Consensus, Arg. du —

CONSENSUS

Il y a consensus à l’intérieur d’un groupe lorsque tous ses membres sont d’accord sur la décision à prendre. L’argument du consensus est avancé précisément quand il n’y a pas consensus ou quand le consensus est menacé ; sinon, on doit se contenter de l’autorité du grand nombre. On réfute le consensus par la valorisation de l’opinon personnelle

1. Positions du consensus en argumentation

— Consensus opposé au dissensus, V. Accord ; Désaccord argumentatif ; Dissensus
— Consensus comme accord posé, V. Accord.
— Consensus comme accord visé, V. Persuasion
— Argument du consensus, cette entrée.

2. Consensus

Consensus est emprunté au latin consensus “accord »; consentement est emprunté au latin via consentir du lat. consentire “être d’accord avec”, “être d’un même sentiment”.

Comme le consensus, le consentement concerne un groupe de partenaires devant prendre une décision. Le consensus demande un accord positif à l’unanimité, mais l’abstention est parfois possible. Le consentement demande que personne ne se déclare contre. Le consentement peut concerner deux personnes privées (mariage)/

L’argument du consensus est une forme d’argument d’autorité sur ce qu’il convient de croire ou de faire ou comment on doit se comporter. Dans certaines sociétés occidentales, l’argument du consensus partage son destin avec celui l’argument d’autorité, au point qu’on lui refuse toute valeur. Dans d’autres sociétés, le consensus est le ciment social. Le consensus est également invoqué lorsqu’il devient nécessaire de donner un masque décent à la répression et à la privation de liberté.

2.1 Argument du consensus

Il a la forme générale :

On a toujours pensé, désiré, fait… comme ça (ici). Donc achetez (désirez, faites…) comme ça.
Tout le monde (ici) aime le produit Untel. Il est étrange que vous n’en consommiez pas ?

L’étiquette “argument du consensus” couvre une famille d’arguments qui fondent l’acceptabilité d’une conclusion sur le fait qu’il y a accord sur le sujet.
Invoqué de façon informelle, l’argument du consensus permet de rejeter sans examen les voix dissidentes. Il est lié à l’argument de la tranquillité.

Les dimensions du groupe où le consensus est supposé régner varient depuis un petit groupe de discutants jusqu’à inclure tous les humains de tous les temps.
La proposition faisant prétendument l’objet d’un consensus est présentée comme in-discutable dans ce groupe, il s’ensuit qu’en s’y opposant, le contradicteur s’exclut de cette communauté. Il se trouve ainsi récusé sans qu’il soit besoin de prendre la peine de les réfuter.

2.2 Arguments frayant la voie au consensus

— Argument du grand nombre

Lat. arg. ad numerum ; de numerus, “nombre”

L’argument du (plus) grand nombre tend vers l’argument du consensus.

La majorité / beaucoup de gens … pensent, désirent, font… X.
Trois millions d’Américains l’ont déjà adopté !
Mon livre s’est mieux vendu que le tien.
C’est un acteur très connu.

— Argument du sens commun

Le sens commun est l’âme du consensus, la faculté mystérieuse qui a le don de rendre les opinions et les actes du plus grand nombre raisonnablement raisonnable et de légitimer les affirmations qui n’ont aucune autre source de légitimité.
L’argument du consensus se fond avec celui de l’autorité généreusement accordée à la sagesse traditionnelle, au bon sens ou au sens commun, V. Autorité ; Fond.

Je sais que les Français m’approuvent.
Seuls les extrêmes m’attaquent, tous les gens de bon sens sont d’accord avec moi.

— Contre le suivisme : Bandwagon fallacy

L’argument du grand nombre est un appel à l’imitation, poussant la personne à s’intégrer à un groupe où elle trouve son modèle d’action.
L’imitation est condamnée comme du suivisme dans l’expression métaphorique anglaise bandwagon fallacy. Le bandwagon est littéralement le wagon décoré qui promène l’orchestre à travers la ville, et que tout le monde suit avec enthousiasme. Suivre ou monter dans le bandwagon, c’est prendre le train en marche, suivre le mouvement, se joindre à une “émotion” populaire, au sens étymologique du terme.

L’imitation a ses vertus ; lorsqu’on ne sait pas ce qu’il faut faire, regarder ce que font les autres et choisir de suivre leur exemple peut être une sage décision. C’est ce qu’on fait quand on veut escalader un sommet qu’on ne connaît pas, et qu’on décide de suivre une autre cordée qui a l’air de savoir par où il faut passer. Néanmoins, faire quelque chose parce que tout le monde le fait est une manifestation d’un instinct grégaire, manifestant un renoncement à la réflexion et au choix personnel ; cette fallacie est également associée à l’argument “populiste” ad populum.

L’argument “tout le monde fait comme ça” est au mieux un argument périphérique, auquel on peut avoir recours par défaut. L’argument de la tranquillité pousse au suivisme, comme le dit l’adage déprimant “mieux vaut avoir tort avec tout le monde qu’avoir raison tout seul”, du moins pendant un certain temps, comme l’apprennent à leur détriment les moutons de Panurge.

3. Réfutation du consensus: Arguments du petit nombre, du sentiment personnel et du chemin solitaire

L’argument du petit nombre valorise ce que rejette l’argument du grand nombre : recherche de la distinction , volonté de faire partie des élites, de la minorité agissante, etc. V. Richesse et pauvreté ; Valeur.
Le petit groupe peut se réduire à l’individu, qui accepte d’aller seul contre tous, ou désire manifester la force de son sentiment personnel.