Archives de l’auteur : Christian Plantin

K_Ab enumeratione

ab enumeratione partium (Boethius)

cas par cas – parties


L’argumentation au cas par cas, (par énumération des cas, par dénombrement des parties s’effectue en plusieurs étapes:

Lorsqu’il est possible de décomposer


Bossuet, Logique, Livre 3, Chap. 20, Des moyens de preuve tirés de la nature de la chose, (p. 140)

Le tout et la partie font le dix-huitième lieu. Là se fait cet argument qui s’appelle le dénombrement des parties, ab enumeratione partium.

Ainsi l’Orateur romain, dans l’oraison pour la loi Manilia en faisant le dénombrement de toutes les parties d’un grand capitaine, conclut que Pompée est le capitaine accompli qu’il faut opposer à Mithridate.

Par la même raison, si on convient que quelqu’un soit un parfait capitaine, on montrera par là qu’il aura donc la prudence, la valeur, et toutes les autres parties d’un bon général.

Les parties en question sont les capacités qui font le grand capitaine.
Définition par énumération

__________

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4088197/f428.item

M_NOTES

 


EXCEPTION


APPROXIMATION

La référence hypnotique à la déduction logique élémentaire entraîne la rupture du lien entre l’argumentation et les arts et sciences exploitant des données d’observation ; curieusement, on trouve peu de choses en argumentation sur l’approximation, sur ce qui est négligeable dans une situation donnée pour une tâche donnée.


CARGADO DE RAZÓN

De Linguee

El CIEM ha dado a conocer esta semana su último dictamen sobre la situación de los stocks de varias especies y ningún optimismo resulta de su examen. Independientemente de que la Comisión debería contrastar los diferentes dictámenes científicos, no basta con cargarse de razón ante este tipo de propuestas con repercusiones graves y de muy diverso tipo -el social, el primero-: hay que reclamar que se pongan sobre la mesa medidas compensatorias para evitar situaciones traumáticas en las regiones dependientes de la pesca, para los pescadores y para sus familias.


Caso

Los justos — Si dejamos que silencien a gente que no nos gusta, pueden acabar callando a gente que sí nos gusta

 

Nadie tan ferozmente peligroso como el justo cargado de razón”, escribió Rafael Sánchez Ferlosio. Ian Buruma ha publicado en el Financial Times una reflexión sobre “editar en tiempos de indignación”. Buruma perdió su empleo como director de la New York Review of Books por publicar un artículo de un hombre que había sido acusado de abusar de varias mujeres (fue absuelto de unas acusaciones; en otro caso llegó a un acuerdo). Fue uno de los afectados más extraños del MeToo: su castigo no se debió a una acusación de acoso o conducta impropia, sino al hecho de haber publicado a la persona equivocada. Hay voces que no se deben oír.


Diccionario Abierto de Español

cargarse alguien de razón
Tener mucha paciencia para proceder después con más fundamento

RAE

cargarse alguien de razón
Tener mucha paciencia para proceder después con más fundamento. (rae)


 

K_Jésus réfute les pharisiens

1. Le texte (Matthieu, 12, 22-29)

14 Une fois sortis, les pharisiens se réunirent en conseil contre Jésus pour voir comment le faire périr. 15 Jésus, l’ayant appris, se retira de là ; beaucoup de gens le suivirent, et il les guérit tous. 16 Mais il leur défendit vivement de parler de lui.

17 Ainsi devait s’accomplir la parole prononcée par le prophète Isaïe : 18 Voici mon serviteur que j’ai choisi, mon bien-aimé en qui je trouve mon bonheur. Je ferai reposer sur lui mon Esprit, aux nations il fera connaître le jugement. 19 Il ne cherchera pas querelle, il ne criera pas, on n’entendra pas sa voix sur les places publiques. 20 Il n’écrasera pas le roseau froissé, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit, jusqu’à ce qu’il ait fait triompher le jugement. 21 Les nations mettront en son nom leur espérance.

22 Alors on lui présenta un possédé qui était aveugle et muet. Jésus le guérit, de sorte que le muet parlait et qu’il voyait.

23 Toutes les foules étaient dans la stupéfaction et disaient : « Cet homme ne serait-il pas le fils de David ? »

24 En entendant cela, les pharisiens disaient : « Il n’expulse les démons que par Béelzéboul, le chef des démons. »

25 Connaissant leurs pensées, Jésus leur dit : « Tout royaume divisé contre lui-même devient un désert ; toute ville ou maison divisée contre elle-même sera incapable de tenir.

26 Si Satan expulse Satan, c’est donc qu’il est divisé contre lui-même ; comment son royaume tiendra-t-il ?

27 Et si c’est par Béelzéboul que moi, j’expulse les démons, vos disciples, par qui les expulsent-ils ? C’est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges.

28 Mais, si c’est par l’Esprit de Dieu que moi, j’expulse les démons, c’est donc que le règne de Dieu est venu jusqu’à vous.

29 Ou encore, comment quelqu’un peut-il entrer dans la maison de l’homme fort et piller ses biens, sans avoir d’abord ligoté cet homme fort ? Alors seulement il pillera sa maison.

30 Celui qui n’est pas avec moi est contre moi ; celui qui ne rassemble pas avec moi disperse.

31 C’est pourquoi, je vous le dis : Tout péché, tout blasphème, sera pardonné aux hommes, mais le blasphème contre l’Esprit ne sera pas pardonné.

Remarques

Disposition générale

14-21, Le contexte

22, Jésus guérit le possédé

22 Alors on lui présenta un possédé qui était aveugle et muet. Jésus le guérit, de sorte que le muet parlait et qu’il voyait

23 Premier coup : Preuve par le miracle

23 Toutes les foules étaient dans la stupéfaction et disaient : « Cet homme ne serait-il pas le fils de David ? »

24 Second coup : Les pharisiens réfutent :

24 En entendant cela, les pharisiens disaient : « Il n’expulse les démons que par Béelzéboul, le chef des démons. »

C’est la réfutation classique de l’argument contre les miracles faits par les autres.

25-29 Troisième coup: Jésus réfute les pharisiens

30-31 Corollaires (¿)

2. Jésus réfute les pharisiens

1e réfutation (1e argument contre), par l’absurde

— Proposition générale

< Tout [ce qui est] divisé contre [soi]-même [périt] >

Elle est établie sur trois exemples de moindre généralité :

25 […] « Tout royaume divisé contre lui-même devient un désert ; toute ville ou maison divisée contre elle-même sera incapable de tenir. »

 

Tout royaume divisé contre lui-même devient un désert
ville,

maison

sera incapable de tenir

— Instance de la proposition :

1.
[24] Les Pharisiens disaient: « Il n’expulse les démons que par Béelzéboul, le chef des démons.»

2.
Relecture
de ce que disent les pharisiens – Paraphrase interprétative :

« Satan expulse Satan »

 

3.
Définition
: “expulser” implique = “être en opposition, être divisé”

Si [Satan expulse Satan], c’est donc qu’il est divisé contre lui-même.

 

4.
Instanciation de la proposition générale :

Satan doit périr

 Je comprends : (v) Ce n’est apparemment pas le cas.

C’est absurde

¿ Quatrième coup : Redonner la parole aux pharisiens

Que pourraient répondre les pharisiens?

Cf. Les martyrs: ce n’est pas la souffrance qui fait le martyr, mais la doctrine

Ce n’est pas le miracle qui fait la divinité.

Jésus à Thomas.

 

Ruse des démons. Il y a une hiérarchie des démons. Pour discréditer son messager-démon, le démon en chef peut ordonner à son subordonné de fuir la place.

« Le Seigneur dit à Moïse et à Aaron : « Si le roi d’Égypte vous demande de faire une action extraordinaire, toi, Moïse, tu diras à Aaron de prendre son bâton. Qu’il le jette par terre devant le roi ! Le bâton deviendra alors un serpent. » Moïse et Aaron vont chez le roi d’Égypte et ils font ce que le Seigneur a commandé. Aaron jette son bâton par terre devant le roi et devant ceux qui l’entourent, et le bâton devient un serpent. De son côté, le roi fait venir les sages et les sorciers d’Égypte, et ils font la même chose grâce à leur magie. Chacun d’eux jette son bâton par terre, et les bâtons deviennent des serpents. Mais celui d’Aaron avale leurs bâtons. » Exode 7:8-12 PDV2017

2. Seconde réfutation

27 Et si c’est par Béelzéboul que moi, j’expulse les démons, vos disciples, par qui les expulsent-ils ? C’est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges.

On ne sait apparemment pas grand-chose sur les exorcismes pratiqués par les “disciples” (1) des pharisiens, ou dans le milieu juif au temps de Jésus-Christ.

  1. ou : “vos fils” dans BA = Bible Annotée,https://www.levangile.com/Bible-Annotee.php)

 

BA voit un argument ad hominem dans la question rhétorique du Christ.

Vos disciples pratiquent bien l’exorcisme par Béelzéboul,
vous ne leur reprochez rien
vous n’êtes pas fondés à le reprocher (à quiconque)

 

Après avoir montré que le reproche est absurde,
Montre que les Pharisiens ne sont pas fondés à le faire ce reproche.

 

3. Autre argument, par analogie (cas parallèle) 

29 Ou encore, comment quelqu’un peut-il entrer dans la maison de l’homme fort et piller ses biens, sans avoir d’abord ligoté cet homme fort ? Alors seulement il pillera sa maison.

« L’homme fort, c’est Sa­tan » (BA).  Synecdoque de l’espèce pour un membre de l’espèce.

Il y a accord sur le fait que la possession est diabolique

“Piller la maison” métaphore sans douceur

 

4. Conclusion et conséquence

28 Mais, si c’est par l’Esprit de Dieu que moi, j’expulse les démons, c’est donc que le règne de Dieu est venu jusqu’à vous.

 

— Tiers exclu entre le diable et le bon dieu (D w B) et non D

— 28, Si A, alors B

présuppose “c’est par l’Esprit de Dieu que moi, j’expulse les démons”

— Conclusion :

Je suis là : donnée contextuelle : {je, vous}

[A + [Je suis là])] donc “Dieu est là” => incarnation

 

Annexe : Une métaphore de la dissuasion atomique

Satan expulse Satan = Si Satan expulse Satan, alors Satan se détruit lui-même.

la bombe atomique neutralise la bombe atomique.

 

France Culture, Signe des temps, Marc Weitzmann

La guerre nucléaire peut-elle avoir lieu ?, 10/03/2019

https://www.franceculture.fr/emissions/signes-des-temps/la-guerre-nucleaire-peut-elle-avoir-lieu

 

JPD         1

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MW         7

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(…) mais:: comment dirais-je la question du religieux là dedans [4:47] \ bon il est commun de dire et je pense que c’est une erreur m’enfin que:: que effectivement l’arme nucléaire est un facteur de paix (..) alors c’est quand même un paradoxe inimaginable hein parce qu’elle se ::: elle se neutralise elle-même en (…) quelque sorte alors traduisons ça en termes:: chrétiens puisque vous m’incitez à parler de cette chose ya une phrase dans l’évangile prononcée par Jésus dans au moins un- un évangile qui dit Satan expulse Satan on peut même interpréter cela

 c’est ça 

comme seul satan expulse satan alors c’est exactement [ aujourd’hui

                                [ euh xxxxxx           

c’est la bombe atomique dans la mesure où elle serait capable de s’auto-réguler

 c’est-dire vous écrivez au début du livre la dissuasion nucléaire est une menace de guerre totale, mais une guerre symbolique différée on songe au rituel des sociétés traditionnelles où pour dire qu’on ne fait pas la guerre on la mime on est sur le point de la faire vraiment et on s’arrête au gouffre\ [donc effectivement on 

     [voilà

expulse la violence vers quelque chose qui devient la violence absolue

[ donc satan expulse satan

[ voilà voilà                     voilà c’est ça c’est le principe de la dissuasion [9.53]

 

Les “sophistes-pharisiens” disent que

Satan/la bombe — peut expulser/neutraliser — Satan/la bombe

Ils soutiennent  la doctrine de la dissuasion.

Jésus dit que c’est absurde. Le principe de la dissuasion est absurde.

Croire que Satan peut expulser Satan, c’est croire en la dissuasion nucléaire.

 

 

 

 

 

 

 

K_Correction argumentative

Correction collaborative: aider son allié (préciser)
Correction réfutative: rectifier son opposant

 

(1) France Culture, Signe des temps, Marc Weitzmann

France Culture, Signe des temps, Marc Weitzmann
La guerre nucléaire peut-elle avoir lieu ?, 10/03/2019
https://www.franceculture.fr/emissions/signes-des-temps/la-guerre-nucleaire-peut-elle-avoir-lieu

During a radio talk show between two specialists discussing the possibility of an apocalyptic nuclear war. Jean-Pierre Dupuy (J-P D) is the featured guest, Bruno Tertrais (BT) the discussant.

11.05

BT         1

2

3

4

5

6

J-P D        7

8

J-P D      9

[10:43] donc sur les dilemmes heu éthiques de la dissuasion et sur le dilemmefondamental de la dissuasion faut-il préparer au mieux l’apocalypse

pour qu’elle xxxx on se rejoindra volontiers avec Jean-Pierre Dupuy/ rapide

je suis un petit peu plus heu… ralenti sceptique sur l’introduction

que vous avez évoquée et ça nous permet de parler du risque justement

à propos de ce qui s’est passé en juin 2018 à Hawai\         parce que le… moi j’ai beaucoup travaillé

hm hm   [janvier/  janvier 2018    

sur les [questions     pardon j- j-  janvier 2018

 

moi j’ai beaucoup étudié les questions de fausses alertes entre guillemets et de crise hm pour savoir justement à quel point/ nous avons ou nous n’avons pas frôlé l’apocalypse est-ce qu’on a eu de la chance ou pas

BT anounces his partial agreement with J-P D (line 1-3, fast), then his point of disagreement, which will define the issue of the talk (l. 4-6, slow speech rate, l. 4 softning preface). The argumentative situation and BT  argumentative role as an opponent are clearly emerged. In this context, J-PD first speech act is an argumentative correction, about the date of the reference event. This date is not really relevant to the matter of the discussion, but the correction is effective to get, at least momentarily, the upper position in the ongoing argument.

(2) ?

Répliques, Finkielkraut, 23-03-2019 La question catalane (minute 13)

https://www.franceculture.fr/emissions/repliques/la-question-catalane

Pas clair

2. Corrections, Repairs

Correction, réparation, rectification

Corrections

In conversational activities, correction is defined as a specific order of discursive work that refers to replacement of a “production error” or “mistake” with what is “normatively” correct (MacBeth 2004: 705; Jefferson 1987; Schegloff et al.,1977).  The orientation seems to be toward the normative correctness of a correction outcome  rather than toward the problem of common understanding (MacBeth 2004, p. 729). Repair is a different, prior order of discursive work that deals with participants’ problems in mutual understanding and allows assurance of the recurrence of intersubjectivity in the conversation (Schegloff 1992). As demonstrated by MacBeth in his study of corrections in instructional/educational activities (2004, p. 728), correction shows its relevance only in the presence of the achievement of common understanding about the trouble source, that is, that a normatively adequate remedy for a production error (mistake) is being requested.

Asta Cekaite (2009) Collaborative corrections with spelling control: Digital resources and peer assistance. International Journal of Computer-Supported Collaborative Learning (2009) 4 (3):319–341, p. 3, note 2.
DOI 10.1007/s11412-009-9067-7

https://www.researchgate.net/publication/220309209_Collaborative_corrections_with_spelling_control_Digital_resources_and_peer_assistance [accessed Dec 04 2020]

Repair

Conversational repair is the process people use to detect and resolve problems of speaking, hearing, and understanding. Through repair, participants in social interaction display how they establish and maintain communication and mutual understanding. [Abstrac

We must have  practical methods for maintaining joint coordination and understanding between individuals as a basic requirement of interaction. These methods enable us to fix problems more quickly than they can emerge and multiply. The field of conversation analysis (CA) calls this area of research “repair.” (p. 280

Albert, J. P. de Ruiter Repair: The Interface Between Interaction and Cognition. https://www.researchgate.net/publication/325087073_Repair_The_Interface_Between_Interaction_and_Cognition [accessed Dec 04 2020].

 

 

Cas parallèles

Comme l’analogie structurelle, le cas parallèle est invoqué ou construit pour transférer des jugements, des émotions et des actions stabilisées dans le domaine source  vers un domaine cible.
Deux cas sont dits parallèles à deux conditions
— D’une part une condition d’analogie des domaines. Les deux cas se situent dans des domaines relativement proches et ils présentent une analogie structurelle forte
— D’autre part, une condition d’exposition des cas, qui sont rapportables de manière exhaustive par des descriptions ou des récits  formellement superposables.

Dans l’exemple suivant le vol est mis en parallèle avec le viol. Le récit de vol se transforme en récit de viol par substitution des termes spécifiques irréductiblement attachés à chacun des domaines (homme / femme, etc). Les récits étant calqués l’un sur l’autre, tout ce qui est dit de l’un apparaît vrai mot pour mot de l’autre, tout jugement porté sur l’un vaut pour l’autre.

Le procédé des cas parallèles permet de pousser l’analogie jusqu’à l’identification.

MACHISME
Si un viol était jugé comme un vol : la lettre à l’éditeur est devenue virale
Un extrait du texte publiée par un lecteur d’EL PAÍS devenue populaire dans les réseaux sociaux

HÉCTOR LLANOS MARTÍNEZ – 17 MAI 2018
Je suis un homme de taille moyenne et déjà d’un certain âge. L’autre soir, de retour chez moi, cinq jeunes et forts individus m’ont forcé à entrer dans un portail et, sans brandir de couteaux ou d’autres armes, ils m’ont ordonné de remettre tous les objets de valeur que je portais, de me soumettre à tout ce qu’ils me demandaient. Effrayé par l’intimidation, je leur ai donné la montre, le téléphone portable et l’argent que j’avais dans mon portefeuille, je me suis soumis à tout ce qu’ils me demandaient. Maintenant, j’hésite à porter plainte, car peut-être n’ai-je pas assez résisté, je n’ai pas crié, je ne les ai pas menacés, je n’ai pas offert de résistance physique ou verbale, je n’ai pas risqué ma vie pour sauver mes biens. Certains penseront peut-être que j’ai collaboré au vol et que j’ai même apprécié. Ça ne vous rappelle rien? [1]

Ce récit de vol engendre un récit de vol construit de façon à correspondre mot pour mot au récit prototypique de viol,

Je suis une femme de taille moyenne et déjà d’un certain âge. L’autre soir, de retour chez moi, cinq jeunes et forts individus m’ont forcé à entrer dans un portail et, sans brandir de couteaux ou d’autres armes, ils m’ont agressée sexuellement et ordonné de me soumettre à tout ce qu’ils me demandaient. Effrayée par l’intimidation, je me suis soumise à tout ce qu’ils me demandaient. Maintenant, j’hésite à porter plainte, car peut-être n’ai-je pas assez résisté, je n’ai pas crié, je ne les ai pas menacés, je n’ai pas offert de résistance physique ou verbale, je n’ai pas risqué ma vie pour me préserver. Certains penseront peut-être que j’ai collaboré au viol et que j’ai même apprécié.


[1] https://verne.elpais.com/verne/2018/05/17/articulo/1526568238_009707.html

 

K_Ligne argumentative

Ancien : Ligne argumentative ► Script argumentatif

pas ce que j’ai dit à Rubens. Corriger

L’expression ligne argumentative est employée pour désigner

  1. Un argumentaire présenté en faveur d’une position
  2. « être sur la même ligne argumentative

 

 

K_Une argumentation, plusieurs types

L’argument ad incommodum est défini par Bossuet comme « l’argument qui jette dans l’inconvénient » ([1677], p. 131). C’est une forme d’argumentation par l’absurde@, équivalent ici à une variante de l’usage réfutatif de l’argumentation pragmatique.

Cas n°1 Ad populum

Comme tous les cas d’appel aux passions, il y aurait substitution des passions au logos, donc ignorance de la question, hence a lack of relevance (Woods et Walton 1992, p. 76), V. Ignorance de la question.

 

Cas n°2 Ad populum II L’appel aux croyances d’un groupe —

L’argument ad populum est parfois défini comme un argument qui part de prémisses admises par l’auditoire, au lieu de partir de prémisses universelles. Elle viserait donc l’adhésion et non pas la vérité (Hamblin 1970, p. 41 ; Woods et Walton 1992, p. 69). En ce sens, toute argumentation rhétorique ou dialectique est ad populum. L’argumentation ad populum n’est alors pas différente de l’argumentation sur les croyances de l’auditoire, abondamment désignée comme argument ex concessis, ex datis, ou encore argument ad auditores. V. Croyances de l’auditoire.

Cas n°3 — Cercle vicieux et Lois générale ad hoc

— Les Topiques signalent le cas fréquent où l’on postule sous forme de loi universelle ce qui est en question dans un cas particulier (Aristote, Top. VIII, 12, 163a1 ; p. 360) :

ce politicien est menteur, corrompu… puisque les politiciens sont menteurs, corrompus.

Le locuteur postule un principe ad hoc, dont la seule fonction est de s’appliquer au cas concerné. On peut également analyser ces cas comme des définitions mal construites : on considère le fait d’être corrompu comme une caractéristique essentielle des politiciens, alors qu’elle n’est qu’une caractéristique accidentelle, V. Définition, Accident. C’est une forme d’argumentation extrêmement répandue.

Cas n°4 — La fidélité à soi-même

Le topos, illustré par l’enthymème suivant est présenté sous forme d’une question rhétorique :

« Alors que, quand nous étions en exil, nous nous sommes battus pour revenir, une fois revenus, nous exilerons pour ne pas nous battre ? » (Aristote, Id.).

On peut supposer la situation suivante. Dans le passé, des exilés ont combattu pour rentrer au pays, et ils y sont rentrés. Dans la situation actuelle, ils sont suspectés de refuser de se battre, et de préférer l’exil, accusation qu’ils réfutent par cet enthymème. Ce topos peut couvrir des enthymèmes comme :

Tu t’es battu pour obtenir ce poste, et maintenant tu accepterais qu’on t’en chasse comme ça ?

Ce topos est une revendication de cohérence : “vous nous saccusez d’incohérence!”. Il est donc à rapprocher de l’argument ad hominem positif (argument ex datis). L’enthymème semble présupposer une forme de gradualité : “si on s’est battu pour retrouver sa patrie, à plus forte raison on se battra pour ne pas en être chassé”.

Cas n°5

Réfutation par accusation d’omission de circonstances et recadrage d’un événement

Dans tous les cas précédents, la victime de la déformation peut toujours tenter de la rectifier, mais, les conditions de parole étant polémiques, il ne lui sera pas aisé de rétablir sa position.

Les circonstances d’un événement sont des événements ou des faits de second plan, qui accompagnent un événement de premier plan, thème central du discours ou de la discussion. Ces circonstances peuvent jouer ou non un rôle essentiel dans la discussion de l’événement focus. Nécessairement, tout discours portant sur un événement opère une sélection de circonstances qu’il considère comme secondaire, alors que l’opposant les mettra en avant parce qu’essentielles.

— Vous avez franchi la ligne jaune

— Oui, j’ai dû me déporter pour ne pas écraser un hérisson, c’est une espèce en danger.

On est dans le cas de réinterprétation d’une action, V. Interprétation. Toutes les excuses fonctionnent sur ce principe.

 

Cas n°5

Google sur :« il faut se préparer à combattre contre le Grand Roi et ne pas le laisser faire main basse sur l’Égypte »,

 

Cas n°6

Synedoque – partie/tout — signe

3.1 Synecdoques “Partie – Tout” and “Tout – Partie”

Aux synecdoques partie – tout et tout – partie correspondent les argumentations de la partie vers le tout et du tout vers la partie. Dans trouver un toit, toit renvoie à “habitation” de même, l’argumentation :

Le toit est en mauvais état, la maison ne doit pas être bien entretenue

transfère au tout le prédicat attaché à la partie, V. Tout et partie; Composition et division.

 

Cas n°7

4. L’arbre et les fruits

L’argumentation suivante a été avancée en défense de Paul Touvier, chef de la Milice à Lyon pendant l’occupation Nazie et condamné à la libération. Il s’agit d’un extrait d’une lettre adressée par le R. P. Blaise Arminjon, S. J., au Président de la République, Georges Pompidou, en date du 5 décembre 1970, afin d’appuyer le recours en grâce de Paul Touvier.

Comment comprendre qu’il puisse être un “criminel”, être un “mauvais Français”, celui dont la conduite depuis vingt-cinq ans, et l’éducation qu’il a donnée à ses enfants sont à ce point admirables? On reconnaît un arbre à ses fruits. (René Rémond et al., Paul Touvier et l’église, 1992[1])

Une analyse à la Toulmin lui est applicable, la loi de passage étant fournie par le topos biblique « on reconnaît un arbre à ses fruits » :

16Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons? 17Tout bon arbre porte de bons fruits, mais le mauvais arbre porte de mauvais fruits. 18Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, ni un mauvais arbre porter de bons fruits. (Matthieu, 7)

On peut aussi bien décrire le transfert des valeurs par un mécanisme de métonymie. Parler de « la conduite de Touvier depuis vingt-cinq ans » c’est désigner métonymiquement Touvier; dire que cette conduite est « admirable », c’est dire métonymiquement que Touvier est admirable. De même, une évaluation positive portée sur l’acte, « l’éducation que Touvier a donnée à ses enfants » est « admirable », se transfère métonymiquement sur l’auteur de l’acte, le père, forcément tout aussi admirable. Le même phénomène s’analyse dans le langage des tropes ou dans celui de l’argumentation, les deux mettent en œuvre le même genre de rationalité.

 

[1] Paris, Fayard, 1992, p. 164. Texte intégral de la lettre p. 372

 

S ilence – Compagnon

Les chameaux et le Coran: Gagnier, Gibbon, Borges et les autres

Cette note propose une rectification détaillée et une discussion d’une erreur factuelle dans un exemple, à propos des chameaux dans le Coran.

 « L’argument du chameau » — ?

Dans le Dictionnaire, p. 542, l. 27-30, on lit

« À l’argument du silence, on répond par l’argument du chameau. On ne parle pas de chameau dans le Coran. Donc il n’y avait pas de chameaux dans l’Arabie du VIIe siècle. Si tel fait n’est pas mentionné, c’est peut-être parce qu’il est courant et qu’il n’est pas pertinent pour le texte considéré. »

Mais Il y a des chameaux dans le Coran…

Je remercie Michel Goldberg qui m’a signalé’ l’erreur, et qui m’a fourni le bel exemple suivant (que je n’ai pas encore vérifié) :

Le livre L’histoire de Belgique pour les nuls ne parle pas de frites. Donc, les Belges n’ont jamais connu les frites.

Que s’est-il passé ?

L’erreur est traditionnelle (1) et je l’ai sans doute empruntée à Borges :

1. Borges

Les traits véritablement typiques peuvent se passer de couleur locale (…) Gibbon remarque que dans le livre arabe par excellence, le Coran, on ne trouve pas de chameaux ; je crois que s’il existait quelque doute sur l’authenticité du Coran, cette absence de chameaux suffirait à prouver qu’il est arabe. Il fut écrit par Mahomet, et Mahomet, en tant qu’Arabe, n’avait aucune raison de savoir que les chameaux étaient spécialement arabes ; pour lui, ils faisaient partie de la réalité ; il n’y avait aucune raison de les distinguer ; par contre, un faussaire, un touriste, un nationaliste arabe auraient immédiatement prodigué chameaux et caravanes de chameaux à chaque page ; mais Mahomet, comme Arabe, était tranquille : il savait qu’il pouvait être arabe sans chameaux.

Borges, L’écrivain argentin et la tradition. Trad. par P. Bénichou, S. Bénichou-Roubaud, J-P Bernès, F. Rosset, Cl. Staub. Dans Discussions. Œuvres complètes I, Gallimard, La Pléiade, 2016, p. 272)

2. Gibbon et le chameau

Edward Gibbon ne dit pas qu’on ne trouvait pas de chameau dans le Coran.
Parlant de la vie des Arabes du temps de Mahomet,  il  fait l’éloge du chameau :

Alive or dead, almost every part of the camel is serviceable to man: her milk is plentiful and nutritious; the young and tender flesh has the taste of veal (13)
Gibbon’s Footnote [13] Mahomet himself, who was fond of milk, prefers the cow and does not even mention the camel. But the diet of Mecca and Medina was already more luxurious (Gagnier, Vie de Mahomet, tom. iii, p. 404).
Edward Gibbon The History of the decline and fall of the Roman Empire, … Vol. IX, New York, Fred de Fau, 1907.

2. Gagnier et le lait de chameau

Selon Gagnier, parlant de la diète de Mahomet, «le lait était l’élément le plus favori du prophète» (p. 401). Il cite Mahomet disant :

Le lait de vache nourrit & sustente le corps (…) C’est le plus louable de tous les laits, & il surpasse par ses bonnes qualités le lait de Brebis & le lait de Chévre, surtout par sa délicatesse et son onctuosité. (p. 404)
Jean Gagnier, La vie de Mahomet … Amsterdam, Wetstein & Smith. 1748.

Gibbon observe que Gagnier ne mentionne pas le lait de chameau. On est entraîné à en conclure, par un argument du silence, que si Mahomet aimait par-dessus tout le lait de vache il préférait toutefois le lait de brebis et le lait de chèvre au lait de chameau, et c’est tout.

3. Lecture rapide

Si on lit rapidement Gibbon, on ne s’arrête pas sur “l’accessoire” trivial (entre crochets) :

Mahomet himself, [who was fond of milk, prefers the cow and] does not even mention the camel ;

— mais bien sur ce qu’on croit être l’essentiel :

Mahomet does not even mention the camel.

C’est un typique cas typique de négligence des circonstances, qui sont ici l’essentiel.
Enfin, comme, en gros, Mahomet c’est le Coran, on retient que:

Gibbon affirme qu’il n’y a pas de chameaux dans le Coran. CQFD

4. Le raisonnement de Borges

Supposons qu’il n’y ait pas de chameaux dans le Coran; les prémisses du raisonnement sont les suivantes.

Postulat (H) : homologie du monde réel et du monde décrit.
Comme il y a des chameaux en Arabie, on s’attend à ce qu’il y en ait dans le Coran.
Or, (cette fois par hypothèse), il n’y a pas de chameaux dans le Coran.

Que peut-on conclure ?

(a) Que le Coran n’est pas authentique
La faille dans la représentation prouve que le texte est un faux.

 (b) Que l’argument du silence ne prouve rien.
On conclut que le fait est anecdotique, ou même on ne conclut rien du tout.
Grice : les chameaux ne sont pas pertinents pour le récit. Le récit n’est pas un calque  mécanique maist un monde intentionnel.

 (c)  Que c’est une preuve de plus de l’authenticité du Coran.

Mais on sait que le Coran est authentique (a).

Borges retourne la réfutation
Si le Coran n’était pas authentique, comme il y a beaucoup de chameaux en Arabie, on en aurait mis beaucoup dans le Coran, pour faire authentique.

Voir  le paradoxe de la confirmation du témoignage par la faiblesse des témoins (les femmes au tombeau du Christ)


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(1) Slimane Zeghidour, La poésie arabe moderne entre l’Islam et l’Occident. Karthala. 1990.

 

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Et les chats dans la Bible ?

« Il n’y a pas de chats dans la Bible »  (Eric Baratay, France Culture Concordance des temps, 28/04/2018)

C’est selon les traductions.

Traduction Œcuménique de la Bible (2010) > Ésaïe > 34 : 14
Une ville envahie par les chats sauvages, des maisons habitées par les hiboux et les autruches, des palais envahis par les hyènes et les chacals, avec des satyres qui dansent dans les ruines, c’est ainsi que le prophète Isaïe imagine Babylone dans l’avenir (Is 13,21). Il en dira autant pour le royaume ennemi d’Édom : « Les chats sauvages y rencontreront les hyènes, les satyres s’y répondront. Et là aussi s’installera Lilith : elle y trouvera le repos. C’est là que le serpent fera son nid, pondra, couvera ses œufs et les fera éclore sous sa protection » (Is. 34,1415).

https://lire.la-bible.net/76/detail-traduction/chapitres/verset/%C3%89sa%C3%AFe/34/14/TOB

Bible Louis Segond
13 Les épines croîtront dans ses palais, Les ronces et les chardons dans ses forteresses. Ce sera la demeure des chacals, Le repaire des autruches; 14 Les animaux du désert y rencontreront les chiens sauvages, Et les boucs s’y appelleront les uns les autres; Là le spectre de la nuit aura sa demeure, Et trouvera son lieu de repos; 15Là le serpent fera son nid, déposera ses oeufs, Les couvera, et recueillera ses petits à son ombre; Là se rassembleront tous les vautours.…
https://saintebible.com/isaiah/34-14.htm


 

 

Réflexivité

Une relation (fonction) notée R (a, b) est réflexive si elle lie un argument a à lui-même, en d’autres termes “aRa” est vraie.

Être contemporain de” est une relation réflexive ; a est contemporain de tous les gens qui vivent à la même époque, et en particulier il est strictement contemporain de lui-même.

La relation causale n’est pas réflexive pour le commun des mortels : seul Dieu est causa sui, sa propre cause – bien qu’il soit possible d’être fils de ses œuvres.

La réflexivité peut être exploitée dans l’argumentation ad hominem. Le principe “charité bien ordonnée commence par soi-même” force la réflexivité de la relation faire la charité à. De même, on peut utiliser l’amour des autres pour inciter à l’amour de soi :

Toi qui aimes la terre entière, tu ferais bien de t’aimer toi-même !

On peut contester la compétence d’un conseilleur en l’incitant à faire un usage réflexif de ses conseils :

Tu me donnes des conseils, et toi tu agis n’importe comment, commence par te conseiller toi-même !

Ou encore :

Parmi les gens déguenillés, il en est qui portent de longues robes,
Et qui se vantent d’enseigner, en maîtres, l’art de transmuer les métaux.
Pourquoi donc ces gens-là ne font-ils pas un peu d’or pour eux-mêmes ?
C’est que tout leur art consiste à vendre un peu d’eau claire aux hommes crédules.
Les Alchimistes. Six Nouvelles chinoises. [1885] / 1999[1]

Médecin, guéris-toi toi-même !

Vous prétendez apprendre aux autres à argumenter mais vous êtes incapable d’argumenter vous-même !

Tu milites pour la libération de la femme et (= mais) à la maison tu ne fais jamais la vaisselle.


 

Justice, Règle de –

Perelman présente la règle de justice comme un principe argumentatif fondamental, et citent quelques-unes des catégories qui, historiquement ont réglé la répartition des biens, c’est-à-dire la façon de partager le gâteau :

Tous les êtres d’une même catégorie doivent être traités de la même façon.
À chacun selon son mérite ; à chacun selon sa naissance ; à chacun selon ses besoins. (Perelman [1963], p. 26).

Ce principe fonde les revendications comme “à travail égal, salaire égal” ; “à rendement égal, salaire égal”. Les domaines d’application sont nombreux :

à chacun selon son ordre d’arrivée (répartition des prix)
à chacun selon le tirage au sort (service militaire ; loterie)
à chacun selon sa taille (uniformes)
à chacun selon ses revenus (impôt).

1. Opérations constitutives de la règle de justice

1.1 Une catégorisation des œuvres, états et besoins

Les individus sont d’abord classés comme membres d’une catégorie générale, “être né” ; « “avoir des besoins” ; “avoir du mérite” (on peut mériter une punition ; démériter c’est avoir un mérite négatif) ; “avoir travaillé tant d’heure, fabriqué telle quantité de produits”, etc.

Les droits et devoirs généraux peuvent être définis à ce premier niveau, « tous les humains ont droit à une vie décente”. La pratique suivante est fondée sur un argument a pari strictement appliqué :

Le général Baclay, c’était aussi un drôle de numéro matricule. Mais une drôle de femme, très juste à sa façon. Elle fusillait de la même manière femme et homme, tous les voleurs, que ça ait volé une aiguille ou un bœuf. Un voleur c’est un voleur et ça les fusillait tous. C’était équitable.
Ahmadou Kourouma, Allah n’est pas obligé, 2000[1]

1.2 Une échelle hiérarchisant chaque type d’œuvres, états, mérites et besoin

Pour que le règle de justice puisse fonctionner, il faut

(i) Définir ce qu’on entend par “égalité de naissance, de mérite, de travail”.

(ii) Préciser la hiérarchie interne organisant entre les modes de naissance, les types de mérite, et les quantités de travail : “P a travaillé autant que /plus que /moins que Q or R”.

Ces catégories ordonnées peuvent être représentées par à des échelles argumentatives. L’existence de cet ordre qui fait que la règle de justice est plus complexe que a pari.

(iii) Une échelle des récompenses et des peines doit être associée à l’échelle (ii) quel salaire pour quel travail ?

Il s’ensuit que la règle de justice engendre trois types de questions argumentatives spécifiques,

— Conflits de catégorisation sur l’opération (i) : définition d’une catégorie (qui est mathématicien?), et conflit de catégorisation : l’individu X fait-il bien partie de la tribu (est-il un vrai mathématicien?)

— Conflits de hiérarchisation sur l’opération (ii) : a) sur la définition d’une métrique (les critères d’excellence en mathématique) et b) conflit de hiérarchisation de la personne dans la catégorie (comment évaluer le travail de notre collègue X ?).

— Ces conflits s’ajoutent à ceux attachés à l’opération (iii), définissant l’échelle des récompenses et des peines.

2. La justice comme exclusion de l’arbitraire

L’opération (i) met “chacun dans sa catégorie”, est la règle de justice prend ces catégories comme des données, sans s’interroger sur leur constitution. Le second exemple de Perelman “à chacun selon sa naissance” montre bien que la règle de justice peut servir l’injustice : “à chacun selon son genre ;
à chacun selon la couleur de sa peau”.

Au niveau de l’opération (ii), la règle de justice est supposée s’appliquer de façon linéaire, à tous les membres du groupe, mais les règles concrètes incluent des bornes, des seuils et des principes de lissage. Pour l’impôt, la règle “à chacun selon son revenu” s’applique à partir d’un certain revenu ; elle est non linéaire, elle admet des seuils.

En vertu du principe “qui favorise défavorise”, la règle de justice, crée obligatoirement d’innombrables sentiments d’injustice. Si les biens sont répartis selon les mérites, ils ne le sont pas selon la naissance ni selon les besoins. Elle ne peut être dite “de justice” qu’en tant qu’elle s’oppose à l’arbitraire du principe “à chacun selon mon bon plaisir”. C’est une règle d’exclusion de l’arbitraire, non pas de l’injustice.

La règle de justice n’est dite “juste” que parce que la catégorie et la relation d’ordre ont été définies en faisant abstraction des cas à juger : “C’est juste parce que la règle existait avant votre cas”. Cette “justice” est formellement juste parce qu’elle permet l’application du “syllogisme juridique”.

[1] Paris, Le Seuil, p. 111.