A priori, a posteriori

  • Lat. prior, “supérieur, antérieur, plus ancien, meilleur, premier” ; posterior, “inférieur, qui vient derrière, plus tard ; second”.

1. A priori, a posteriori

Dans le langage courant, a priori équivaut à “à première vue, avant toute analyse approfondie, dans le cas général”, V. Raisonnement par défaut. A posteriori situe la réflexion “après avoir mûrement réfléchi, après coup”.
En philosophie, la discussion de l’a priori / a posteriori est liée à celle du nécessaire et du contingent, et de l’analytique et du synthétique.
La différence a priori a posteriori est d’ordre épistémologique. La connaissance a posteriori est une connaissance concrète, construite à partir des données extraites du monde par l’observation et la pratique. Elle s’oppose à la connaissance purement intellectuelle a priori, qui ne nécessite pas d’autre connaissance que celle du langage, peut-être elle-même appuyée sur une intuition des essences.

1. Argumentation a posteriori

L’argumentation a posteriori part de données d’expérience et remonte à leur cause, à leur origine ou à leur essence, et elle va de ces données à leur origine ou à leur cause, V. Conséquence. Les argumentations fondées sur l’exploitation d’un indice, d’un exemple, sont des cas d’argumentation a posteriori, ainsi que l’abduction, qui rattache les données à une explication théorique capable d’en rendre compte.

2. Argumentation a priori

À la différence de l’argumentation a posteriori, l’argumentation a priori s’effectue hors de toute considération de l’existant ; elle part de l’Idée platonicienne, de ce qui est premier, profond, supérieur, essentiel, pour en déduire les conséquences.

Rousseau, au moment de s’interroger sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes, marque la distinction entre ce que serait une recherche d’ordre historique (a posteriori) et ses propres réflexions a priori :
Commençons donc par écarter tous les faits, car ils ne touchent point à la question. Il ne faut pas prendre les Recherches, dans lesquelles on peut entrer sur ce sujet, pour des vérités historiques, mais seulement pour des raisonnements hypothétiques et conditionnels ; plus propres à éclairer la nature des choses qu’à montrer la véritable origine, et semblables à ceux que font tous les jours nos Physiciens sur la formation du monde.
Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes [1755][1]

L’argumentation a priori prend appui sur des fondements de différentes natures.

— La cause  est considérée comme première (conditionnante) par rapport à l’effet, qui est second (conditionné) ; l’argumentation a priori correspond alors à l’argumentation de la cause à l’effet.
— Les traits essentiels, qui définissent l’être ou l’objet, sont premiers par rapport aux traits accidentels qui les affectent et sont considérés comme seconds. L’argumentation a priori correspond à diverses formes de déductions qui partent de principes, de définitions langagières, d’axiomes pour en dérouler les conséquences.

L’argumentation essentialiste a priori part de la définition d’un concept pour en tirer analytiquement les conséquences ; elle correspond à l’argumentation par la définition essentialiste. On considère qu’une telle définition exprime l’essence de la chose sur laquelle on raisonne, et que l’esprit humain a la capacité d’entrer en contact avec (d’appréhender) cette essence. L’argumentation a priori, fruit d’une contemplation pure, part d’une connaissance a priori substantielle des essences et progresse en passant d’une évidence intellectuelle à l’autre, la déduction restant dans le domaine de l’a priori. Dans une vision platonicienne, la contemplation ordonnée des essences définit la connaissance suprême, et l’argumentation a priori, qui porte “sur l’être des choses”, est la forme d’argumentation la plus valorisée.

2. Argumentations ptopter quid et quia

    • Propter quid, “à cause de quoi” ; quia, “parce que”.

2.1 Propter quid

L’argumentation par la cause est parfois désignée en latin comme argumentation propter quid, “à cause de quoi”. Elle a le caractère d’une argumentation a priori. L’argumentation propter quid descend de la cause et en dérive des effets. Si la cause est assimilée à l’essence, alors l’argumentation propter quid correspond à l’argumentation a priori, par la définition.

2.2 Quia

L’argumentation par les conséquences est parfois désignée en latin comme argumentation quia, “parce que”. Elle remonte des effets aux causes, et correspond à l’argumentation a posteriori.
La preuve quia est première par rapport à nous, alors que la preuve propter quid est première dans l’absolu.

2.3 Deux types de parce que

Cette distinction correspond à la différence entre deux usages de parce que.
Parce que de cause à effet, ou parce quepropter quid :

— Pourquoi la pelouse est-elle mouillée ?
— (Elle est mouillée) parce qu’il a plu.

Parce que de l’effet à la cause, ou parce quequia :

Il pleut, parce que la pelouse est mouillée
*Pourquoi pleut-il ? — Parce que la pelouse est mouillée

— Pourquoi dis-tu (qu’est-ce qui te permet de dire) qu’il pleut ?
— Parce que la pelouse est mouillée.

2.3 Deux types de preuves de l’existence de Dieu

La distinction quia / propter quid est proposée par Thomas d’Aquin à propos de deux modes possibles de démonstration de l’existence de Dieu (ST, 1e Partie, Question 2, 2 ; Com. NE, 4, §51).
— La preuve propter quid correspond à la preuve ontologique de l’existence de Dieu. Elle consiste à définir Dieu comme un être infiniment parfait, pour en déduire qu’il existe nécessairement, cette conclusion étant, comme le dit Saint Anselme, le fruit « d’un silencieux raisonnement avec [soi]-même » (Anselme, Pros., p. 3).

— La preuve quia prouve l’existence de Dieu par la perfection du monde. Dieu est défini comme un être infiniment parfait et la perfection implique l’existence ; un être qui n’existe pas ne saurait être parfait.
Cette thèse est présentée par Voltaire sous la forme d’une analogie classique :

L’univers m’embarrasse, et je ne puis songer
Que cette horloge existe et n’ait point d’horloger.
Voltaire, Les Cabales, Œuvre pacifique, Londres, [1772], p. 9.


 [1] In Œuvres complètes, t. III, édition de B. Gagnebin et M. Raymond, Paris, Gallimard (La Pléiade), 1964, p. 132-133. (Ponctuation originelle.)