Accident

Fallacie d’ACCIDENT

Un accident est une propriété d’un être qui ne change pas son essence, telle que l »exprime sa définition, c’est-à-dire qui ne concerne ni son genre ni sa différence qui le distingue positivement des autres espèces du même genre. Il y a fallacie d’accident quand on prend pour essentiel un trait accessoire. Cette confusion bloque l’application du syllogisme.
Dans l’ontologie aristotélicienne, l’opposition essence / accident correspond à celle qui existe entre traits centraux et traits périphériques ou contextuels servant à catégoriser des êtres.
Dans le discours quotidien, elle correspond à l’opposition entre l’important et l’accessoire. V. Fond ; Circonstances.

1. Fallacie d’accident

1.1 Le concept d’accident

En philosophie, l’accident s’oppose à l’essence. Un être est caractérisé par un ensemble de traits essentiels qui le définissent et déterminent sa place dans une classification scientifique : traits génériques exprimant son genre et différence caractérisant son espèce.
Une propriété accidentelle est une propriété qui n’affecte pas l’essence, telle qu’elle est décrite dans la définition. L’accident peut être une caractéristique permanente comme “avoir les yeux bleus” ou une caractéristique occasionnelle, susceptible de convenir et de cesser de convenir à des êtres appartenant à des genres très différents ; “être fatigué” peut sans doute se dire, au sens propre, de tous les vivants.
À la différence du prédicat générique “être un mammifère”, ou du prédicat différentiel “être doté de raison” qui sont vrai en permanence de tous les humains, le prédicat accidentelêtre fatigué” peut être vrai d’un humain à un certain moment et cesser de l’être à un autre, sans cesser pour autant d’être un animal. Une personne peut “avoir les yeux bleus” ou avoir les yeux noirs sans que cela ne change rien au fait qu’il est “un animal raisonnable”.

1.2 La fallacie de l’accident

La fallacie de l’accident est la première sur la liste aristotélicienne des fallacies indépendantes du discours, V. Fallacieux 3. Elle est due à une confusion entre propriété essentielle et propriété accidentelle.

— Du point de vue de la technique de la définition, le défaut correspondant à cette fallacie consiste à définir un être par un trait qui ne lui appartient qu’occasionnellement ; “être au milieu du chemin” n’est pas un trait susceptible de définir les mots chien ou pierre ; “faire la sieste” n’est pas un trait définitoire de “après-midi”, V. Raisonnement à deux termes.
On ne peut parler de fallacie d’accident qu’en référence à une classification reposant sur des définitions bien construites.

— Du point de vue du raisonnement, les relations entre propriétés essentielles (définitoires) s’expriment correctement par un raisonnement valide, comme le syllogisme suivant :

Socrate est un homme :            prédication vraie de l’espèce sur un individu,
L’homme est un mammifère :   prédication vraie du genre sur une de ses espèces,
Socrate est un mammifère :      prédication vraie du genre sur un individu particulier

En revanche la confusion d’une propriété accidentelle avec un genre conduit à une absurdité :

Socrate est grippé                   prédication vraie d’un accident sur un individu
La grippe est une maladie      prédication vraie du genre sur une de ses espèces
Socrate est une maladie         prédication fausse d’un genre sur un individu particulier.

2. “Essentiel” vs. “Accessoire

Dans le contexte argumentatif ordinaire, la discussion autour de l’accidentel se pose lorsque l’argumentation tourne autour de ce qui  important, caractéristique d‘une part, et ce qui est accidentel, c’est-à-dire accessoire, contextuel, occasionnel, marginal… d’autre part.

Si l’un présente tel fait ou telle caractéristique comme essentielle, centrale pour l’affaire en cours, l’autre soutient qu’elle est en fait marginale et vice-versa.
La question se pose par exemple dans les conflits de catégorisation où les parties utilisent l’une l’argumentation a pari (par les similitudes) et l’autre l’argumentation par les contraires (par les différences).
La première minimise ou efface les différences considérées comme essentielles par la seconde, la seconde maximise (essentialise) les différences considérées comme minimes ou inexistantes par la première, V. A pari ; Contraires ; Maximisation – Minimisation.

L1 : — Les garçons peuvent sortir le soir, mais pas les filles, parce que les filles ne sont pas comme les garçons.
L2 : — Si ! Filles et garçons ont les mêmes droits, reçoivent la même éducation, etc.

La discussion suivante porte sur le caractère essentiel ou accidentel (occasionnel) de la malhonnêteté chez les politiciens :

L11 : — Les politiciens sont corrompus.
L21: — Non. Un politicien peut être honnête ou malhonnête sans cesser pour autant d’être un politicien. Il peut arriver que des politiciens soient corrompus, mais ils ne le sont pas systématiquement (essentiellement, par définition).

— En d’autres termes, “c‘est un politicien honnête” n’est pas un oxymore, et “c’est un politicien malhonnête” n’est pas tautologiquement vrai ; un politicien n’est pas malhonnête par définition mais, marginalement, certains peuvent l’être. À quoi L1 réplique :

L12 : — Il ne s’agit pas de définition, mais c’est ce que je constate (par induction), en me basant sur des observations que tout le monde peut faire, les politiciens sont forcément corrompus et il y a à cela une bonne raison : étant donné notre système de financement des partis politiques, les hommes et les femmes politiques ne peuvent pas ne pas être corrompus.

La discussion ne se termine évidemment pas sur cette intervention.