Proportion – Rapport

Lat. proportio, “rapport ; analogie” ; traduit le grec analogia [ἀναλογία], “1. Proportion mathématique 2. Correspondance, analogie” (Bailly ἀναλογία)

1. Analogie de proportion

La notion de proportion est définie comme une analogie portant non pas entre des individus mais sur des relations entre deux rapports, V. Analogie catégorielle; Analogie structurelle.

Un rapport est une relation entre deux termes a/b, c/d/ e/f, 3/5, 2/3, 3/4… L’analogie de proportion met donc en jeu au moins quatre termes. Elle est notée :

 a/b ~ c/d
2/3 = 14/21

— En arithmétique, la proportion correspond à l’équation du premier degré à une inconnue,  équation qui formalise la “règle de trois” :

a/b = x/c d’où ac = bx et x = ac/b
— Trois œufs coûtent 1,2€, combien coûtent quatre œufs ?
— Quatre œufs coûtent 1€60, puisque trois œufs coûtent 1€20

— En géométrie, on parle de similitude. Deux figures semblables sont de même forme et de dimensions différentes. Deux triangles semblables ont leurs angles égaux et leurs côtés proportionnels.

— D’une façon générale, l’analogie de proportion affirme que deux couples d’êtres sont liés par le même genre de relation :

écaille : poisson      =       plume : oiseau
gant : main              =       chaussure : pied
chef : groupe           =       pilote : navire
vieillesse : vie          =       soir : jour

L’argumentation exploite l’analogie de proportion, par des mécanismes de parallélismes :

(Puisque) à tout navire il faut un pilote, à tout groupe il faut un chef !

Le processus de compréhension est le même pour l’arithmétiques et pour l’argumentation parlée. Le raisonnement par lequel la valeur de x est extraite mathématiquement de la proportion arithmétique est le même que celui qui extrait la nécessité d’un chef de l’analogie de proportion pilote : navire = chef : groupe.

Destruction de l’argumentation par analogie proportionnelle

La forme de base “Un A sans B, c’est comme un X sans Y” peut être utilisée pour détruire un discours qui argumente sur cette analogie de proportion :

L1 — Un groupe sans chef, c’est comme un pilote sans navire
L2 — Oui, et une femme sans homme, c’est comme un poisson sans bicyclette ( MLF).

2. Mesure proportionnée

L’idée de mesure proportionnée se retrouve sous deux étiquettes latines :
— Arg. ad modum, de modus “mesure”
— Arg. ad temperentiam, de temperentia, “juste mesure, juste proportion”.
Ang. arg. of gradualism

L’argument de la mesure proportionnée justifie une disposition en affirmant qu’elle est raisonnable, bien dosée, et qu’elle peut s’adapter aux évolutions de son objet.
Une justice qui ne serait pas proportionnée (proportionnelle) appliquerait la même peine à tous les coupables.

L’argument de la proportionnalité est invoqué a contrario dans le communiqué récurrent :

(L’association, le syndicat, le gouvernement…) X condamne l’usage disproportionné de la force.

Cet argument suppose qu’il existe une norme de la répression :

Manifestation de protestation standard : Répression standard

et que cette norme s’applique sur une échelle :

plus / moins la manifestation met en danger la sécurité de l’état, plus / moins on doit s’attendre à une répression vigoureuse.

Soit une situation de troubles, décrite comme l’œuvre de quelques factieux isolés. Selon le principe de proportionnalité de la répression, on s’attend à ce que les mesures de répression ordinaires soient suffisantes :

manifestation peu dangereuse : répression légère

Or les autorités décident d’organiser une grande exhibition militaire pour impressionner l’adversaire et rassurer les populations. L’argument de la mesure proportionnée permet des calculs qui mettent en échec cette stratégie psychologique :

La force étalée, loin de minimiser l’ennemi, le grandissait.
Pierre Miquel, La guerre d’Algérie, 1993[1]

La conclusion est fondée sur le topos : “on ne tire pas au canon contre des mouches” ; si on avait réellement affaire à quelques excités isolés, on ne positionnerait pas les chars devant les immeubles officiels. C’est donc qu’il s’agit d’un vrai soulèvement populaire.

On retrouve ce paradoxe dans le cas d’une réfutation forte d’une position déclarée faible, V. Paradoxes.

La mesure proportionnée est une forme d’argument sur la mesure juste, qui peut également être définie comme la mesure intermédiaire V. Juste milieu.


[1] Paris, Fayard, p. 190.