre la cadre comme une S, une situation émotionnante. Le locuteur mentionne S (ça), et le cadrage émotionnel (stressant), mais ne dit rien de sa propre évaluation émotionnelle. La description de la situation qu’il peut éventuellement proposer n’est pas forcément celle sous laquelle elle stresse Pierre

Allocateur, allocataire d’émotion
Dans “ Pierre est triste”, le locuteur est dans le rôle d’allocateur de l’émotion (triste) à un allocataire d’émotion, qu’il constitue ainsi en expérienceur (Pierre). Un autre locuteur peut contester cette allocation, lui préférer une autre émotion “Pierre n’est pas triste, il est accablé par tes façons de faire” ou refuser toute attribution d’émotion. Le cas échéant, on devra donc noter a, l’allocateur de l’émotion : < aE(y, S­) >.

 

4. Émotion nommée et attachée à l’expérienceur —
Reconstruction directe de l’énoncé d’émotion

 

Émotion impacte des termes considérés comme des “substantifs d’émotion” dans à peu près toutes les listes, et des émotions de base par les psychologues et les philosophes : peur, joie, colÈre, surprise (Tutin & al. 2006 ; Novakova, Tutin 2009). Nous ne chercherons pas à distinguer dans l’ensemble suivant des émotions de base et des émotions dérivées. Tous ces termes attribuent nécessairement une émotion à un y, permettent de reconstruire des énoncés d’émotion, et de localiser des points d’émotion dans un texte.

La FMS d’émotion EXALTER, EXALTÉ, exaltant, EXALTATION, complète et autonome montre bien en quoi l’émotion se distribue sur un micro-monde événementiel. Le PP-Adj EXALTÉ attache localement l’émotion à y ;  comme substantif, (un) exalté fait de l’exaltation un caractère permanent de y ; exaltant localise l’émotion sur un contexte S devenant ainsi une source d’émotion S (éclairage framing de la situation) ; le verbe EXALTER distribue l’émotion sur y et sur S ; le substantif EXALTATION réifie l’ensemble du processus. Dans tous ces cas, que l’émotion soit attachée à la situation, au locuteur, ou distribuée sur les deux, on reconstruit immédiatement l’énoncé d’émotion < EXALTÉ*(y, S)>.

La FMS d’émotion TROUBLE2, TROUBLER, TROUBLANT, troublé est complète et homonyme d’une série non émotionnelle. Le TLFi distingue trouble-1 et trouble-2, le premier étant considéré comme le sens propre et le second, figuré. On désambigüise facilement les deux séries les deux verbes n’ayant pas les mêmes relations de sélection sur leurs objets, respectivement (+Liquide) et (+Humain). Cette opération effectuée, on retrouve le cas précédent, où l’énoncé d’émotion est immédiatement reconstructible, < TROUBLE*(y, S)>.

Ø Liste 4, type EXALTÉ – TROUBLÉ — l’émotion est attachée à l’expérienceur

 

AFFOLÉ, AFFOLER1.
ATTENDRIR – ATTENDRISSEMENT
bouleversÉ -BOULEVERSEMENT -bouleversant – bouleverser
COLÈRE
doux
DÉCHIRANT – DÉCHIRER
ÉGARÉ
ENTHOUSIASME
ÉPOUVANTE
EXALTATION – EXALTÉ, EXALTER
FOLIE-1 – FOU-1 – FORCENÉ
GONFLÉ – GONFLANT, GONFLEMENT2
HÉBÉTUDE
HORRIPILATION
IRRITABLE
JOIE
MALAISE
PEUR
REMUANT – REMUÉ, REMUEMENT – REMUER – REMUEUR
RÉVULSER
STRESS
STUPEUR – STUPIDE
SURPRISE – surprendre
SYMPATHIE
TENDRE-2 – TENDRESSE
TERREUR
TERRIBLE
TIMIDITÉ
TOUCHER1 – TOUCHANT1,
TRAC
TRANQUILLEMENT
TRANSI
TROUBLE-2 – TROUBLER -TROUBLANT

 

5. L’émotion définit la situation —
Désignation et inférence émotionnelle

Il est souvent impossible d’associer linguistiquement une émotion à un énoncé. L’énoncé “il est rentré à 8h” ne permet aucune attribution d’émotion à “il” ou au locuteur Le contexte peut éventuellement permettre de leur attribuer une émotion, par exemple s’il s’agit d’une rentrée particulièrement tardive.

Émotion contribue à définir des situations, des actions, des objets comme ayant un contenu linguistique émotionnel, essentiel ou par défaut. Nous rassemblons ici un ensemble de termes impactés par émotion, et qui réfèrent à des situations auxquelles sont associées des émotions, soit de manière essentielle, soit de manière défaisable.

5.1 L’émotionnalité comme essence de la situation

POIGNANT est un adjectif d’émotion orphelin, qui renvoie à une S (une S émotionnelle). La seule différence avec la série précédente est un fait d’usage : l’absence de nom, de verbe ou de PP-Adj attachant directement l’émotion à l’expérienceur. En dépit de cet accident morphologique, l’éclairage d’une situation comme POIGNANTE est indissociable de l’attribution d’un état émotionnel à une personne, locuteur ou énonciateur. Cette association est un fait de langue ; si on ne la fait pas, on ne parle pas et on ne comprend pas le français. L’émotion est aussi présente dans “c’était poignant” que dans “quelle surprise !”.

Cette émotion n’a pas de nom en français. On peut la noter directement par catachrèse dans l’énoncé d’émotion bien formé, < POIGNANT (y, S)>, en considérant que l’émotion est une gestalt englobant situation et expérienceur. On peut aussi la noter par approximation une émotion intuitivement sentie comme de la même famille (les barres obliques notent que l’émotion est reconstruite : < /pitié, effroi/(y, S)>. Comme l’émotion est répandue sur une parole, on tiendra compte du contexte pour préciser l’émotion.

Si on a de la chance, on la trouvera dans le dictionnaire. BEAU, adj. et substantif, implique de façon essentielle une émotion, qu’on peut reconstruire par le dictionnaire : l’admiration

N : « a) [Le beau comme valeur esthétique] < Ce qui suscite une émotion, un plaisir esthétique. > »

Adj. : « [Exprime une appréciation positive et favorable] A. — Qui cause une vive impression capable de susciter l’admiration en raison de ses qualités supérieures dépassant la norme ou la moyenne. » (TLFi, je souligne)

Comme dans le cas précédent, la reconstruction des énoncés d’émotion est simple et directe.

5.2 Inférence émotionnelle par défaut

ALERTE2 est défini comme « < Menace précise et soudaine d’une situation critique et alarmante; émotion, inquiétude ressenties en présence de cette menace > » (soulignement TLFi ; mes italiques). L’inférence concluant de alerte à émotion et à inquiétude est une inférence définitionnelle, légitimée par le dictionnaire (sur la notion d’inférence émotionnelle, Ungerer, 1997 ; voir Plantin 2011). On peut donc reconstruire sur alerte deux énoncés d’émotion, l’énoncé général < émotion, (y, alerte) >,  et l’énoncé plus précis < inquiétude, (y, alerte). Notons que la recherche d’impact à partir de inquiétude trouvera également alerte et autorisera l’énoncé d’émotion < y [inquiétude] >.

En tant que situation S, l’alerte est vue comme la prise de conscience soudaine d’une menace, déclenchant un ensemble d’actions qui peuvent être codifiées dans une “procédure d’alerte”. Le TLFi associe à cette situation de l’inquiétude. Mais dans la réalité l’état d’alerte peut être associé à tout autre chose que de l’inquiétude, par exemple à l’excitation, le plaisir de passer à l’action et à la joie d’être enfin un héros, ou simplement le léger ennui d’avoir à se soumettre encore à un exercice de sécurité.  L’inférence de alerte à inquiétude est bien une inférence langagière, comme elle est annulable contextuellement, nous dirons l’inquiétude est l’émotion inférée par défaut à partir de alerte.

Les cas de ALERTE2 et de poignant se distinguent par l’usage de l’évaluatif “je trouve que”, qui n’est pas possible avec alerte “je trouve que c’est une alerte”. Le fait qu’on puisse dire “je trouve que c’est une situation poignante” montre bien que l’émotion est inscrite dans le sens même de l’énoncé.

Ø Liste 5 : l’émotion définit la situation

ADIEUX
AGRESSION
ALERTE-2
BEAU
DÉSORDRE
DRAMATIQUE
ÉLOQUENCE
ÉMEUTE,
EMPOIGNANT
INSOUTENABLE
LYRIQUE
ŒUVRE (D’ART)
PATHÉTIQUE, Pathétisme, PATHOS,
POÉTISER, Poétisable
POIGNANT
RÉVOLUTION- RÉVOLUTIONNER
ROMANTIQUE
SCANDALE
SÉDITION
SÉISME
SPECTACLE – SPECTACULAIRE – SPECTATEUR
SUBLIME
THRILLER
TRAGIQUE

 6. L‘émotion est inférée à partir d’une  performance sémiotique de l’expérienceur

RAVALER est impacté par [ÉMOTION*], dans l’expression “ RAVALER sa salive”. Ce fait légitime la reconstruction d’un énoncé d’émotion (émotion, y, S)> dont la spécificité reste à préciser.

L’acte de “ravaler sa salive” pourrait peut-être être conceptualisé comme renvoyant à l’effet physiologique d’une émotion biologiquement déterminée par une situation stimulus, dont l’étude relève de la physio-biologie. Dans ce cas, l’expression ravaler sa salive est dénotative, ravaler sa salive est un indice, faisant partie du procès émotionnel. Selon ce cadre de recherche, par exemple, l’expression “voir rouge” est également dénotative, et on peut le montrer en corrélant expérimentalement, l’état de colère à une perception accrue du rouge. Parallèlement, on s’attachera à montrer que celui qui est dépressif “voit tout en noir”, c’est-à-dire a une perception amortie des couleurs, ce qui n’est pas invraisemblable. Le programme a certainement des limites ; on dit que “la tension était palpable”, mais on ne voit pas pour l’instant s’élaborer la machine à palper la tension.

En contraste avec cette approche référentielle, nous adopterons une approche communicationnelle de ce type d’expression[10]. Nous traiterons cet acte, ravaler sa salive, comme un acte sémiotique, comme l’expression sémiotique de l’émotion, voire l’acte d’émotion lui-même et non pas non pas effet conditionné d’une émotion. Les ressources nécessaires à l’expression de l’émotion sont fournies par tout corps, et non plus, comme dans le cas précédent, par le seul appareil phonatoire (qui, par ailleurs est exploité de façon spécifique dans l’expression de l’émotion, voir infra). En d’autres termes, l’émotion est corporellement signifiée à l’interlocuteur. Frissonner est une énonciation corporelle signifiante dont le signifié est une classe d’émotions. D’une façon générale, nous adoptons cette approche pour les différentes expressions physiques de l’émotion, comportements, attitudes, activation du corps ou d’une partie du corps. Le critère de sélection pour les mots attachés à cette section est : “est-ce que ça peut se jouer ?” ; rappelons qu’il est possible de produire intentionnellement des larmes. Les performances sémiotiques émotionnelles sont plus ou moins complexes, le trouble (TROUBLER) est plus complexe que le fait d’ouvrir grand les yeux (AGRANDIR).

 

L’émotion peut ainsi de signifier linguistiquement comme peut se signifier la réalité en général, et elle peut se signifier en exploitant le corps comme ressource signifiante. L’existence de ce double système de signification est très caractéristique de l’émotion. L’émotion est ainsi doublement signifiée : par une performance physique émotionnelle (ravaler sa salive, lever les bras au ciel) et par un dire linguistique. “Notre héros leva les bras au ciel / ravala sa salive”), redoublant ce système sémiotique.

L’expression sémiotique n’étant pas doublement articulée, on ne peut envisager la description de ce “langage” que sous la forme d’un répertoire d’éléments.

 

Cette section rassemble des termes impactés par [Émotion*] renvoyant à une telle performance émotionnelle. Elle constitue un répertoire de comportements physiques signifiants.

Les listes suivantes correspondent à des traits, un même terme peut figurer dans plusieurs listes, c’est à dire cumuler plusieurs traits.

 

(i) Un CHOC, qui transforme l’ATTITUDE jusqu’au TRAUMATISME, à la SYNCOPE et au FIGEMENT

Dans l’ordre de la performance, la forme plus générale est de l’ordre du CHOC, ce qui correspond à la surprise dans l’ordre du dire.

  • Un CHOC, et ses conséquences TRAUMATIQUES; le corps lâche

 

(être) EN L’AIR
(se mettre) à l’envers
ALTÉRATION1 – ALTÉRÉ – ALTÉRER1
bondir
BOULEVERSEMENT
chambouler
CHOC
COMMOTION
ÉBRANLEMENT
Être hors de sens
HAUT-LE-CORPS
HEURT
REMUER
RÉVOLUTION
SÉDITION
SURSAUTER
TOUCHER1
TRAUMATIQUE – TRAUMATISER, TRAUMATISME
Trifouillis (art. TRIFOUILLER)

À la lecture de cette liste, on a le sentiment que l’émotion est plus de l’ordre de l’accident physique que de la maladie de l’âme.

  • vers la SYNCOPE

CHAVIRER

DÉFAILLIR – DÉFAILLANT

EFFONDRER

ÉPERDU

MOURANT

PÂMÉ – PÂMER -PÂMER (SE) – PÂMOISON

Perdre ses esprits

SYNCOPE

TOMBER-1

TRANSPORT

VERTIGE

 

 

  • ou le figement

 

CONTRACTÉ, CONTRACTION

FIGÉ – FIGER.

FROID – FROIDEMENT

GLACER,

IMMOBILE

PARALYTIQUE

PERCLUS-2.

PÉTRIFIÉ – PÉTRIFIER

SAISIR

SOMNAMBULE

SURDITÉ

 

 

(ii) La vibration, l’ONDE est un signifiant majeur de l’émotion, qui se lit globalement sur tout le corps, localement sur les membres, les organes, et qui affecte leur fonctionnement.

  • tout le corps VIBRE

CONVULSIF, CONVULSION
Frémir, trembler comme une (la) FEUILLE
FRÉMISSEMENT
FRISSON, FRISSONNANT, FRISSONNEMENT, FRISSONNER
PANTELANT
SPASME, SPASMODIQUE, SPASMOPHILIE
TORDRE
TREMBLANT, TREMBLEMENT, TREMBLER
TRESSAILLANT, TRESSAILLEMENT, TRESSAILLIR
TRESSAUTEMENT, TRESSAUTER
VIBRANT, VIBRATION, VIBRER

 

 

  • les jambes, les genoux : FLAGEOLER – FLAGEOLANT – Genoux fléchissants, jambes fléchissantes
  • le cœur : BATTRE – PALPITER, PALPITANT, PALPITATION –- CHAMADE
  • les yeux : CILLER – CLIGNER. CLIGNÉ, CLIGNEMENT – CLIGNOTER.
  • la voix : BAFOUILLER – BÈGUE — BÊLEMENT
  • la respiration : HALETER, HALETANT, HALÈTEMENT – PANTELANT

 (iii) L’émotion affecte les organes internes :

cœur (voir supra) – ENTRAILLES – TRIPES1 – ESTOMAC

(iv) Les humeurs : la SUEUR, le SANG, les LARMES — et la BAVE

  • le SANG: SANG, SANGUIN – INJECTER3 (de sang) (avoir les sangs) TOURNÉS – VEINE (n’avoir plus une goutte-1 de sang dans les veines, sur le visage)
  • la SUEUR : SUER, SUEUR, SUÉE,
  • les LARMES : LARME, LARMOYANT – PLEURER – PLEUR, PLEURARD – EMBUÉ, EMBUER
  • la salive : BAVER – RAVALER sa salive
  • la peau : SUER, SUÉE, SUEUR – ANSÉRIN

 (v) Le VISAGE s’ ALTÈRE et se COLORE

VISAGE – DÉCOMPOSER – DÉFAIRE – ALTÉRER1, ALTÉRATION ALTÉRÉ – MIMIQUE – MASQUE1

(v) Les couleurs

Les couleurs teintent l’émotion (colère noire), la perception (voir rouge), et surtout le visage. Émotion impacte le verbe COLORER, le BLEU le VERT et le ROUGE sous toutes diverses nuances :

(piquer un) FARD
BLEU
CERISE
COLORER
ENLUMINER, ENLUMINURE
INCARNAT
PIVOINE
POURPRE-1, POURPRE-2
ROUGE, ROUGEUR, , ROUGIR, ROUGISSANT
VERMEIL
VERT, VERDEUR

(vi) Les yeux, le regard, la vue

(avoir l’œil) sec
AGRANDIR
BRILLER
BRILLER
CILLER
CLIGNÉ, CLIGNEMENT, CLIGNER.
DANSER
DÉSERT (adj.)
EMBUÉ, EMBUER
HUMECTER
LARME, LARMOYANT
LUEUR
LUMIÈRE
MOUILLÉ (vs SEC)
PÉTILLER
PLEUR, PLEURARD, PLEURER
SOURCILLER
SOURCILLER1

(vii) Le cou, la gorge : ÉTRANGLEMENT, STRANGULATION, STRANGULER – NOEUD – gorge SERRÉE – boule dans la gorge, dans l’estomac

(viii) La respiration, le souffle : HALETER, HALETANT, HALÈTEMENT – SUFFOQUER, SUFFOCANT – PANTELANT – SOUPIR – SOUFFLE – HOQUET

(ix) La VOIX, les organes de la PAROLE, le RIRE1

L’émotion est signifiée par la VOIX, qui est ALTÉRÉE ; le langage va vers le CRI ou s’éclipse :

VOIX – PARLER1, PAROLE – EXPRESSION – RIRE1

ALTÉRER1, ALTÉRATION1, ALTÉRÉ – BAFOUILLER – BÈGUE – BÊLEMENT –ACCENT

CRIER, ÉCRIER (S’), CRI – EXCLAMATION – INTERJECTION – MUET

 

7. Autres dimensions : excitation, norme et contrôle de l’expressivité

 

(i) EXCITABLE : la dimension de l’excitation, de la tension, des hautes et basses l’intensité

La haute intensité est abondamment marquée sur les impacts relevant des paramètres de la signification corporelle et du comportement de y (CRI — HYSTÉRIE – AFFOLÉ – EXALTÉ — EFFERVESCENCE) ou sur la situation (DRAMATIQUE — insoutenable)

[ÉMOTION*] impacte une série de termes polaires, exprimant une variation d’intensité, notamment sur l’échelle du CHAUD / FROID :

CHALEUR, CHAUD, (s’échauffer dans (sous) son) HARNOIS – FIÈVRE

FROID, FROIDEMENT – GLACER – TRANSI

 

(ii) EXPRESSIF, EXPRESSION, EXPRIMER : Norme et contrôle

La FMS EXPRESSIF, EXPRESSION, EXPRIMER, est liée à une norme de contrôle de l’expression émotionnelle, que y peut transgresser par défaut ou par excès. On peut considérer que l’opposition Émotif « B. Qui est apte, prédisposé à éprouver des émotions » /vs/ inÉmotif « Qui n’est pas émotif » représente les deux pôles de cette échelle.[11] L’impact INCONTINENT est du côté de l’excès ; le côté de la rétention est beaucoup plus fourni :

 

BLASER

CALLIGRAPHIER

CARTÉSIANISME

CASSER

DUR

FLEGMATIQUE

IMPASSIBILITÉ, IMPASSIBLE

IMPERMÉABLE

INAFFECTÉ

INFLEXIBILITÉ

INSENSIBILISER, INSENSIBILITÉ, INSENSIBLE

INTELLECTUALISATION

MINIMAL

RAISONNER-1

RETENIR

 

 

(iii) Deux comportements sont orientés vers les émotions positives :
DANSER — RÊVEUR

 

(iv)  REVENIR : Forme de l’épisode

L’épisode émotionnel est ouvert par un CHOC ; l’impact REVENIR « retrouver ses esprits » signale la clôture de cet épisode. BAROMÈTRE caractérise l’émotion comme une « variation » ; REVIVISCENCE note l’épisode comme répétitif.

 

9. Conclusions

La méthode des impacts permet de quantifier le rayonnement lexicographique d’un mot et dans sa famille lexicale. Nous avons évalué le nombre d’impacts de [ÉMOTION*]  à 286 familles, réunissant environ 800 termes ou acceptions. Les regroupements proposés situent les mots impactés en relation avec les deux pôles de l’expérience émotionnelles, l’expérienceur et la situation ; une famille de signifiants corporels émerge de façon assez spectaculaire. D’une façon générale, la quantité et la cohérence des marériaux recueillis par cette méthode semblent tout de même intéressantes.

Comme nous l’avons déjà mentionné plusieurs fois, la liste des termes directement impactés par émotion n’est qu’un premier pas vers la constitution d’un lexique autorisant le repérage des points d’émotion et permettant ce contrôler le balisage émotionnel, manuel ou automatique, des discours, textes et interactions.

Ces mots peuvent tous être dits “termes d’émotion”, non pas au sens où tous désigneraient des entités psychiques de base ou dérivées, mais bien au sens où tous ces termes disent quelque chose sur la représentation langagière de l’émotion. Ils sont les pivots du “discours lexical sur l’émotion”, qui est loin de se borner à la désignation directe d’une combinatoire d’entités psychiques élémentaires. Ce discours, relativement structurable, constitue les bases d’une théorie de l’émotion construite par la langue et la culture au cours des siècles, et qui est maintenant donnée dans la sémantique du langage. C’est ce qui constitue notre savoir partagé sur l’émotion. Il s’ensuit qu’il est possible d’utiliser cette méthode pour la comparaison interlangue et interculturelle de l’émotion.

 

Références

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Fetterman Adam K., Robinson Michael D., Gordon Robert D., Eliot Andrew J. 2010. Anger as seeing red. Perceptual sources of evidence. Social Psychological and Personality Science. doi: 10.1177/1948550610390051

Gross Maurice 1975. Méthodes en Syntaxe. Régime des constructions complétives. Paris, Hermann, 1975

Gross, M. (1995): “Une grammaire locale de l’expression des sentiments”. Langue Française 105. 70-87.

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Novakova Iva, Tutin Agnès 2009. Le lexique des émotions. Grenoble, Ellug.

Plantin Christian 2012 Les séquences discursives émotionnées : Définition et application à des données tirées de la base CLAPI”. 
3e Congrès Mondial de Linguistique Française, Lyon. Section Discours, Pragmatique et Interaction, L. Rosier (Prés.), J. Bres (coord.) http://dx.doi.org/10.1051/shsconf/20120100218

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Plantin Christian 2015. “Paura, emozione, passione, sentimento : étude de la contagion émotionnelle d’après le Dizionario Combinatorio ItalnedLe Langage et l’Homme, vol. L, n° 2. 43-58.

Plantin Christian 2015. Emotion and Affect. In Tracy, Karen, Ilie, Cornelia & Sandel, Todd (eds.) (2015). The International Encyclopedia of Language and Social Interaction. Boston: John Wiley & Sons.

Ruwet Nicolas 1972.Théorie syntaxique et syntaxe du français, Paris, Éditions du Seuil.

Ruwet, Nicolas 1995. “Etre ou ne pas être un verbe de sentiment”, Langue française 103. 45-55.

Tutin Agnès, Novakova Iva, Grossman Francis, Cavalla Cristelle. 2006 Esquisse de typologie des noms d’affect à partir de leurs propriétés combinatoires. Langue française, 150, 2. 32-49.

Ungerer Friedrich 1997. “Emotions and emotional language in English and German news stories”, in Niemeyer Susanne, Dirven René (eds) (1997). The language of emotion. Amsterdam, John Benjamins. 307-328.

 

Annexe : Les 408 impacts de émotion

Résumé

Christian PLANTIN, La dissémination de émotion dans le lexique

Cette étude porte sur les occurrences du mot émotion (et de ses dérivés) dans les définitions du TLFi. On définit d’abord les notions de terme impactant, de terme impacté et de domaine lexicographique d’un mot (§1). On établit ensuite le domaine lexicographique de la famille du mot émotion ; après toilettage, il réunit 408 mots ou acceptions (800 environ si l’on complète les 286 familles morpho-lexicales sémantiquement homogènes impactées). Chacun de ces termes peut être dit à la lettre “terme d’émotion”, et représente une donnée pertinente pour l’étude de l’émotion dans la langue et le discours (textes et interactions).

On propose ensuite quelques regroupements exploitant les notions d’énoncé d’émotion, de situation émotionnelle, d’expérienceur, et d’allocateur (§3) selon que (1) l’émotion est attachée à l’expérienceur (§4) ; (2) l’émotion définit la situation de façon a/ essentielle ou b/ défaisable (§5) ; (3) l’émotion est signifiée par une  performance sémiotique de l’expérienceur (§6). Dans les cas (2b) et (3) les énoncés d’émotion sont donnés ; dans les cas (2b) et (3), ils doivent être reconstruits par un processus inférenciel. Le § 7 porte sur les dimensions de l’excitation et du contrôle de l’expressivité.

 

Christian Plantin The dissemination of emotion in the lexicon

This study is about the use of the French word émotion in the definition of a dictionnary, the Trésor de la langue Française informatisé. The concepts of “impacting” term,“impacted” term and “lexicographical domain” of a word are defined (§1). The 408 words constituting the lexicographical domain of émotion  are listed (§2). Each of these terms (or acceptions) is litterally an “emotion term”, a relevant data for the study of emotion in language, texts and interactions.

Some clusters grouping impacted terms are tentatively proposed according to the following parameters (1) emotion is attached to the experiencer (§4) ; (2) emotion defines the situation as a/ an essential feature or b/ as a default emotion (§5) ; (3) emotion is signified through the experiencer’s body in a semiotic communicative process. In cases (1) and (2a) emotion sentences are given; in cases the (2b) and (3) they have to be reconstructed through an inference process. §7 deals with the question of intensity and control.

 

Bio-blurb

Christian Plantin, ancien Directeur de Recherche au CNRS (section 34, Sciences du langage), est maintenant Professeur Émérite à l’Université Lyon 2. Il est membre et ancien directeur de l’UMR ICAR http://icar.univ-lyon2.fr). Ses recherches portent sur l’argumentation et sur les émotions dans la langue et la parole.

Il a récemment publié Les bonnes raisons des émotions. Principes et méthodes pour l’étude du discours émotionné. Berne, Peter Lang, 2011. (Traduit en espagnol)

Á paraître, Dictionnaire de l’argumentation — Une introduction conceptuelle aux études d’argumentation. Lyon, ENS Éditions.

Autres informations, textes disponibles : http://icar.univ-lyon2.fr/Membres/cplantin/Index.htm

 

Mots clés

Émotion, dictionnaire, inférence émotionnelle, terme d’émotion, énoncé d’émotion, expérienceur, allocataire, situation émotionnelle

 

[1] Pour éviter des notations cabalistiques de racines ou de bases lexicales, les FMS seront notées par le mot complet le plus impactant, accompagné d’une astérisque < * >.

[2] http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/showp.exe?3;s=1504105515;p=assiste.htm

[3] Pour des raisons de commodité typographique, les démarcations du TLFi ont été remplacées par des chevrons ouvrants et fermant pour indiquer le segment de la définition où émotion a été détecté par la recherche automatique.

[4] Style est impacté non pas dans sa définition mais dans un exemple.

[5] Dans la suite de cet article, les mots provenant de la liste d’impacts sont en capitales, et les mots non impactés mais appartenant à la FMS d’un mot impacté seront notés en caractères ordinaires, si nécessaire.

[6] On trouvera les définitions qui, à notre sens, demandent des éclaircissements, sous forme de “Bonus” associé à cet article, à l’adresse http://icar.univ-lyon2.fr/Membres/cplantin/.

[7] Dans ces listes, les minuscules indiquent que le terme n’a pas d’entrée propre.

[8] La famille de humeur n’est pas impactée par [ÉMOTION*]

[9] Les chevrons sont utilisés ici pour délimiter l’expression.

[10] Les deux approches ne sont peut-être pas incompatibles.

[11] L’impact PERMÉABILITÉ exprime la même chose dans un langage technique de la psychologie PERMÉABILITÉ « (c) PSYCHOL. Perméabilité du moi. < Aptitude plus ou moins grande à changer d’humeur, d’émotion, de comportement > (d’apr. CARDON-MERMET 1982). Synon. labilité. »