SERMENT
1. Promesse
La promesse est une obligation librement contractée de faire quelque chose dans le futur.
Dans le langage ordinaire, la promesse est un simple renforcement du dire ;
Je viendrai => il m’a dit qu’il viendrait
Je te promets de venir => il m’a promis de venir.
SLa promesse reçue est une bonne raison pour l’interlocuteur de croire en sa réalisation (Walton, V. Typologie Contemporaines).
Si Pierre a dit / promis à Paul de passer vers 8 h, alors a l’obligation “d’y aller”. Cette obligation constitue à elle seule une bonne raison ; “On a promis d’y aller, on y va”.
Si Pierre a dit / promis à Paul de passer vers 8h, alors Paul a une bonne raison de croire que Pierre passera vers 8h, d’attendre Paul vers 8h, etc.
La promesse correspond au serment dit promissoire. Le serment purgatoire porte sur le passé et permet de se disculper d’une accusation, même hors de tout cadre juridique : “j’ai pas fait ça, je te jure / je te promets que je l’ai pas fait”.
2. Serment dans la rhétorique ancienne
Le serment dont il est question dans la rhétorique ancienne est le serment judiciaire, V. Preuves “techniques” et “non techniques”.
Prêté dans les formes requises devant le tribunal, il appelle les puissances surnaturelles à garantir la vérité de ce qui est affirmé sous serment. Il a en conséquence la valeur d’une preuve absolue ou décisoire, devant emporter la décision. Le faux serment appelle la colère des Dieux.
Le serment décisoire certifie la vérité d’une déclaration, comme l’ordalie certifie l’innocence d’une personne :
À l’origine, le serment probatoire et décisoire ne se distingue pas de l’ordalie ou jugement de Dieu : l’ordalie est un serment en action ; le serment, une ordalie en parole. (Ibid., p. 762, col.2)
Le serment certifie la véridicité du témoignage, qui est réservé aux citoyens. Le mot témoignage lui-même contient peut-être une trace du serment qui le fonde. Témoignage vient du latin testĭmōnǐum. Le mot latin testis est donné par Gaffiot comme homonyme entre “1. Témoin ; 2. Testicule”. Un lien entre les deux sens est peut-être fourni par le fait que le serment validant le témoignage aurait été accompagné d’un geste du témoin sur ses testicules. La Genèse mentionne métonymiquement, un tel geste lors de la prestation de serment promissoire, mais sur la personne à qui on prête serment (ici, Abraham), non pas sur celle qui prête serment (ici, le serviteur) :
2 Abraham dit à son plus ancien serviteur, […] : « Mets ta main sous ma cuisse 3 et je vais te faire jurer au nom de l’Éternel, […] 9 Le serviteur mit sa main sous la cuisse de son seigneur Abraham et lui jura de se conformer à ces paroles. [1]
3. Serment, charge de la preuve et présomption d’innocence
Dans le droit ancien, toute la procédure judiciaire est sous le signe du serment. Le juge, les orateurs, les parties prêtent serment, les témoins sont liés par le serment prêté par leur partie :
Dans le droit primitif, le serment des parties et celui des témoins se confondent presque, parce que les témoins se déclarent toujours pour l’une ou l’autre partie. Ils ne déposent pas sur ce qu’ils savent ; ils manifestent leurs préférences. Ils le font ouvertement, solennellement. Parents ou amis, ce sont des partisans assermentés, des cojureurs. (Daremberg & Saglio, Jusjurandum, p. 765, col. 1)
Toutes les preuves apportées par la “technique rhétorique” sont développées sur ce fond de témoignages et de serments supposés constituer des preuves absolues et décider de l’issue du procès. Mais la force même du serment fait sa faiblesse : c’est un instrument trop puissant, que le droit a dû restreindre :
Les législateurs recherchèrent avec soin lequel des deux adversaires devait avoir un droit de préférence exclusive pour le serment ou, si on les faisait jurer tous les deux, lequel devait avoir un droit de priorité et être cru sur son serment. Le meilleur exemple de cette évolution est la loi de Gortyne. Le juge y doit juger d’après le serment de la partie dans des cas formellement déterminés lorsque la preuve ordinaire par témoignage est inapplicable ou insuffisante. Tantôt un seul des adversaires est obligé ou admis à prêter serment ; tantôt ils peuvent y être autorisés tous les deux, mais […] le plus souvent, le défendeur jure seul ou a l’avantage du serment privilégié. La règle, d’où l’on ne s’écarte que dans des circonstances spéciales, c’est encore la prestation du serment par le défendeur. (Ibid., p. 763, col. 1)
Le serment étant libératoire, chacune des parties serait sans doute heureuse de pouvoir prêter serment. Le juge doit donc arbitrer, c’est-à-dire déférer le serment, à la partie à laquelle il accorde de fait la possibilité de se disculper. En Grèce ancienne, le serment était déféré préférentiellement au défenseur, ce qui est une façon de lui accorder une présomption d’innocence, et de faire peser sur l’accusateur le poids de la charge de la preuve,
En déférant le serment au défenseur, le juge manifeste que l’accusateur n’a pas réussi à apporter la preuve incontestable de son accusation.
En pratique, le serment est déféré au défenseur pour suppléer à cette insuffisance des preuves apportées par l’accusateur. De décisoire, le serment devient simplement supplétoire.
Il s’ensuit que si la partie à qui le serment est déféré refuse de prêter serment, son refus sera considéré comme un aveu de culpabilité.
[1] Genèse 24, 2 et 24, 9, trad. Segond. https://saintebible.com/lsg/genesis/24.htm