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Intentions
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Acknowledgments / Remerciements
Je dédie ce travail au Pofesseur Shier Ju, Institute of Logic and Cognition, qui m’a invité, en 2019, à donner un séminaire à l’Institut de Logique et Cognition, Université Sun Yat Sen, Guangzhou. Au cours de ce séminaire, j’ai pu constater que les collègues chinois n’avaient aucun problème pour analyser en anglais des données chinoises traduites, et, bien qu’illiteratus, j’ai été tenté de faire de même.
Je dédie également ce travail à l’étudiant anonyme qui, il y a maintenant pas mal d’années, a fait circuler dans la communauté des argumentation studies, une question très intéressante : y a-t-il une alternative au schéma de l’argumentation de Toulmin?
Il se peut que certains étudiants aient des difficultés avec les fondamentaux de leur cours d’argumentation, et prennent le modèle de Toulmin comme symbole de leur malaise. Mais la question exprime aussi une aspiration à un “au-delà” théorique, bien capté par une réponse, qui lui suggère, sans donner plus de détails, que les Chinois auraient pu pratiquer et élaborer quelque conceptualisation propre de l’argumentation.
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Notre objectif est de proposer une collection de passages argumentatifs
pris dans des textes classiques chinois traduits.
Cette collection de cas est proposées par un illiteratus en langue et culture chinoise à d’autres illiterati qui, comme lui, n’en sont pas moins désireux de voir ce que disent et deviennent les visions occidentales de l’argumentation rhétorique loin de leur habitat natif occidental.
Ces passages sont choisis d’abord pour leur grand intérêt.
En pratique, cette collection est proposée en regard des exemples et des cas très majoritairement occidentaux qui figurent dans le Dictionnaire de l’Argumentation.
Ils sont également.
De même, ces passagees sont lus et positionnésen fonction des concepts proposés dans ce Dictionnaire. Nous signalons systématiquement les entrées concernées, notamment pas les liens établis avec ces entrées.
Cela ne signifie pas que ce rapprochement“épuise” leurs contenus, pas plus que le topos n’épuise le contenu de l’entthymème qui le traduit en langage ordinaire. Il sélectionne des principes de liaison qui sont à l’œuvre dans ce passage.
Ces suggestions d’analyse portent exclusivement sur la traduction, considérée comme un texte structuré, faisant sens dans la langue cible.
Il s’agit d’un travail en cours : Certaines fiches notent simplement le passage concerné.
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Des cultures de l’argumentation
Selon moi, les théories occidentales n’ont pas épuisé leurs capacités à éclairer leurs champs de données traditionnels, et ces données elles-mêmes, en constante évolution, continuent d’apporter de nouveaux défis théoriques.
Il faut d’abord prendre acte du fait que, sous l’action vigoureuse et persévérante de Frans van Eemeren et Rob Grootendorst, les études d’argumentation occidentales se sont mondialisées. Dans tous les colloques et toutes les revues, se côtoient les données de toutes origines et les approches théoriques les plus diverses.
Il reste qu’il y a dans notre monde des discours mondialisés enracinés dans leurs propres histoires et cultures, développant leurs propres concepts de bonne raison comme de bonne vie.
Nous sommes habitués à penser l’argumentation et à argumenter dans notre zone de confort, même si nous savons très bien que la culture occidentale ne peut être définie comme « la » culture de la rhétorique et de l’argumentation, mais seulement comme « l’une » de ces cultures. Amartya Sen nous a présenté The Argumentative Indian (2005), on peut aussi parler de l’argumentation musulmane [1] ou de l’argumentation chinoise, sans oublier l’argumentation inuit [2].
Mon souhait serait de contribuer à l’invention d’une autre façon de présenter et de penser notre domaine, qui ne soit pas uniquement fondée sur ce qu’ont dit nos grands ancêtres grecs et latins.
Petites et grandes Babel
On se heurte immédiatement au problème de Babel, mais l’Occident est aussi un petit Babel synchronique et diachronique. Certains spécialistes de l’argumentation qui ne sont pas des spécialistes des langues grecques et latines accèdent couramment à la littérature grecque et latine par le biais de textes traduits ; pourquoi ne ferions-nous pas de même avec les textes chinois ? Mais le concept occidental d’argumentation a été façonné par des millénaires de cultures latine et grecque, pas par des millénaires de culture chinoise.
Quoi qu’il en soit, prenons le risque, puisque la culture chinoise est une «culture of reasoning»
[…] An infinitely rich and varied textual record attests [that] argumentation, persuasion and contention were key elements in a wide array of activities central to the concerns of state and society in China throughout its history.
Hofmann, Kurtz & Levine (2020), Toward a history of Argumentative practice in Late Imperial China.
Hofmann M., J. Kurtz & A. D. Levine (2020), Powerful Arguments — Standards of Validity in Late Imperial China. Leiden, Brill.
Il est relativement facile de trouver des passages de textes classiques chinois traduits qui correspondent à ce que la tradition occidentale considère comme des faits et à des structures argumentatives bien connues, y compris des schémas d’argumentation parmi les plus courants. Par exemple, on rencontre des épisodes de discours en contradiction, amien corçant des situations argumentatives, ainsi que des schèmes considérés comme des formes classiques d’argumentation, par exemple des argumentations a fortiori ou par les termes opposés, sans parler de l’usage de l’analogie ou de l’exemple. Nous commencerons par la présentation de tels passages.
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[1] J’ai tenté de faire une présentation de l’argumentation théologico-juridique dans le monde musulman à l’aide du grand livre de Khallâf Les fondements du droit musulman, (1942), qui peut être mis sur le même plan que le Traité d’argumentation (1958) de Perelman et Olbrechts-Tyteca ; voir Plantin 2005, chap. 7.)
[2] Plantin & Tersis 2021.