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Réciprocité

1. La relation de réciprocité

La réciprocité, ou symétrie est une propriété possible d’un verbe à deux compléments (d’un prédicat exprimant une relation entre deux objets).
Soit un énoncé reliant deux groupes nominaux : GN 1 — Verbe — GN2
Par permutation des actants, on obtient l’énoncé : GN 1 — Verbe — GN2

La relation établie par le verbe entre les deux actants est symétrique si ces deux énoncés sont des paraphrases l’un de l’autre.

Les prédicats “être égal à”, “être l’ami de” “être le frère ou la sœur de” sont symétriques :

Si a est égal à b, alors b est égal à a ; a et b sont égaux, etc.

Si a a rencontré b, alors b a rencontré a, autrement dit, a et b se sont rencontrés.

Les deux énoncés Pierre regardait le fauve et le fauve regardait Pierre ne sont pas équivalents. Regarder n’est donc pas un verbe symétrique.
La distance de a à b est une relation symétrique mais la durée pour parcourir cette distance ne l’est pas forcément.

Une relation “quasi-logique ?
La relation de réciprocité est considérée comme une relation “quasi-logique” par Perelman & Olbrechts-Tyteca. En mathématique, R est symétrique (réciproque, convertible) si elle lie à la fois a à b et b à ; autrement dit, si R est symétrique, alors  “aRb” et “bRa”.
Les exemples précédents montrent que cette relation correspond à des déductions impeccables et banales dans le discours ordinaire. Le principe de réciprocité est inscrit dans le sémantisme des relations considérées, et savoir l’appliquer c’est simplement savoir parler sa langue.

2. Topos des réciproques

S’agissant d’actes impliquant deux personnes, le strict principe de réciprocité dit que si A agit de telle manière vis-à-vis de B, alors B fait / doit faire / peut faire la même chose à A.
Positivement, si A fait un cadeau à B, l’a invité à dîner, alors B conclut qu’il doit faire la même chose, c’est-à-dire faire un cadeau à A ou l’inviter. Le principe de réciprocité fonctionne comme une contrainte.

L’argument du “retour d’ascenseur” dit que si A a procuré à B un avantage décisif, alors B doit faire quelque chose d’équivalent pour A lorsque la situation se présentera : “un bienfait n’est jamais perdu”.
Le principe strict vaut dans les limites où il s’agit d’actes pour lesquels A et B peuvent traiter d’égal à égal. Il n’a pas de sens lorsqu’il existe entre A et B une inégalité fondamentale : Si A fait l’aumône à B, ou si A condamne B à une amende, il n’est pas question pour B d’appliquer la réciproque stricte. Mais dans un roman rose, B peut cependant sauver la vie de A et dans un roman policier se venger du juge qui l’a condamné.

Dans cette limite, l’appel au principe de réciprocité est une ressource applicable à la régulation des interactions sociales : “Je suis poli avec vous, alors soyez poli avec moi”.
Le locuteur se définit lui-même et définit son partenaire comme des membres d’une même catégorie, qui doivent être traités de la même façon, V. Règle de Justice.

3. Réciprocité comme loi du talion

La loi du talion, œil pour œil, dent pour dent, est une règle de “justice” fondée sur la lettre du principe de réciprocité : si A a causé un dommage à B, il est légitime pour B de causer le même dommage à A.

Si ton amoureux déçu t’a défiguré au vitriol, le tribunal t’accorde le droit de le traiter de même.

Dans le domaine des relations internationales, le principe de réciprocité permet aux états d’affirmer leur égalité dans leurs relations, et éventuellement de justifier une mesure de rétorsion,

Si le pays A exige un visa des ressortissants du pays B, il est juste que le pays B exige également un visa des ressortissants du pays A.

La dissuasion nucléaire, qui repose sur la certitude de destruction réciproque, réactualise le principe du talion. Ces formes qui compensent un dommage par un dommage sont apparentées à l’argument “Toi aussi !”.

4. Réciprocité comme principe de morale naturelle

Elle s’énonce par les maximes :

Faites aux autres ce que vous voudriez qu’ils vous fassent,
Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas qu’ils vous fassent.

La loi du talion est invalidée par le second principe :
ne faites pas aux autres ce que vous n’auriez pas voulu qu’ils vous fassent).


[1] Ou “relation à deux arguments”, argument étant pris au sens de argument4, place vide d’une fonction, V. Argument.


 

 

Raisonnement par défaut

Les recherches en intelligence artificielle ont développé l’étude formelle de l’argumentation comme raisonnement par défaut ou raisonnement révisable, du point de vue logique et du point de vue épistémologique.

1. Raisonnement par défaut

Du point de vue logique, le raisonnement révisable est étudié dans le cadre des logiques dites non monotones. À la différence des logiques classiques (ou “monotones”), elles admettent la possibilité qu’une conclusion soit déductible d’un ensemble de prémisses {P1} et ne le soit pas de {P1} augmenté de nouvelles prémisses. En termes de révision des croyances, il s’agit de formaliser l’idée simple qu’un apport nouveau d’information peut amener à réviser une croyance déduite d’un premier ensemble restreint de données.
Du point de vue épistémologique, la théorie du “defeasable reasoning” (Koons 2005) porte sur des croyances permettant des inférences qui admettent des exceptions. Defeasable se traduit par “révisable”, “susceptible d’être invalidé”.  L’inférence révisable s’oppose à l’inférence nécessairement (apodictiquement) vraie de la logique classique.

Sur la base de la régularité “les oiseaux volent”, l’inférence révisable considère que l’article défini générique les exprime la quantification universelle “tous les”, et, sur cette base, affirme que 1) l’inférence suivante est valide :

Pioupiou est un oiseau, donc Pioupiou vole

et que 2) cette régularité admet des exceptions. Les sphéniciformes, autrement appelés manchots, sont des oiseaux, pourtant ils ne volent pas. Si l’on sait que Pioupiou est un oiseau et rien d’autre on ne peut donc, en logique classique, rien conclure sur le fait qu’il vole ou non. La théorie du raisonnement révisable fait ce que fait le raisonnement ordinaire, et admet la conclusion “Pioupiou vole”, à défaut d’information permettant de penser que Pioupiou est un manchot.
Les oiseaux est alors lu “la plupart des oiseaux” ; la possibilité d’exceptions, est notée par la présence d’un modal :

Pioupiou est un oiseau, donc, normalement il vole.

La prémisse étaye la conclusion, mais il est possible que cette prémisse soit vraie et que la conclusion soit fausse. Une conclusion tirée des connaissances disponibles au moment T0 peut être légitime et ne plus l’être en T1 si entre-temps nos connaissances se sont accrues et précisées.

La présence d’une exception touche d’autres raisonnements portant sur des phénomènes liés au fait de voler ou de ne pas voler. Par exemple, on sait que :

(1) Les oiseaux volent
(2) Pioupiou est un oiseau
(3) Les oiseaux ont les muscles des ailes très développés
(4) Donc Pioupiou a les muscles des ailes très développés

Maisqu’en est-il si Pioupiou ne vole pas ? Il y a un lien entre la capacité de voler et le fait d’avoir les muscles des ailes très développés. Puisque d’après (5), “Pioupiou ne vole pas”, on doit donc  suspendre l’inférence vers “Pioupiou a les muscles des ailes très développés”.
En d’autres termes, la conclusion “il a les muscles des ailes très développés” est déductible non pas de “Pioupiou est un oiseau” mais “Pioupiou est un oiseau qui vole”.

Il existe des indicateurs linguistiques de l’affirmation par défaut, comme le non interrogatif de fin de phrase ou l’adverbe a priori:

Il est étudiant de l’Université Paris XX, donc il s’inscrit en thèse à Paris XX, non?
— donc a priori, il s’inscrit en thèse à Paris XX.

Pioupiou est un oiseau, donc il vole, non?
— donc a priori il vole.

2. Conditions de réfutabilité du raisonnement par défaut

On distingue deux types de conditions de réfutabilité (defeasability) d’une conclusion C affirmée dans le cadre d’un raisonnement défaisable.

— Il existe de bons arguments (rebutting defeater Koons 2005) pour une conclusion incompatible avec C. Par exemple, si on sait que Pioupiou est un oiseau en peluche, alors on sait qu’il ne peut pas voler.

— Il existe de bonnes raisons de penser que la loi de passage invoquée habituellement dans l’argumentation ne s’applique pas au cas envisagé (undercutting defeaters, ibid.). Par exemple, si l’on sait que l’univers de discours porte sur la faune Antarctique, alors on a de bonnes raisons de suspendre l’inférence.

3. Schématisation de l’inférence par défaut

L’inférence révisable est schématisée comme une règle par défaut [default rule] :

Si Tweety est un oiseau,
en l’absence d’information selon laquelle Tweety est un manchot,
il est légitime de conclure que Tweety vole.

Ce raisonnement est noté et représenté comme suit :

Tweety est un oiseau : tweety n’est pas un manchot
————
Tweety vole

ζ : η
——
θ

ζ : prérequis :          on sait que ζ
η
: justification :    η est compatible avec l’information disponible
θ : conclusion

Cette schématisation exploite les mêmes intuitions et les mêmes concepts que ceux mis en jeu dans le schéma de Toulmin, que l’on peut écrire de la même manière :

D (Donnée, Data) : R (Réfutation, Rebuttal)
————
C (Conclusion, Claim)

D, prérequis : on sait que D, Pioupiou est un oiseau
R, Réfutation : on n’a pas d’information permettant de penser que la réfutation possible est effectivement vraie, autrement dit que Pioupiou est une exception à la règle selon laquelle les oiseaux volent, c’est-à-dire que Pioupiou est un manchot
C, Conclusion ; Jusqu’à plus ample information, C peut être acceptée, prise comme hypothèse de travail.

Gabbay & Woods (2003) développent une théorie du raisonnement pratique combinant théorie de la pertinence et raisonnement par défaut.

4. Clarification, raisonnement révisable, argumentation

Les modèles de raisonnement révisable s’appliquent dans des situations où l’information fait défaut. Ces situations sont bien distinctes de celles où l’information est suffisante mais inégalement répartie entre les participants. Il s’agit alors de clarification, d’explication et d’élimination des malentendus, après quoi la conclusion est supposée s’imposer à tous.

Comme le modèle de Toulmin, la théorie du raisonnement révisable fonctionne sur des domaines de connaissance normalisés, où les données et les règles sont connues et admises de tous, en particulier les conditions de réfutation.

D’une façon générale, en situation d’argumentation non seulement l’information importante peut faire défaut, mais les conditions de confirmation et de réfutation ne sont pas forcément bien définies, et la question elle-même peut être négociable.
Tout cela est dû au fait que l’argumentation est non seulement une mode de raisonnement, mais une activité intersubjective de raisonnement. Les données comme les règles utilisées par chaque partie sont marquées par leurs propres intérêts, valeurs et émotions. Il s’ensuit qu’il est délicat d’éliminer totalement une position ; en excluant la position, on exclut de fait la personne.


 

Raisonnement à deux termes

1. Raisonnement transductif

La notion de raisonnement transductif a été élaborée par Piaget ([1924], p. 185) dans le cadre de l’analyse du développement de l’intelligence où le raisonnement transductif est défini comme un mode de pensée prélogique et intuitif du jeune enfant. C’est un raisonnement qui passe directement d’un individu ou d’un fait particulier à un autre individu ou un autre fait particulier, sans l’intermédiaire d’une loi générale.
D’après Grize, « le jeune enfant qui dit “Ce n’est pas l’après-midi parce qu’il n’y a pas eu de sieste” s’appuie sur son expérience quotidienne qui fait de la sieste un ingrédient de l’après-midi », procède par transduction (1996, p. 107), c’est-à-dire sans intervention d’un principe général sous-jacente de la forme “qui dit après-midi dit sieste”, “nous sommes dans l’après-midi seulement s’il y a eu sieste”.
L’association transductive “sieste = après-midi” donne, par application du topos des contraires : “pas sieste = pas après-midi”. Dans le langage de la logique naturelle, le terme sieste est « un ingrédient » du faisceau lié au terme après-midi, En pratique, tout se passe comme si “ faire la sieste” était un trait essentiel définitoire de “après-midi”.

Grize observe que les adultes utilisent aussi ce type de raisonnement :

Lorsque nous disons que nous nous sommes arrêtés au feu parce qu’il était au rouge, […] notre pensée ne passe pas par l’intermédiaire d’une loi générale du genre : “tout feu de la circulation de couleur rouge implique arrêt”. (Ibid.)

Il n’y a peut-être là qu’un pur réflexe associatif, “Stimulus-Réponse ”. Toutefois l’adulte n’applique pas la négation comme l’enfant : “ce n’est pas un feu rouge puisque je ne me suis pas arrêté”. On raconte cependant qu’un automobiliste profondément imprégné du respect dû au Code de la route refusait de croire qu’il avait été heurté de plein fouet par un autre véhicule parce que la rue où il circulait était en sens unique, soit :

je n’ai pas été heurté de plein fouet par un autre véhicule puisque la rue est en sens interdit

— Ce qui n’est pas une réaction insensée : un immeuble a pu s’effondrer, quelque chose a pu tomber de l’étage.

2. Raisonnement à deux termes

Dans un cadre très différent, Gardet & Anawati parlent d’un « raisonnement à deux termes » caractéristique « [d’] un rythme de pensée proprement sémitique que le génie de l’arabe a su utiliser avec un rare bonheur » (Gardet et Anawati [1967], p.89), et qui semble être de même nature que le raisonnement transductif.

La logique “dialectique”, connaturelle au génie arabe, s’organise selon des modes de raisonnement à deux termes qui procèdent du singulier au singulier, par affirmation ou négation, sans moyen terme universel. Faut-il dire, comme on l’a fait parfois, que ce dernier, non explicitement saisi, n’en est pas moins explicite dans l’esprit qui raisonne ? Nous ne le croyons pas. Sans doute, on peut “traduire” en syllogisme à trois termes un raisonnement à deux termes […]. Mais dans le mécanisme logique de la pensée, c’est bien de la mise en regard, par opposition, similitude ou inclusion, des deux termes du raisonnement qui donne à la “preuve” valeur de conviction. Le moyen terme universel n’est point présent dans l’esprit, même sous mode implicite. Il ne s’agit pas d’établir une preuve discursive, mais de promouvoir une évidence de certitude. (Bouamrane, Gardet 1984, p. 75)

Dans cette tradition, le théologien et logicien al-Sumnânî a distingué différents procédés rationnels (types d’arguments), relevant du raisonnement à deux termes. Il s’agit :

de constatations, puis d’un mouvement de l’esprit qui opère soit par élimination, soit par analogie du semblable au contraire ou du semblable au semblable. Il s’agit toujours de passer du fait “présent”, du “témoin” (shâhid) [l’argument, CP], à l’absent, (gha’ib) [la conclusion, CP]. Aucune recherche abstractive d’un principe universel. (Gardet, Anawati [1948], p. 365-367).

En l’absence d’informations supplémentaires, on peut comprendre que le raisonnement est uniquement fondé sur la catégorisation, combinée à la négation : ceci est / n’est pas dans la même classe que cela.


 

Question rhétorique

Les questions rhétoriques ne sont pas posées pour rechercher des informations auprès de l’interlocuteur, ni pour solliciter indirectement son action (“pourriez-vous me passer le sel ?”), ni pour vérifier s’il connaît la réponse correcte à la question mais pour obtenir confirmation de la réponse que le locuteur considère comme correcte.

L’interrogation rhétorique est une des trois formes de transposition monologale de la question argumentative, l’interrogatio, V. Question argumentative §5.  Dans ce cadre, la question rhétorique s’oppose à la question posée sur le mode de la subjection qui ouvre une séquence argumentative substantielle justifiant  sa réponse préférée à la question argumentative.
Positivement, par l’interrogation rhétorique, le locuteur prend possession de la question argumentative, et la “désambiguïse”, au sens argumentatif du terme, en lui imposant une réponse unique présentée comme évidente :

Un tel individu peut-il faire un meilleur président que notre candidat ? Certainement pas !

La question rhétorique est une question orientée. Le locuteur peut mobiliser diverses stratégies pour orienter sa question. Dans l’exemple précédent, l’orientation est donnée par le terme orienté, individu. Elle peut être renforcée de toute une argumentation :

Alors maintenant, Y, ce candidat de dernière minute. Peut-on prendre au sérieux un candidat qui a l’air de ne pas trop savoir s’il est candidat ?

La situation générale est la suivante. Dans tous les cas, soit l’interlocuteur est déjà informé des orientations de L en faveur du candidat X, soit il les perçoit à travers le discours de L.

  • S’il partage ces orientations, il répond naturellement à la question dans le sens de L.
  • S’il est indécis. Il peut se laisser guider par la préférence pour l’accord, qui joue en faveur de l’orientation donnée par le lexique et/ou par l’argumentation de L.
  • Face à un d’interlocuteur ou à un public qui ne partage pas les orientations du locuteur, la question rhétorique prend une allure de défi. Il est tout de même embarrassant de répondre “Oui !” à la question de L, dans la mesure où il est facile d’interpréter ce oui à la lettre pour en faire une approbation donnée à “Je soutiens un candidat qui a l’air de ne pas savoir s’il est candidat”, qui n’est pas loin d’exprimer une contradiction risible.
    Il reste à l’interlocuteur la ressource de la protestation explicite. Pour cela, il doit remonter la pente, c’est-à-dire réfuter le reproche d’indécision fait à Y, et exposer ses raisons positives de le soutenir. Il doit donc contredire L, c’est-à-dire, le cas échéant, briser l’atmosphère empathique crée par la préférence pour l’accord et assumer la polémique, comme dans le cas de rejet du présupposé,
    Dans une conversation, tout cela peut se faire dès le prochain tour de parole. Mais dans une interaction publique institutionnellement réglée, il doit attendre qu’on lui donne la parole, si on la lui donne. La question rhétorique est une façon d’imposer le silence à l’interlocuteur rebelle, et d’inférer de ce silence que tout le monde partage l’orientation du locuteur, par une manœuvre qui ressemble à celle qui est utilisée dans l’argument de l’absence de contradiction, V. Ignorance §1.1.

Les questions peuvent ainsi présenter différents modes et degrés de rhétoricité, selon le type de contrainte mis en œuvre pour influencer la réponse.

Question délibérative

En linguistique, les questions délibératives sont définies comme des questions n’exprimant pas une demande d’information mais une demande de conseil :

D’un point de vue pragmatique, ces questions semblent véhiculer un acte de délibération, c’est-à-dire l’expression d’une réflexion sur le bien-fondé d’une action. […] Certaines langues disposent d’une forme spécifique pour exprimer cet acte. C’est le cas du grec et de son subjonctif dit délibératif. (Faure 2012, p. 4)

L1 : — Que dois-je faire ?
L2 : — Partir ! / Pars ! (D’après id., p. 3)

Lorsqu’elle est posée à soi-même, la question délibérative ouvre un débat intérieur destiné à produire une décision dans une situation ouverte. par exemple (d’après Douglas 2013, p. 124-125) :

Dois-je aller au concert ? Comment vais-je m’habiller ?

Ces questions ont été étudiées en philosophie du langage par Wheatly (1955).

La question délibérative correspond à la figure de dubitatio ; la question argumentative qui l’oriente est formatée comme une question ouverte à laquelle le locuteur construit une réponse en temps réel, au théâtre sous la forme d’un monologue intérieur polyphonique à haute voix.

Rien n’empêche d’utiliser l’expression “question délibérative” pour désigner une question argumentative délibérative débattue non plus sous la forme du monologue intérieur mais dans un dialogue impliquant plusieurs participants.


 

Question chargée

Lat. fallacia quæstionis multiplicis. Ang. loaded questions, many questions.

Une fallacie dialectique

Le problème des questions chargées (questions pièges ou questions multiples) est examiné par Aristote dans le cadre de l’échange dialectique, où le travail intellectuel est divisé entre un Répondant et un Questionneur. Dans ce cadre, une question est dite chargée si, en la posant le questionneur « réunit plusieurs questions en une seule » (R. S., 167b35 ; p. 22).

Les questions chargées sont des questions contenant des implicites qu’elles tentent de faire ratifier subrepticement par l’interlocuteur   :

L1 : — Vous devriez vous interroger sur les raisons de l’échec de votre politique.
L2 : — Mais ma politique n’a pas échoué !

L2 rejette le présupposé de L1 votre politique a échoué”.

L’imposition d’un jugement présupposé est contraire au principe logique et dialectique qui veut qu’un énoncé exprime un seul jugement. Si un énoncé contient plusieurs jugements, il ne peut pas être accepté ou refusé tel quel, autrement dit, il est fallacieux.
Pour être évaluable, il doit être décomposé en une conjonction de propositions exprimant chacune un seul jugement, et chacun de ces jugements doit être examiné et ratifié ou rejeté séparément.
L1 ne pourrait donc poser à L2 la question “Pourquoi P ?” que si L1 et L2 sont d’accord sur l’existence de P.
Dans une perspective perelmanienne, la question des présupposés devrait être réglée dans le cadre des accords préalables, V. Conditions de discussion.

Un jeu de langage ordinaire

Dans la langue ordinaire, tous les énoncés sont plus ou moins chargés, en premier lieu du fait de leur orientation. Il est toujours possible d’extraire des présupposés et, d’une façon générale, des sous-entendus, pour les reprocher à l’interlocuteur. Soit une discussion entre un particulier mécontent et son banquier habituel qui lui a proposé un crédit à un taux peu avantageux.

L11 : — Je suis allé à la banque dans la rue en face de chez moi, et ils m’ont immédiatement proposé un prêt à un taux inférieur à celui que vous-même m’aviez proposé.
L2 : — C’est parce qu’ils voulaient vous avoir comme client.
L12 : — Parce que vous, vous ne voulez pas me conserver comme client ?

L12 impute à L2, ou reconstruit à partir de son intervention, un sous-entendu que L2 refuse certainement mais qui lui montre néanmoins que sa justification est contestable.

La question des présupposés touche à toute l’organisation de l’interaction

L1 effectue un virement d’argent liquide auprès de son banquier. La transaction en est au stade de préclôture. L1 demande:

L1 : — (Vous ne donnez) pas de reçu ?

La forme interro-négative active un présupposé situationnel, inscrit dans script de la transaction “faire un virement d’argent liquide à sa banque”. Ici le banquier n’a pas l’air de penser au reçu, et L1 s’en inquiète. Son intervention peut être décompressée en quatre énoncés :

Habituellement, quand on fait un virement, on reçoit un reçu
Je vous ai fait un virement
Vous ne m’avez pas donné de reçu
Donnez-moi un reçu !

Cette question surchargée n’a évidemment rien de fallacieux.  Les énoncés informatifs sont également chargés de présupposés :

L1 : — Il est 8h
L2 : — Pourquoi tu me dis ça?

L’énoncé informatif apparemment très élémentaire L1 présuppose néanmoins que l’information qu’il donne est pertinente pour l’interlocuteur, dans la situation présente. Il est au moins chargé de ce présupposé.

Les questions et les affirmations du langage ordinaire sont chargées, et ce fait sémantique est un des conditions d’exercice du langage ordinaire, V. Orientation ; Biais.


 

Question argumentative

La notion de question argumentative a son origine dans la notion de stase, développée par la rhétorique argumentative sur le cas de l’interaction judiciaire.

Une question argumentative est produite au point où des discours, écrits ou oraux, se développant sur un même thème, divergent du point de vue même des locuteurs, qui sortent du procès collaboratif de co-construction du discours et de l’action, V. Désaccord. Lorsqu’elle est ratifiée et thématisée, cette divergence produit une question, un problème, un point controversé.
En conséquence, l’argumentation est vue comme un mode de construction des réponses à une question recevant des réponses également sensées mais incompatibles et se trouvant ainsi à la source d’un conflit discursif.

Ce processus de mise en question d’un thème discursif définit un état d’argumentation avant les arguments (segments discursifs en support d’une conclusion).

L’existence d’une telle question est à l’origine des paradoxes de l’argumentation.

1. Proposer, s’opposer, douter : la question

L’exemple suivant, construit autour de la question récurrente “Faut-il légaliser la drogue ?” permet de montrer schématiquement comment, à partir de la question, se distribuent les rôles argumentatifs, sur les trois actes argumentatifs fondamentaux, proposer, s’opposer, douter et s’interroger.

— Proposer

En Syldavie 2012, “le commerce, la possession et la consommation de la drogue sont interdits”. Cet énoncé correspond à l’état de la législation, et est en principe conforme à l’opinion dominante, à la “doxa”. Il existe un autre discours orienté vers une proposition opposée à cette prohibition :

P : — Légalisons la consommation de certains de ces produits, par exemple le haschich !

Le locuteur P prend le rôle argumentatif de proposant. Les locuteurs alignés sur cette proposition sont ses alliés dans ce rôle.

— S’opposer

Un autre discours rejette cette proposition :

O : — C’est absurde !

Le locuteur O prend le rôle argumentatif d’opposant, et trouve également des alliés dans ce rôle.

— Douter et (s’)interroger : la question argumentative

Certains locuteurs ne s’alignent pas sur l’un ou l’autre de ces discours ; ils se trouvent dans la position de tiers, transformant ainsi la confrontation en question argumentative

T : — On ne sait plus qu’en penser. Faut-il maintenir l’interdit sur tous ces produits ?

Schématiquement :

Proposition VS Opposition => Question argumentative (QA)

2. La conclusion comme réponse à la question argumentative

Des apports de bonnes raisons Le proposant doit assumer la charge de la preuve, et pour cela donner des arguments en faveur de la nouveauté qu’il préconise :

Question argumentative : — Faut-il légaliser l’usage du haschich ?
Réponse — Conclusion du proposant : — Oui! Légalisons le haschich !
Arguments du proposant : — Le haschich n’est pas plus dangereux que l’alcool ou les anxiolytiques ; or l’alcool ne fait l’objet d’aucune interdiction générale, et les anxiolytiques font même l’objet de prescription médicale.

La syntagmatique du discours argumentatif supportant une prise de position est donc la suivante :

3. Échanges en situation argumentative

Dans une situation argumentative stabilisée, proposants et opposants répondent à la question par :

Une argumentation confirmative apportant des arguments positifs en faveur de leur position.
— Une argumentation réfutative rejetant les arguments de la partie adverse, V. Schéma de Toulmin

La doxa “va sans dire” ; lorsqu’elle entre dans une situation argumentative, elle est amenée à se justifier. Dans le cas précédent, l’opposant peut par exemple construire sa position autour des arguments suivants :

Question argumentative : — Faut-il légaliser l’usage du haschich ?
Réponse — Conclusion de l’opposant : Non ! Ces changements sont inutiles

Argumentation réfutative :

L’alcool fait partie de notre culture, pas le haschich. Et si vous commencez par légaliser le haschich, vous devrez bientôt tout légaliser. En Sidonie, ils ont essayé de légaliser la drogue, et l’expérience a échoué. Nous en avons assez de ces expérimentations sociales nuisibles à notre jeunesse.

Argumentation confirmative

Nos lois fonctionnent et permettent aux honnêtes gens de vivre en en paix. La situation est sous contrôle.

Cette présentation symétrique de D1 et D2 correspond à un moment d’équilibre (stase) entre les deux discours en présence.
Cet équilibre est rompu lorsqu’on passe sur un site donné, où la charge de la preuve pèse sur l’un ou l’autre discours.

4. Corollaires

4.1 Principe de maximisation / minimisation argumentative

Ce principe pose que, dans une situation argumentative, tous les actes sémiotiques produits par les participants sont interprétables en termes d’argumentation, c’est-à-dire sont 1) des soutiens de leurs positions respectives ; 2) des réfutations de celle à laquelle ils s’opposent ; ou 3) des concessions faites à l’autre partie.

Les participants maximisent l’argumentativité de leur propre discours et minimisent l’argumentativité du discours de leurs opposants. Ce principe est exploité par les participants :

Si c’est tout ce que vous avez à nous opposer / proposer, je pense que la discussion est close.

4.2 Sorties de la situation argumentative

La question argumentative est par nature ouverte, les interventions pro et contra qu’elle coiffe étant tenues comme valides par certains participants. La clôture dépend de la nature de la question, de la qualité des arguments et de l’existence d’une instance de décision, c’est-à-dire du cadre socio-institutionnel dans lequel la question est traitée. En fonction de ces paramètres il est parfois possible de clore la question, une réponse, définitive ou provisoire, s’imposant aux participants.
Le fait qu’une question soit tranchée sur un site institutionnel n’entraîne pas qu’elle le soit sur tous les autres sites où peuvent continuer à se rencontrer les participants.

Une réponse est plus ou moins stable ; elle n’est pas totalement détachable de la question et de l’ensemble des discours “pro-” et “contra-” qui l’ont engendrée.

Les positions exprimées dans la séquence d’ouverture et définissant la question peuvent être modifiées au cours de l’échange, et lors de la séquence “décision” qui n’est que partiellement conditionnée par la séquence “argumentation”. La conclusion ne sera alors pas identique à l’une ou l’autre des positions initiales.

4.3 Une double contrainte

L’argumentation se construit sous une double contrainte, elle est orientée par une question et elle est soumise à la pression d’un contre-discours. Des phénomènes macro discursifs caractérisent cette situation :

— Bipolarisation des discours : Les locuteurs intéressés sont attirés dans le champ de parole structuré par la question. Ils s’identifient aux argumentateurs en vedette, normalisent leur langage et l’alignent sur l’un ou l’autre des discours en présence ; symétriquement, ils excluent les tenants du discours opposé (nous vs eux).

— Répétition et figement : sémantisation argumentative des discours confrontés, production d’antinomies, tendance à la stéréotypisation, congélation des arguments en argumentaires ou scripts prêts à énoncer.

— Apparition de mécanismes de résistance à la réfutation : présentation des argumentations sous forme d’énoncés auto-argumentés, mimant l’analyticité, V. Auto-argumentation.

4.4 Question et pertinence

La question fonctionne comme principe de pertinence pour les contributions argumentatives :

— Pertinence des arguments pour la conclusion.
— Pertinence de la conclusion comme réponse à la question.
— Pertinence de la question elle-même : la question peut être elle-même “mise en question”, et être contestée comme mal posée, biaisée, ou secondaire par rapport à des questions “plus profondes”.

4.5 Changements de rôle argumentatif

Au cours de l’échange, et non seulement à son terme, les participants peuvent réaliser un quatrième type d’acte, peut-être le plus complexe : changer d’avis et de langage, c’est-à-dire changer de rôle argumentatif.

5. Le jeu question réponse dans le monologue.

L’approche précédente de l’argumentation est opératoire en monologue comme dans les interactions.

5.1 Monologue ne donnant pas la parole au contre-discours

L’argumentation peut être monologale monologique c’est-à-dire exclusivement orientée vers la construction d’une conclusion, sans référence aux objections qu’on pourrait lui adresser. Une telle argumentation n’en est pas moins motivée par la recherche d’une solution à un problème. Il faut alors rechercher dans l’environnement de ce discours s’il existe des interventions répondant au même genre de question argumentative. Selon le “postulat structuraliste”, le plaidoyer en faveur de P est mieux compris si l’on considère ce plaidoyer en relation avec la question qui l’organise et les réponses qui sont apportées à cette question ailleurs et par d’autres.

5.2 Monologue argumentatif mettant en scène la question

Dans l’argumentation monologale dialogique le locuteur met en scène les discours rattachés à la même question, et les attache à des figures reconstruites des participants réels ou potentiels à la même discussion, V. Réfutation; Destruction. En prenant seul en charge le jeu question-réponse, l’énonciateur transforme le dialogue en monologue.
Ce phagocytage de la parole des autres, opposants ou tiers, lui permet de s’avancer sous diverses figures, en redistribuant à sa guise les rôles argumentatifs de proposant, d’opposant, et de tiers. En conséquence, l’affirmation est introduite sous un voile de participation des opposants et des tiers.

Les différentes stratégies de monologisation de la question sont identifiées dans la rhétorique ancienne comme des figures de phrase, selon trois modalités :

— Le locuteur considère que la question a une réponse évidente, et ne nécessite pas d’argumentation
— Le locuteur apporte une réponse argumentée à la question.
— Le locuteur laisse apparaitre ses doutes et modalise sa réponse.

(1) La question a une réponse donnée pour unique et évidente : Question rhétorique

Lat. interrogatio, “interrogation rhétorique, interrogation” (Gaffiot, Interrogatio).

(2) Le monoloque apporte une réponse justifiée et catégorique à la question (subjectio)

Lat. subjectio, «action de mettre sous, devant » (Ibid., Subjectio)

La question est suivie de son traitement argumentatif qui aboutit à une seule réponse. Le discours tend vers la clarification et l’explication; le locuteur est le seul maître de l’espace argumentatif, les contre-discours possibles sont mentionnés pour être réfutés. C’est cette construction argumentative de la réponse qui fait la différence avec la question rhétorique.

Le locuteur prend la position de l’enquêteur ou du professeur qui pose la bonne question et la résout objectivement. L’interlocuteur est mis en position d’assumer la question directrice et le traitement proposé pour les réponses, qui sont avancées selon une logique de co-construction pédagogique.

Voici la situation, voici les données et voici la question. On peut penser à trois réponses différentes… La solution (a) est une variante de la solution (b), comme nous allons le montrer. Pour telle et telle bonne raison, la solution (c) doit être préférée à la solution (b). Donc, la bonne réponse est (c).

Les exposés scientifiques utilisent cette stratégie de présentation. Pendant la séance de discussion, les auditeurs sont invités à re-dialectiser le monologue, par exemple en exprimant différemment la solution proposée, en inversant l’évaluation de (c) par rapport à (b) ou en proposant une nouvelle solution (d).

(3) La question est ouverte (dubitatio)

Lat. dubitatio, “examen dubitatif, hésitation”

La question est présentée comme une question ouverte, à laquelle le locuteur tente d’apporter une réponse en temps réel. Le locuteur se donne la place du tiers, de l’ignorant qui doute et qui soumet la question à l’auditoire. Par une forme d’inversion des rôles, l’interlocuteur est placé dans la position haute de l’auxiliaire ou du conseiller (Lausberg [1960], § 766 sq.).

Ces trois formes de monologisation de la situation argumentative jouent sur la préférence pour l’accord. Le locuteur prévient la parole de l’interlocuteur pour la canaliser ou pour se l’approprier, via un repositionnement de la question.

6. Question argumentative et question informative

Les questions argumentatives sont bien distinctes des questions informatives. Les réponses aux questions informatives sont couramment directes et satisfaisantes pour l’interlocuteur :

 S0       — Et dans quel hôtel êtes-vous ?
 S1       — Au Grand Beach Hôtel, comme d’habitude.
 S0_1   — Très bien ! Vous faites quelque chose ce soir ?

Les questions argumentatives utilisées comme telles n’admettent pas ce genre de réponse (sauf dans les sondages d’opinion) :

 S0       — Est-ce que la lutte contre le terrorisme autorise les limitations de la liberté d’expression ?
 S1       — Oui.
S0_1   — Ah très bien. Passons à la question suivante.



 

Question

1. Question informative

Une question informative est un énoncé qui cherche à obtenir une information de l’interlocuteur  au moyen des morphèmes et des transformations syntaxiques caractéristiques de la forme interrogative à l’écrit, ainsi que par une intonation spécifique à l’oral.

2. Question chargée

Une question biaisée (chargée, orientée) est une interrogation portant sur un énoncé complexe, contenant plusieurs affirmations implicites notamment à titre de présupposés.
La question chargée présuppose la vérité de ces affirmations, et tente de les imposer à l’interlocuteur.

3. La question comme problème

Une question peut être un sujet de discussion, un problème. Dans ce sens, la question n’a pas nécessairement une forme interrogative, et ne renvoie pas à une quête d’information.
La question argumentative matérialise la confrontation discursive autour de laquelle se configure une situation argumentative.

4. Question rhétorique

Au sens traditionnel du terme, la question rhétorique restructure une question problème comme une question n’admettant qu’une seule réponse, donnée pour évidente et posée comme un défi porté aux opposants

5. Question topique

Le système des questions topiques est constitué par l’ensemble des questions correspondant aux axes ontologiques définissant un événement. Ce système permet de définir, produire, recueillir et d’organiser l’information pertinente relative à un événement concret, en particulier dans la perspective de son traitement argumentatif, V. Invention.


 

Quasi-logique

La notion d’argument quasi-logique est proposée par Perelman et Olbrechts-Tyteca.
Elle correspond à la première des trois catégories de « schèmes de liaison » argument – conclusion ([1958], p. 257). On comprend les arguments quasi-logiques :

en les rapprochant de la pensée formelle, de nature logique ou mathématique. Mais un argument quasi-logique diffère d’une déduction formelle par le fait qu’il présuppose toujours une adhésion à des thèses de nature non formelle, qui seules permettent l’application de l’argument. (Perelman 1977, p. 65)

Six schèmes “quasi-logiques” sont analysés, trois formes relevant de « la logique » et trois « des mathématiques » :

Nous analyserons, parmi les arguments quasi-logiques, en premier lieu ceux qui font appel à des structures logiques – contradiction, identité totale ou partielle, transitivité ; en second lieu ceux qui font appel à des relations mathématiques – rapport de la partie au tout, du plus petit au plus grand, rapport de fréquence. Bien d’autres relations pourraient évidemment être examinées. (1976, p. 261)

Perelman & Olbrechts-Tyteca considèrent que les définitions « quand elles ne font pas partie d’un système formel, et qu’elles prétendent néanmoins identifier le definiens avec le definiendum, seront considérées par nous comme de l’argumentation quasi-logique » ([1958], p. 283), dont elles constituent « le type même » (([1958], p. 288).
Il semble que toute la problématique du sens des mots et de leur définition lexicographique soit ainsi considérée comme une quasi-logique.

Les arguments quasi-logiques ont une caractéristique commune :

[Ils] prétendent à une certaine force de conviction, dans la mesure où ils se présentent comme comparables à des raisonnements formels, logiques ou mathématiques. Pourtant, celui qui les soumet à l’analyse perçoit aussitôt les différences entre ces argumentations et les démonstrations formelles, car seul un effort de réduction ou de précision, de nature non-formelle, permet de donner à ces arguments une apparence démonstrative ; c’est la raison pour laquelle nous les qualifions de quasi-logiques. ([1958], p. 259).

Selon la définition traditionnelle, une fallacie est une argumentation qui ressemble à une argumentation valide mais qui ne l’est pas. De même, dans le Traité, les arguments quasi-logiques « se présentent comme comparables » aux raisonnements formels, mais ne le sont pas ; V. Fallacies; Logique; Typologies contemporaines.
La théorie logique des fallacies en conclurait que ces arguments sont pour cette raison fallacieux. La Nouvelle rhétorique échappe à cette conclusion, dans la mesure où elle conditionne la validité de l’argument à l’acceptabilité par l’auditoire universel.

Quasi logique et mécanismes langagiers

L’étiquette quasi-logique est symptomatique de l’attitude des auteurs du Traité vis-à-vis de “la logique” que d’une part ils rejettent, mais par rapport à laquelle ils définissent l’argumentation en général et ce type d’argument en particulier. Cette catégorie inclut toutes les stratégies argumentatives mettant en jeu des phénomènes langagiers comme la négation, la gradation, les transformations d’énoncés, les stéréotypes définitionnels, etc. : ce sont les mécanismes du langage qui sont considérés comme une quasi-logique.

V. Définition; Catégorisation; A pari; Réciprocité; Relations; Composition et division; Proportion; etc.

Proposition – Carré logique – Inférence immédiate

TERME — PROPOSITION — CARRÉ LOGIQUE —
INFÉRENCE IMMÉDIATE

Les propositions logiques analysées sont composées de termes. Elles ont la forme “S est P”, “Terme sujet — [est] — Terme Prédicat”. Elles expriment un jugement. Les relations de ces propositions sont représentées par le carré logique en fonction de la quantité de leur sujet  (tous, aucun, certains S [est] / [n’est pas] P), et de leur qualité négative ou positive.

1. Terme

Le langage logique utilise deux sortes de termes, les termes catégorématiques et les termes syncatégorématiques

Termes catégorématiques

La proposition simple est une structure prédicative “Sujet – Prédicat” exprimant un  jugement, “Paul court”. Ce jugement porte sur le sujet et s’exprime dans le prédicat

Les termes catégorématiques fonctionnent comme noms d’individus (position sujet) ou  noms de concepts (position prédicat).
La notion de terme catégorématiques en logique correspond à celle de mot plein en grammaire (verbes, substantifs, adjectifs, adverbes).
Employé sans autre précision, le mot terme renvoie à un terme catégorématique.

Le langage logique utilise des lettres pour renvoyer aux termes catégorématiques (êtres : sujets; prédicats : concepts; propositions : jugements).

Le langage logique utilise des symboles qui renvoient à des êtres (termes) ou à des jugements (propositions), ou à des particules réglant la combinaison des propositions, les connecteurs.
Les êtres et les propositions sont désignés par des lettres, majuscules ou minuscules. Les connecteurs sont notés par divers symboles définis en logique des propositions.

On pose que les lettres renvoient à un contenu non vide et stable, V. Présupposition.

L’emploi des lettres respecte le principe d’identité, considérés comme une loi de la pensée : “A = A ”; toute chose est identique à elle-même ; toute chose est ce qu’elle est.
Si deux êtres sont identiques, ils sont indiscernables. Le principe d’indiscernabilité pose que si l’être désigné par la lettre A est identique à l’être désigné par la lettre B, alors tout ce qui est vrai de A est vrai de B. A et B partagent toutes leurs propriétés.
Il s’ensuit que si les êtres A et B sont indiscernables, leurs noms, “A” et “B” sont équivalents. Ils sont substituables l’un à l’autre dans tous les contextes, ils constituent des synonymes parfaits.

Dans un même raisonnement et dans un même langage, les êtres sont stables, leurs signifiants sont stables et non ambigus, et le lien des êtres à leurs signifiants respectifs est explicité dans une définition stable.
Contrairement au langage logique,  les langues naturelles changent avec le temps et les usages. Les mots peuvent acquérir de nouvelles significations. Ils peuvent être polysémiques et homonymiques. Il n’y a pas de synonymes parfaits. Dans le même discours, ils peuvent passer d’une signification à une autre, etc

Termes syncatégorématiques
Le sens des termes syncatégorématiques se limite à leur fonction. Cette notion logique orrespond à celle de mots dits vides, dépourvus de contenu sémantique, comme les mots de liaison, ou les particules discursives.
Ces termes syncatégorématiques sont notés par divers symboles

— Les connecteurs logiques&’ (et), ‘V’ (ou), ‘’ (si… alors…), etc sont définis en logique des propositions. Leur fonction est de construire des propositions complexes en combinant des propositions elles-mêmes simples ou complexes.
— La négation¬’ (non, ne pas). Sa fonction est d’inverser la valeur de vérité d’une proposition.
— Les quantificateurs ‘∀’ (tous), et ‘∃’ (il existe). Leur fonction est de noter l’extension du terme sujet. Négation, les quatificateurs sont définis en logique des proposition.

2. Proposition

Les grammairiens et les logiciens définissent le concept de proposition dans le cadre de leurs objets d’étude et de leurs modèles théoriques respectifs. Dans ce qui suit, l’approche de la proposition grammaticale est inspirée du modèle actanciel de Tesnière (1959), et l’approche de proposition logique est empruntée à la logique traditionnelle. Ces approches permettent de mettre en parallèle les structures grammaticales comme condition de l’expression et les exigences de la logique comme technique de pensée.

2.1 Proposition en grammaire

2.1.1 Proposition, phrase, énoncé, tour de parole

En grammaire, on reconnaît traditionnellement quatre types de phrase, la phrase assertive, interrogative, impérative et exclamative.
Chacune de ces phrases peut être affirmative ou négative. Une phrase est simple ou complexe selon qu’elle est composée d’une ou de plusieurs propositions. La phrase simple est définie comme un ensemble de termes sémantiquement cohérent, organisé autour d’un verbe conjugué et de ses compléments essentiels ou actants, sujet, complément direct, compléments indirects.
La phrase complexe est composée de plusieurs propositions par subordination ou coordination. Chacune de ces propositions correspond à l’intégration d’une phrase simple dans une structure complexe.
L’énoncé est une proposition assertée, autrement dit, produite par un locuteur dans un discours et dans des circonstances données. Il correspond à une occurrence d’une phrase, qui est un être linguistique abstrait. Il est oralisé selon une courbe intonative spécifique, précédée et suivie de pause.
Dans une conversation, un tour de parole est une suite linguistique produite par un même participant

2.1.2 Verbe, prédicat, actant

Dans un vocabulaire inspiré de la théorie des fonctions, on dit que la fonction ou prédicat correspond au verbe, centre organisateur de la phrase. Le prédicat peut avoir plusieurs arguments (au sens de place vide ou variable (V. Argument… Les mots), correspondant aux actants de la théorie grammaticale ; le sujet de la phrase est un actant parmi les autres.

D’une façon générale, les énoncés peuvent ainsi être schématisés selon la valence, le nombre de compléments demandé par leur pivot, le verbe. Les places vides d’un prédicat sont notées par les lettres ‘x’, ‘y’, z… :

Dormir est un prédicat à 1 place (unaire), noté “— dort” ou “x dort”, “quelqu’un dort”.
Manger — est un prédicat à 2 places (binaire), noté “— mange —”;
“x mange y”.
Donner — est un prédicat à 3 places (trinaire), noté “— donneà —” ; “x donne y à z”

Les places actancielles peuvent être occupées :

— Par des expressions indéfinies, quelque chose, quelqu’un, certains, tous, aucun
Ces pronoms indéfinis correspondent à des quantificateurs avec ellipse du substantif support, qu’il est possible de récupérer en contexte : tous pensent = tous les x pensent.

— Par des expressions définies, termes ou syntagmes nominaux référentiels

Noms propres (“Pierre”), attachés de façon stable à des individus, Pierre mange.
Pronoms (“ceci”), Pierre a donné ceci à Paul. L’ancrage référentiel de pronoms comme “celui-ci” “l’autre”, “le premier”, “le suivant” repose à la fois sur des manœuvres de désignation et sur des éléments de description définie récupérables dans le contexte.
Syntagmes référentiels : l’homme, l’homme assis, l’homme à la barbe blanche, l’homme qui fait semblant de regarder ailleurs.

Un même objet peut être rattaché à une infinité de prédicats. Le même objet peut satisfaire le prédicat “— est une voiture” ; “— est un moyen de transport” ; “— est un objet qu’on peut acheter” ; “— est un facteur de pollution”… Le discours peut en créer sans cesse de nouveaux, en fonction des intérêts des locuteurs, comme “— s’est promené le 10 juin 1999” ; “— est une voiture disponible pour samedi prochain”.
Dans un prédicat à plusieurs places, une ou plusieurs de ces places peuvent être occupées par un syntagme référentiel désignant un individu particulier. Le schéma actantiel est alors dit partiellement saturé, ce qui produit un nouveau prédicat :

Paul donne —”, “— donneà Jean”, “Pierre donneà Jean”.

Cette notation simple explicite le squelette syntaxico-sémantique de la proposition et constitue la base d’une analyse sémantique plus détaillée de sa structure interne et de sa position dans le discours dans lequel elle s’intègre.

Les schémas argumentatifs sont couramment exprimés dans une telle notation semi-symbolique, par exemple l’argumentation par les contraires.

2.2 Proposition en logique

En logique classique, une proposition exprime un jugement, susceptible de prendre pour valeur de vérité le vrai (noté V) ou le faux (noté F) (ou est ici exclusif, voir Connecteur logique ; Vrai. Ce jugement est grammaticalement une assertion. Les interrogations, ordres, exclamations ne sont pas des propositions au sens logique du mot. Les actes de langage performatifs (je te promets de venir) ont la forme d’une assertion (je lui dis de venir), mais ne peuvent pas être dits vrais ou faux, seulement sincères ou insincères.
Un énoncé comme Pierre est ici est vrai ou faux selon la personne Pierre, et les circonstances de temps et de lieu, V. Subjectivité. Détaché de ses conditions d’énonciation, on en saisit seulement le sens ; il est en principe ramenable à une proposition vraie ou fausse si l’on explicite ses coordonnées de personne, d’espace et de temps dans un univers de discours donné.

Une proposition est dite inanalysée si on ne dispose d’aucune information sur sa structure interne. Une proposition inanalysée est notée A, B, C… Les connecteurs logiques et les lois de leurs combinatoires sont définis sur la base de propositions inanalysées. A, B, C… peuvent renvoyer à une proposition inanalysée simple, ou à une chaîne syntaxiquement bien formée de propositions simples.
Une proposition simple est dite analysée si on a des informations sur sa structure interne. Sa structure de base est formée d’un prédicat P, dit d’un sujet S, s est P”.

Le sujet réfère spécifiquement (s’il s’agit d’une constante), ou généralement (s’il s’agit d’une variable) aux éléments d’un l’univers de référence.
Le prédicat dit quelque chose de ces êtres.
La proposition logique affirme ou nie que le prédicat convienne au sujet. Elle est dite catégorique (sans condition ni alternative) ; elle ne comporte pas de modalité : peut-être, nécessairement…).

Une proposition est seulement une manière de dire le vrai ou le faux, abstraction faite de son sens et de ses conditions d’emploi.

En argumentation, pour noter actants et prédicats, on utilise souvent des lettres permettant de repérer aisément de quoi il s’agit, par exemple pour exprimer le topos des contraires :

arrêter le sport est facile, continuer le sport est difficile
A est F, C est D
A est F, non A est non F

3. Négation

3.1 Négation grammaticale, V. Négation — Dénégation

3.2 Négation logique

On parle de la qualité d’une proposition pour renvoyer à ses deux dimensions, affirmative ou négative.
La négation d’une proposition logique est définie sur la base de deux principes fondamentaux, le principe de contradiction et le principe du tiers exclu. Ces principes sont considérés comme des lois de la pensée : leur vérité est dite apodictique, c’est-à-dire nécessaire, absolue et universelle.

Le principe de non-contradiction dit qu’on ne peut pas simultanément affirmer et nier la même proposition. Les deux propositions P et non P ne peuvent être simultanément vraies (V).

P non P P & nonP  
V V F Non-contradiction : On ne peut pas simultanément
affirmer et nier la même proposition

Le principe du tiers exclu (tertium non datur) dit que, pour toute proposition, soit elle est vraie, soit sa négation est vraie. Les deux propositions ne peuvent être simultanément fausses (F) :

P non P P & nonP  
F F F Tiers exclu :
Pour toute proposition, soit elle vraie soit sa négation est vraie

Pour définir la négation, à partir de ces principes, on considère d’abord P et nég P comme des propositions indépendantes du point de vue de leur valeur de vérité. On a 4 cas possibles, présentés dans les deux premières colonnes : P peut être vraie ou fausse ; nég P peut être vraie ou fausse. En combinant les deux, on obtient la définition de la négation logique :

P nég P nég P est la négation de P
V V F (non contradiction : pas les deux)
F V V
V F V
F F F (tiers exclu : au moins une)

La langue ordinaire considère que la même affirmation peut être plus ou moins vraie, plus ou moins fausse ; aussi vraie que fausse. Autrement dit, le vrai et le faux sont les pôles d’un continuum, où chaque affirmation prend sa part de vrai et sa part de faux. C’est la situation qui prévaut en argumentation, où tout se passe comme si à chaque argument était attachée une part de vérité. Certains régimes de parole suspendent le vrai et le faux : l’humour, la littérature, etc., ce qui n’est jamais le cas en logique.

4. Quantité d’une proposition logique

La quantité de la proposition varie selon que le sujet réfère à un être, à certains êtres, à tous les êtres ou à aucun être de l’univers de référence. La quantité est exprimée par les quantificateurs, ‘∀’ (tous), et ‘∃’ (il existe). Les mots déterminants comme tous (tous les P, tout P, les P) ou certains (certains P, quelques P), les articles (le, les, un, portent des indications de quantité.

Selon leur quantité, les propositions sont dites universelles (tous les poètes, aucun poète) ou particulières (certains poètes). La proposition dite particulière ne réfère donc pas à un individu particulier. Sous sa forme traditionnelle, la logique ne traite pas de propositions prédiquant quelque chose d’un individu particulier, comme “Pierre” ou “ce poète”, V. Syllogisme.

En combinant quantité et qualité, on distingue quatre formes de propositions. Traditionnellement les affirmatives sont désignées par les lettres A et I (deux premières voyelles du verbe latin AffIrmo “ j’affirme”) et les négatives par les lettres E et O (nEgO, “ je nie”) :

A       universelle affirmative            tous les S sont P
E       universelle négative                 aucun S n’est P
I        particulière affirmative            certains S sont P
O      particulière négative               certains S ne sont pas 

5. Inférence immédiate

5.1 Inférence immédiate sur les termes quantifiés

Une inférence immédiate est une inférence qui porte sur le contenu quantifié d’une seule proposition :

Tous les A sont B, donc certains B sont A

L’inférence immédiate est une inférence effectuée à partir d’une seule prémisse ; les deux termes de la prémisse unique se retrouvent dans la conclusion (exemples supra). Dans le cas du syllogisme, l’inférence se fait à partir de deux prémisses et de trois termes, le moyen terme fonctionnant comme un “médiateur”, un intermédiaire, entre le grand terme et le petit terme ; il disparaît dans la conclusion.

Dans le cas de l’inférence immédiate, il n’y a pas “médiation” par un moyen terme, elle s’opère “im-médiatement”. Les deux termes de cette prémisse unique se retrouvent dans la conclusion, seule change la quantité de la proposition. On peut discuter du fait qu’il s’agit ou non d’un “vrai raisonnement”.

L’inférence immédiate est une inférence, ce n’est pas une reformulation, qui suppose l’identité de sens des deux énoncés :

Certains A sont B, donc certains B sont A (conversion, voir infra).
Tous les A sont B, donc certains B sont A (subalternation, voir infra).

Dans le premier cas, l’inférence immédiate correspond à une équivalence, mais pas dans le second (du fait que certains B sont A on ne peut pas déduire que tous les A sont B).

5.2 Inférence immédiate sur les contenus des mots pleins en langue naturelle

Dans le discours naturel, l’inférence immédiate peut porter sur les pronoms indéfinis quantifieurs (voir supra), ainsi que sur les contenus des mots pleins.

— Les inférences immédiates correspondent à des principes sémantiques liant les uns aux autres les pronoms indéfinis quantifieurs tous, chaque, certains, d’autres, aucun, plusieurs, d’autres etc.

— L’argumentation par la définition constitue une inférence sémantique immédiate, une inférence substantielle à partir de la signification d’un mot plein.

Les deux types d’inférences fonctionnent comme des réflexes sémantiques en combinaison avec des calculs fondés sur les lois du discours et le principe de coopération. Le maniement de ces inférences passe souvent inaperçu à cause de son évidence apparente, mais il n’est toutefois pas libre d’erreurs. Il doit être pleinement pris en compte comme un élément essentiel de la compétence argumentative.

6. Carré logique

Le carré logique exprime un ensemble d’inférences immédiates entre les propositions analysées de la forme sujet – prédicat en fonction de leur qualité, affirmative ou négative, et de la quantité de leur sujet (A, E, I, O, voir supra).

 

Ces quatre propositions sont liées par les relations suivantes.

Contrariété, entre l’universelle affirmative A et l’universelle négative E. A et E ne sont pas simultanément vraies, mais peuvent être simultanément fausses. En termes d’inférence immédiate, de la vérité de l’une on peut inférer immédiatement la fausseté de l’autre.

Subcontrariété, entre la particulière affirmative I et la particulière négative O. Au moins l’une des deux propositions I et O est vraie ; elles peuvent être simultanément vraies et ne peuvent pas être simultanément fausses. En termes d’inférence immédiate, de la fausseté de l’une on peut inférer immédiatement la vérité de l’autre.

Contradiction, entre :

    • L’universelle négative E et la particulière affirmative I.
    • L’universelle affirmative A et la particulière négative O.

E et I ne peuvent pas être simultanément vraies ni simultanément fausses (l’une seulement d’entre elles est vraie). De même pour A et O. En termes d’inférence immédiate, de la vérité de l’une on peut inférer immédiatement la fausseté de l’autre, et inversement.

— Subalternation entre :

    • A et I, l’universelle affirmative et la particulière affirmative ;
    • E et O, l’universelle négative et la particulière négative.

Si la superalterne est vraie, sa subalterne est vraie. Inférence immédiate :

Tout S est P, donc certains S sont P.

Si la subalterne est fausse, sa superalterne est fausse. Inférence immédiate :

Il est faux que certains S sont P, donc il est faux que tout S est P.

La subalterne peut être vraie et la superalterne fausse.

Convertibilité entre les propositions E et I : la proposition de départ a les mêmes conditions de vérité que la proposition obtenue en permutant sujet et prédicat :

E : aucun S n’est P si et seulement si aucun P n’est S
I : certains S sont P si et seulement si certains P sont S