OBJECTION
Le proposant mentionne les réfutations de l’opposant comme des objections, c’est-à-dire comme des réfutations polies et faibles. La réfutation est agonistique, alors que l’objection est coopérative.
Comme la réfutation, l’objection est un tour de parole réactif, non préféré. Objecter c’est présenter un argument n’allant pas dans le sens de la conclusion de l’interlocuteur, par exemple en soulignant une conséquence négative de ses propositions :
L1 : — C’est donc là que nous devons construire la nouvelle école.
L2 : — Mais si on construit la nouvelle école sur cet emplacement, les élèves auront des déplacements beaucoup plus longs…
Du point de vue de son contenu, l’objection peut être considérée comme une réfutation poliment adoucie, dont le contenu possède en fait toute la force d’une réfutation. Le choix de présenter un contre-argument comme une réfutation ou une objection serait le prix modique que la logique accepte de payer à la politesse.
On peut aussi considérer l’objection comme l’expression d’un contre-argument plutôt faible ou négligeable, donc facile à éliminer. Réfuter, c’est abattre, alors qu’objecter, c’est seulement faire obstacle.
Mais cette contre-argumentation par les conséquences négatives aurait aussi bien pu être avancée comme une réfutation :
L3 : — C’est inadmissible. Vous rallongez encore le temps de trajet des élèves. Les classes commencent à 8 h, et certains élèves ont déjà plus de 45 min de transport.
J’appelle à voter contre votre (= L1) proposition.
Objection ou réfutation, la contre-argumentation est traitée comme une objection par le proposant :
L1 : — Je comprends votre objection. Nous devrons en effet/probablement créer une nouvelle ligne de bus, mais je maintiens que c’est bien là que doit être construite la nouvelle école.
De même, dans une prolepse faisant allusion à un possible contre-discours, le locuteur désigne ce contre-discours non pas comme une réfutation, mais comme une objection :
De même, dans une prolepse faisant allusion à un possible contre-discours, le locuteur désigne ce contre-discours non pas comme une réfutation, mais comme une objection
P On pourrait objecter queX mais R alors, P |
P = Proposition, affirmattion X= discours antiorienté à M R = réponse à l’objectionX, concession – réfutation Reprise de la proposition |
L’éthos et les états émotionnels affichés lors de ces deux opérations ne sont pas les mêmes : À la réfutation et à la réplique sont associées agressivité et fermeture ; à l’objection, esprit de mesure, dialogue et ouverture.
Objection et réfutation ont essentiellement des statuts interactionnels différents. La réfutation est agonistique, et prétend clore le débat sans qu’il soit même besoin d’écouter la réponse. L’objection est coopérative, le contre-argument est présenté comme en quête de réponse. Elle se situe dans la problématique de l’autre discours, admis comme hypothèse de travail.