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Induction

INDUCTION

L’induction est un procédé de généralisation fondé sur l’examen systématique d’un grand nombre de cas.
La méthode inductive appliquée en histoire et en littérature procède par enquêtes sur des cas concrets significatifs et les reprend dans des synthèses susceptibles d’être améliorées.

L’induction est un des deux modes d’inférence classiques, V. Déduction. L’induction va du particulier au général, elle généralise à tous les cas des constatations faites sur un nombre restreint de cas. Si on ne dispose que d’un seul cas, on a affaire à un exemple, V. Généralisation.

Je plonge la main dans le sac et j’en retire un grain d’avoine.
Je plonge une 2e fois la main dans le sac, et j’en retire un 2e grain d’avoine.
… Je plonge une 294e fois la main dans le sac, et j’en retire un 294e grain d’avoine.
Pour conclure avec certitude, il faudrait examiner grain à grain tout le volume restant ; mais cela prendrait beaucoup de temps. Je procède à un arbitrage entre le degré de certitude atteint et la durée de la tâche, en utilisant l’induction, je décide de gagner du temps et je conclus :
J’ai (certainement) affaire à un sac d’avoine.

La généralisation universelle et nécessaire (apodictique) est le produit de la déduction démonstrative. Elle est notée par une affirmation étendue à tous les cas.
L’article défini pluriel convient bien à la totalisation faite sur la base d’une expérience locale répétée : “les consommateurs apprécient les tomates noires de Crimée. L’affirmation portant sur les X admet des exceptions, “mais moi je préfère les Green zebra”. Autrement dit, les est orienté vers tous les, sans être équivalent à tous les.

On réfute une conclusion obtenue par induction en montrant qu’elle procède d’une généralisation hâtive, reposant sur l’examen d’un nombre de cas insuffisants ; pour cela, on exhibe des exemplaires de la collection qui ne possèdent pas la propriété qui a été généralisée à partir des cas précédents.

Cette induction, que l’on pourrait appeler induction catégorielle, repose sur l’analogie catégorielle:

C’est par la production de cas individuels présentant une similitude que nous nous sentons autorisés à induire l’universel. (Aristote, Top. Brunschwig, I, 18, 10 ; p. 32),

Les grains tirés sont “analogues” au sens où, même s’ils sont plus ou moins beaux, ils appartiennent tous à la même catégorie “être un grain d’avoine”.

1. Formes de l’induction

1.1 Induction complète

L’induction est par nature incomplète. L’induction est dite complète si on procède par inspection de chaque cas ; elle permet alors d’attribuer au groupe une propriété constatée empiriquement sur chacune de ses membres. Soit un hameau H composé des trois familles, X, Y, Z :

La famille X a une salle de bain.
La famille Y a une salle de bain.
La famille Z a une salle de bain
Conclusion : Les H-iens ont tous une salle de bain.

Les installations examinées sont analogues en ce qu’elles correspondent toutes aux critères définissant la salle de bain : une pièce isolée, avec un lavabo et une douche. L’induction complète procède en extension, par examen exhaustif de chaque cas et totalise de façon certaine ; elle n’est pas toujours possible, non seulement pour des raisons matérielles (temps), mais parce qu’on n’a pas accès à tous les membres de la catégorie. C’est pourquoi on lui préfère l’induction de la partie représentative au tout.

1.2 Induction de la partie représentative au tout

L’induction permet d’inférer, en intension, une proposition portant sur le tout à partir du fait qu’on a constaté qu’elle était vraie sur une partie, qui peut être quelconque ou représentative. Si la partie examinée est quelconque et petite, les risques d’erreur sont grands. Ils se réduisent si la partie est représentative. Soit E un échantillon représentatif de la population P,

40% d’un échantillon représentatif des votants a déclaré avoir l’intention de voter pour Untel, donc Untel obtiendra 40% des votes le jour de l’élection.

Selon que l’échantillon est ou non réellement représentatif, que les gens ont ou non donné des réponses fantaisistes, et si rien de nouveau ne se produit, la conclusion varie du quasi certain au vaguement probable, V. Composition.

1.3 Raisonnement par récurrence

En mathématique, le raisonnement par récurrence constitue une forme d’induction qui permet de conclure de façon certaine (Vax 1982, art. Induction mathématique ou raisonnement par récurrence). Il se pratique sur des domaines tels que l’arithmétique, où peut être définie une relation de succession. On montre que la propriété vaut pour 1 ; puis que si elle vaut pour un individu quelconque i, elle vaut pour son successeur i + 1. On en conclut qu’elle vaut pour tous les individus du domaine.

3. L’induction comme méthode positive de l’histoire littéraire

Le procédé inductif est typique de la méthode positive, en littérature comme en histoire. On ne peut dégager les lignes de force des événements et leurs causes générales qu’à partir d’études particulières en nombre suffisant, dont la synthèse suscitera de nouveaux travaux :

De ces travaux partiels, méthodiquement conduits, nous n’avons encore qu’un petit nombre et d’aucuns soutiendront peut-être, non sans pertinence, que le temps d’une étude d’ensemble n’est pas encore venu. On peut objecter pourtant qu’il n’est pas mauvais de faire le point, et qu’en signalant les questions à résoudre et en suggérant des solutions on a chance de susciter et d’orienter des recherches nouvelles.
Georges Lefebvre, La grande peur de 1789, 1932[1]

En science historique de la littérature, on procède de même, par accumulation de témoignages.

2 Diffusion de l’irréligion dans la noblesse et le clergé
Cette diffusion est considérable dans la haute noblesse. Les témoignages généraux abondent : “L’athéisme, dit Lamothe-Langon, était universellement répandu dans ce que l’on appelait la haute société ; croire en Dieu devenait un ridicule dont on avait soin de se garder”. Les mémoires de Ségur, ceux de Vaublanc, ceux de la marquise de la Tour du Pin confirment Lamothe-Langon. Chez Mme d’Hénin, la princesse de Poix, la duchesse de Biron, la princesse de Bouillon, dans les milieux d’officiers, on est, sinon athée, du moins déiste. La plupart des salons sont “philosophes” et des philosophes en sont le plus bel ornement. Non seulement chez ceux ou celles qui font profession de philosophie, chez d’Holbach, Mme Helvétius, Mme Necker, Fanny de Beauharnais (où l’on voit Mably, Mercier, Cloots, Boissy d’Anglas) mais chez les grands seigneurs. Chez la duchesse d’Enville, on rencontre Turgot, Adam Smith, Arthur Young, Diderot, Condorcet ; chez le comte de Castellane, d’Alembert, Condorcet, Raynal. Dans les salons de la duchesse de Choiseul, de la maréchale de Luxembourg, de la duchesse de Grammont, de Mme de Montesson, de la comtesse de Tessé, de la comtesse de Ségur (sa mère), Ségur rencontre ou entend discuter Rousseau, Helvétius, Duclos, Voltaire, Diderot, Marmontel, Raynal, Mably. L’hôtel de la Rochefoucauld est le rendez-vous des grands seigneurs plus ou moins sceptiques et libéraux, Choiseul, Rohan, Maurepas, Beauvau, Castries, Chauvelin, Chabot qui s’y mêlent aux Turgot, d’Alembert, Barthélémy, Condorcet, Caraccioli, Guibert. Il faudrait en énumérer bien d’autres : salons de la duchesse d’Aiguillon “ très entichée de la philosophie moderne, c’est-à-dire de matérialisme et d’athéisme”, de Mme de Beauvau, du duc de Lévis, de Mme de Vernage, du comte de Choiseul-Gouffier, du vicomte de Noailles, du duc de Nivernais, du prince de Conti, etc.
Daniel Mornet, Les origines intellectuelles de la révolution française. 1715-1787. [1]

L’affirmation à justifier est : « la diffusion de l’irréligion est considérable dans la haute noblesse » ; elle est soutenue d’un témoignage explicite, accompagné de trois autres simplement évoqués. Suit une affirmation du même ordre, « la plupart des salons sont philosophes, et des philosophes en sont le plus bel ornement », soutenue par vingt-huit noms de philosophes. La lecture est ennuyeuse, mais le raisonnement irrésistible.

L’induction suppose une abondance qui n’a rien à voir ni avec l’exagération ni avec le verbiage.


[1] Paris, Armand Colin, p. 270-271.

Indice

INDICE

L’indice (signe naturel) est une trace, une donnée constatable, liée à un état de chose hors d’atteinte directe. L’argumentation indiciaire conclut de la présence de l’indice à l’existence nécessaire ou probable de l’état de chose associé. Groupés en faisceaux convergents, les indices simplement probables peuvent devenir concluants.

Un indice [1] est une donnée perceptuelle directe, qu’on sait être matériellement liée, à un état de chose non accessible perceptuellement. Si je vois de la fumée (indice), je peux inférer qu’il y a du feu, en vertu des observations résumées par le principe “il n’y a pas de fumée sans feu”.
L’indice permet parfois d’inférer de manière certaine à l’existence du phénomène global, parfois l’inférence est seulement par défaut.
Les liens entre le signe naturel présent et son référent absent peuvent être de types très divers :

— La première manifestation d’un phénomène : un soleil couchant rouge / un temps pluvieux demain
— Un vestige d’une activité passée : le reste / le repas
— Une trace : empreintes digitales, traces de pas, traces de pneus
— Une partie d’un tout : un cheveu / une personne
— Un effet à sa cause : être fatigué / avoir travaillé

En lui-même, l’indice est irréfutable. L’indice est un fait certain, et « nous tenons pour certain d’abord ce que perçoivent les sens, par exemple, ce que nous voyons, ce que nous entendons, tels les indices [signa]» (Quintilien, V, 10, 12).

On emploie parfois le mot signe au sens d’indice. Un signe est :

Une chose dont l’existence ou la production entraîne l’existence ou la production d’une autre chose, soit antérieure, soit postérieure. (Aristote, P. A., II, 27)

Un signe naturel est très différent d’un signe linguistique, pour lequel le lien entre le signifiant et le signifié est social et arbitraire. Le signe naturel n’est pas une représentation symbolique du phénomène associé, ni un analogon global de la chose qu’il “représente”, comme dans le cas de la pensée analogique.

Argumentation indiciaire

La relation du signe naturel avec le phénomène qu’il révèle autorise des inférences ; l’argumentation fondée sur l’indice peut s’exprimer sous la forme d’un syllogisme. La majeure est un topos substantiel, c’est-à-dire un principe admis dans une communauté, qui exprime le lien de l’indice au phénomène ; la mineure affirme l’existence de l’indice, et la conclusion affirme l’existence du phénomène associé à cet indice.
La qualité de l’argumentation dépend de la nature du lien qu’elle exploite, selon que le lien du signe au phénomène est nécessaire ou probable.
La probabilité des signes naturels n’est pas la même chose que la vraisemblance des idées courantes majoritaires (les riches méprisent les gens / les gens méprisent les riches).

— L’indice concluant (tekmerion) est nécessairement lié au phénomène, l’association signe-phénomène correspond à une réalité empirique (non pas logique). L’indice a donc force de preuve. Il entre dans un syllogisme valide, dont la conclusion est certaine, comme dans l’argumentation suivante allant de l’effet à la cause :

Toute femme qui a du lait a enfanté (si L, alors E).
Cette femme a du lait, elle a donc enfanté.

Les empreintes digitales sont spécifiques de chaque individu
Vos empreintes digitales ont été relevées sur le volant de la voiture,
Vous avez pris le volant de la voiture.

Qui dit cicatrice, dit blessure. Comment avez-vous été blessé ?

Tes mains sentent la poudre, tu es un émeutier !

— L’indice probable, ou contingent (semeion), est un signe ambigu, qui peut être lié à plusieurs états de choses. Le syllogisme associé n’est pas valide :

Les femmes qui ont enfanté sont pâles (si E, alors P).
Cette femme est pâle, elle a donc enfanté.

Une condition nécessaire est prise pour suffisante : on peut être pâle par complexion, ou parce qu’on est malade. L’indice n’apporte pas de preuve, mais peut orienter les recherches ou jeter la suspicion.

Typiquement, les indicateurs périphériques ne sont pas des signes nécessaires : “il a un air coupable, donc il se sent coupable, donc il est coupable”, V. Circonstances.

Indice, symptôme, syndrome

La théorie des indices est liée à l’observation médicale : la rougeur est indice (signe, symptôme) de fièvre ; la souplesse de la peau est indice (signe) de l’âge. L’existence d’indices convergents justifie une accusation ou un diagnostic.

Les indices peuvent se constituer en faisceau convergent, constituant une argumentation à prémisses liées, qui elle est concluante. Une zone du corps peut être rouge, parce qu’elle a été frottée ; chaude, suite à un début de coup de soleil ; douloureuse ou enflée parce qu’elle a subi un choc. Mais si elle est à la fois rouge, douloureuse, chaude et enflée (rubor, dolor, calor, tumor), c’est qu’il y a une inflammation.

Les signes médicaux qui se présentent de façon groupée constituent un syndrome, c’est-à-dire un groupe de signes et de symptômes qui apparaissent simultanément et caractérisent une anomalie ou une condition physique particulière.

Le syndrome de Widal […] est un syndrome associant asthme, polypose naso-sinusienne et intolérance à l’aspirine, aux anti-inflammatoires non stéroïdiens, ainsi qu’à certains colorants alimentaires (Wikipedia, Syndrome de Widal)

Ce regroupement de signes est à la base d’un raisonnement médical concluant à une action justifiée : si un patient souffre d’asthme et a un problème de polypes naso-sinusiens, il est probablement allergique à l’aspirine, il doit être testé dès que possible.

Indice et intentions dissimulées

Le raisonnement indiciaire est également celui du militaire qui observe les actes et les mouvements de l’ennemi pour deviner ses intentions, sur la base d’un ensemble d’indices convergents.

Roland Dorgelès a eu « [le] singulier privilège de baptiser une guerre » : c’est lui qui le premier a appelé « drôle de guerre » la situation sur le front entre le 3 septembre 1939, date de la déclaration de guerre, et le 10 mai 1940, date de l’invasion de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg et de la France par l’Allemagne nazie. Son ouvrage, « La drôle de guerre », est constitué d’une série de reportages effectués sur le front pendant cette période. En avril 1940, il est en Alsace, sur un poste d’observation.

De là-haut, on domine les lignes ennemies comme d’un balcon. […] Le sergent qui ne les quitte pas des yeux, connaît maintenant leurs habitudes, sait d’où ils viennent et où ils vont.
— Là, montre-t-il du doigt, ils creusent une sape. Regardez la terre remuée… Cette maison grise, ils l’ont certainement bétonnée. Vous remarquez l’embrasure ? Et ces tuiles déplacées ? Leurs travailleurs en ce moment s’occupent surtout par là. Ce matin, j’en ai compté soixante qui revenaient du chantier. Avec des lampes : donc ils piochent dessous. De l’aube à la nuit, nos guetteurs restent penchés sur la lunette.
Roland Dorgelès, La drôle de guerre 1939-1940.[1]

Tout l’art de Sherlock Holmes réside dans l’observation, l’interprétation et la combinaison des indices, V.  Déduction. L’indice est une trace de l’action qui laisse inférer le modus operandi. Si les éclats de verre provenant de la fenêtre sont sur les tiroirs arrachés aux armoires et jetés dans la chambre, c’est qu’on a d’abord saccagé la chambre et qu’on a ensuite fracturé les vitres de l’extérieur, pour faire croire qu’on était entré par la fenêtre – alors qu’on est entré par la porte. Le coupable avait donc la clé. Quelles sont les personnes qui ont cette clé ?

Sciences des indices

L’exploitation des indices pour la reconstruction du scénario d’un crime, du déroulement d’une bataille, la reconstruction d’un squelette ou du tracé d’une ville est le fond des professions de détective, d’historien, de paléontologue et d’archéologue (Ginzburg 1999). Les conditions qui permettent d’inférer de l’existence d’un indice à celle d’un état de chose ou d’un être inaccessibles à l’observation directe définissent les techniques argumentatives spécialisées de ces différentes professions.


[1] Grec semeion σημεῖον, “signe ; marque ; preuve” ; tekmérion τεκμήριον “signe de reconnaissance, preuve”.
[2] Paris, Albin Michel, 1957, p. 9 ; p. 194.


 

Imitation – Parangon – Modèle

IMITATION, PARANGON, MODÈLE

1. Donner l’exemple / prendre (en) exemple

2.1 Prendre exemple, donner en exemple

Lorsque A prend B pour modèle, A justifie ses actions en disant qu’il suit l’exemple de B ; B lui-même n’est pas nécessairement conscient d’être un modèle pour A.
Pour amener quelqu’un à faire quelque chose, on peut procéder argumentativement, en lui exposant discursivement toutes les bonnes raisons de le faire. On peut en particulier argumenter par le modèle, en lui donnant en exemple des gens importants qui l’ont fait (variante de l’argumentation d’autorité). Cet “argument de l’exemplarité” peut être considéré comme un exemplum émergent.

2.2 Donner l’exemple

On peut également donner l’exemple, et faire soi-même ce qu’on souhaite que l’autre fasse, sans passer par le langage. On évite ainsi l’accusation de faire la morale aux autres, de faire du prosélytisme, et on se garde par définition des réfutations ad hominem, “vous faites pas ce que vous demandez aux autres de faire”.
Il ne s’agit plus de dire la norme, mais de la montrer en actes, de s’instituer soi-même comme norme. On ne peut alors parler d’argumentation par l’exemple que de façon métaphorique, comme on parle d’argumentation par la force pour ouvrir avec un tournevis une boîte de conserve. L’argumentation par l’exemple donné joue sur les mécanismes non verbaux de l’alignement (imitation sociale, entraînement, identification, empathie). Séduction et répulsion sont des forces qui poussent une personne à s’aligner sur un modèle et à se distancier d’un «antimodèle» (Perelman & Olbrechts-Tyteca, [1958], p 488 et suiv.)

L’argumentation éthotique est une forme d’argumentation par l’exemple, poussant l’auditoire à l’identification à un modèle particulier, l’orateur lui-même, V. Éthos.

La stratégie de l’exemple pour “faire faire” peut être utilisée pour toutes les formes de comportements qu’on souhaite modifier, comment manger proprement, parler de façon correcte, mener une vie digne de récompense dans l’au-delà. Au cours de ce processus, il peut y avoir persuasion (transformation des systèmes de comportement), mais tout ce qui persuade n’est pas le produit d’une argumentation, V. “Toi aussi!”.

2. Parangons et “grands analogues”

Dans l’argumentation politique, certains événements jouent le rôle de parangons : la signature des accords de Munich en 1938 et la défaite diplomatique des démocraties face à la volonté expansionniste nazie, le génocide des juifs, des tziganes et des homosexuels au cours de la seconde guerre mondiale, sont autant de grands analogues qui servent d’antimodèles pour penser tous les conflits actuels (Perelman & Olbrechts-Tyteca, [1958], id.). Pour les Américains, le Vietnam est le grand analogue appelé à la rescousse lorsqu’il s’agit de s’opposer à de possibles interventions militaires à l’étranger; il tend à être remplacé dans ce rôle par l’Irak, ou l’Afghanistan.
Ces événements parangons fournissent une grille de lecture et d’action applicable aux événements nouveaux ; ils fonctionnent en cela sur le principe du précédent. Ils mettent en scène des personnages source d’antonomase (figure par laquelle un membre de la catégorie est désigné par le nom du parangon de cette catégorie) : un Daladier ou un Chamberlain est une personne qui capitule devant un dictateur au lieu de le combattre, comme se sont conduits à Munich Édouard Daladier ou Neville Chamberlain vis-à-vis de Hitler.

3. Modèle

— En épistémologie, un modèle est une représentation d’un objet ou d’un état de choses. Le modèle reprend les éléments essentiels du donné correspondant et schématise ce qu’il représente dans son essence et ses fonctions afin de faciliter sa compréhension et sa manipulation. Un modèle est plus ou moins adéquat à son objet, et peut être révisé.

— Dans le domaine moral, un modèle est une personne qui incarne ou qui produit une norme.

— En théorie des catégories, le modèle correspond au prototype de la catégorie. Il fonctionne comme :

— L’élément générateur de la catégorie
— L’élément le plus représentatif de la catégorie, qui la définit
— L’élément le plus souvent cité en relation avec la catégorie
— La norme et le critère d’évaluation des membres de la catégorie
— Ce vers quoi tendent tous les membres de la catégorie.

— Dans la culture classique, l’autorité fonde la doctrine de l’imitation, et contribue à définir les genres littéraires en rapportant chacun d’eux à un modèle fondateur : le genre historique à Thucydide, la fable à Ésope et à la Fontaine, l’argumentation à Aristote ou à Cicéron, le roman de gare à Guy des Cars, etc. Appartient à tel genre l’œuvre qui ressemble au “modèle du genre”.

Dans « les petits garçons modèles”, “modèle” est pris au sens de “exemple à imiter”. Le modèle fonctionne relation a contrario avec un contre-modèle ou un antimodèle qui représente tout ce qu’il ne faut pas faire, une autorité négative, V. Autorité.


 

Ignorance

Arg. sur l’IGNORANCE

 

Le locuteur L1 avance une conclusion C sur la base d’un argument A. Son adversaire L2 refuse d’admettre cet argument (on suppose qu’il est incapable de le réfuter en bonne et due forme), et  rejette la conclusion C. À part cela, L2 ne propose rien : on comprend : pas de meilleur argument pour C, ni d’argument pour une autre position C’ ; dans ces conditions, L1 somme L2 de se rallier à ses positions, alors que L2 souhaite manifestement rester agnostique. Locke déclare que l’argument de L1 est fallacieux, mais Leibniz est plus prudent.

1. Argumentation par l’ignorance et légitimité du doute

L’argumentation par l’ignorance [1] est définie par Locke comme une des quatre formes fondamentales d’argumentation, V. Typologies modernes :

Un second moyen dont les hommes se servent pour porter et forcer, pour ainsi dire, les autres à soumettre leur jugement aux décisions qu’ils ont prononcées eux-mêmes sur l’opinion dont on dispute, c’est d’exiger de leur adversaire qu’il admette la preuve qu’ils mettent en avant, ou qu’il en assigne une meilleure. C’est ce que j’appelle un argument ad ignorantiam. ([1690], p. 573)

Cette stratégie est déclarée fallacieuse par Locke.
La situation où L1 s’appuie sur l’ignorance de L2 peut être schématisée par le dialogue suivant :

L11 :     — C, puisque A.
L21 :     — Je n’admets pas que A soit une preuve de CA est un mauvais argument. D’ailleurs, Je n’admets pas C.
L12 :     — As-tu quelque raison qui te permette de conclure à quelque chose de différent de ? As-tu de bonnes raisons de rejeter A comme preuve de C ?

L22 :     — Non
L13 :     — Alors tu dois admettre ma propre preuve et ma conclusion.

(i) Premier tour, L1 propose une conclusion justifiée.

(ii) Deuxième tour, L2 refuse de ratifier l’argumentation de L1. L2 semble n’avoir que sa conviction intérieure à opposer à L1, sans qu’il juge bon de lui donner un contenu quelconque.

 (iii) Troisième tour, L1 demande à L2 d’exposer les raisons de son doute. Il est parfaitement dans son droit de le faire, en vertu du principe conversationnel qui demande qu’une suite non préférée soit accompagnée d’arguments. L2 pourrait répondre :

— En présentant des objections contre C ou en réfutant l’argument A en faveur de C.
— En construisant un contre-discours apportant une « meilleure preuve ». Comme le texte ne dit pas pour quelle conclusion, on peut donc supposer les deux cas suivants selon que la preuve souhaitée devrait 1/ conclure à quelque chose de différent de C, mais toujours pertinent pour la discussion, ou bien 2/ apporter « une meilleure preuve » pour C.

(iv) Au quatrième tour, L2 s’avoue incapable de quoi que ce soit.

(v) Au cinquième tour, L1 peut :

— Se résigner au refus de ratifier de L1, tout en maintenant son argumentation :
D’accord, ce n’est pas un très bon argument, mais il est tout de même intéressant et c’est le seul que nous ayons trouvé.

— Sommer L2 d’accepter son argumentation : c’est ce qui constitue, d’après Locke, une fallacie d’argumentation par l’ignorance : puisque tu n’as rien à dire contre mon argumentation, tu dois admettre ma conclusion”.
L1 prétend donc imposer sa conclusion pour deux raisons, d’une part son propre argument  et d’autre part l’incapacité de L2 à défendre une autre conclusion.

Si Locke rejette les prétentions de L1 à l’étape (v), c’est qu’il considère comme légitime pour L2 de ne pas admettre une conclusion alors même qu’elle est argumentée et qu’il n’a au fond rien à lui opposer. Locke légitime ici le refus de se soumettre à l’argumentation, même bonne, alors que ce refus n’est fondé sur rien, sinon la seule intime conviction, ou une clause de conscience.

1. 1 Ad ignorantiam et présomption

À propos de cette analyse, Leibniz observe que « [l’argument ad ignorantiam] est bon dans les cas à présomption, où il est raisonnable de se tenir à une opinion jusqu’à ce que le contraire se prouve » ([1765], p. 437) ; présomption a ici le sens de “charge de la preuve”. La prétention de L1 est peut-être excessive et fallacieuse, néanmoins son argumentation crée ou reprend une préférence dans le champ concerné, et, en pratique, on peut s’y tenir jusqu’à ce qu’autre chose ait été prouvée.
L’argumentation par l’ignorance est un raisonnement “faute de mieux”, “en l’absence d’alternative”, qui prend une couleur différente lorsqu’il s’agit non plus de vérité et de savoir, mais de décision et d’action, possiblement urgente :

L11 : — Moi, je propose1) que nous prenions telle et telle disposition ; 2) que, dans ce cadre,  nous explorions telle et telle hypothèse ; maintenant, à vous la parole.
L2 :    — … [silence] L12 : —Vous ne dites rien ? Qui ne dit mot consent :
1) En l’absence de contradiction, ma proposition est adoptée.
2) En l’absence d’autre hypothèse, mon hypothèse sera adoptée comme hypothèse de travail.

Il est difficile de trouver quoi que ce soit à redire aux conclusions de L1. Il n’a pas dit que sa proposition était la seule valable, ni que son hypothèse devrait être tenue pour vraie. Il a mis son poids sur cette hypothèse, comme précédemment L1

1.2 Ignorance et tiers exclu

L’argument par l’ignorance est également défini, hors de toute considération sur la qualité de l’argument, comme une application illégitime du tiers exclu :

P est vraie puisque tu es incapable de prouver qu’elle est fausse.

Le seul argument en faveur de P est ici l’ignorance de l’interlocuteur. Si on considère que “on n’a pas prouvé que non P”, est équivalent à “non-(non-P)” on conclut que P, par application du principe du tiers exclu.
Mais les deux non- ne sont pas de même nature : “non-P n’est pas prouvé” ne veut pas dire “non P est faux” ; il y a confusion entre ce qui est vrai (ordre de l’aléthique) et ce qui est connaissable (ordre de l’épistémique), V. Absurde.

3. Argumentation par l’ignorance, Présomption d’innocence, Principe de précaution

3.1 Présomption d’innocence

Admettre P en l’absence de preuve de non P est une décision qui revient à l’institution habilitée à discuter et à décider dans le domaine concerné.
Dans le domaine judiciaire, la présomption d’innocence fait porter la charge de la preuve sur l’accusation, et fait bénéficier l’accusé de l’absence de preuve positive.

Vous devez prouver ma culpabilité.
Je suis innocent puisque vous êtes incapables de prouver que je suis coupable.

La présomption de culpabilité dirait que :

Tu dois prouver ton innocence.
Tu es coupable puisque tu es incapable de prouver ton innocence.

3.2 Principe de précaution

Dans le débat sur la toxicité de nouveaux produits, où il s’agit également de gérer des savoirs insuffisants.  Le principe de précaution demande qu’on soit vigilant sur l’usage, il consiste en une demande de vigilance sur les preuves qui peuvent apparaître :

Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.
Charte de l’environnement 2004, Art. 5[1]

Pour réfuter le principe de précaution, on le radicalise sous la forme d’une présomption de toxicité, “tout produit est présumé toxique jusqu’à ce qu’on ait prouvé son innocuité”.
Mais ce rejet du principe de précaution équivaut lui même à une présomption d’innocuité :

Il est possible que le produit ait des effets toxiques, mais ce n’est pas prouvé.
Tout produit est présumé non-toxique jusqu’à ce qu’on ait prouvé sa toxicité
Donc il n’a pas d’effets toxiques. Son usage est autorisé.

4. Ignorance et argument du silence, V. Silence


[1] Lat. arg. ad ignorantiam,  de ignorantia, “ignorance” ; ang. arg. from ignorance.

[2] http://www.legifrance.gouv.fr/ Droit-francais/Constitution/Charte-de-l-environnement-de-2004] ( 20 -09-2013.


 

Homonymie

HOMONYMIE

Deux mots sont homonymes lorsqu’ils ont le même signifiant et des signifiés totalement différents.
Le syllogisme et le langage scientifique en général bannissent l’emploi de termes homonymes.

Deux signes sont homonymes lorsqu’ils ont le même signifiant et des signifiés totalement différents.
En français, le signifiant bac correspond à trois mots homonymes (1. Récipient ; 2. Bateau ; 3. Baccalauréat) et à divers acronymes (BAC, Brigade Anti-Criminelle, etc). Ces homonynes sont homographes (même graphie) et homophones. Certains homonymes sont homographes sans être homophones, par exemple, couvent, “maison d’une communauté religieuse” et couvent, “3e personne du pluriel du verbe couver”.

1. Sophismes d’homonymie

Le dialogue de Platon, l’Euthydème, fournit un exemple de la pratique sophistique utilisant l’homonymie. Euthydème le sophiste, personnage éponyme de ce dialogue, démontre successivement les propositions contradictoires : « ce sont les savants qui apprennent » / « ce sont les ignorants qui apprennent » (Euth., V, 275c-276c ; p. 114). Les auditeurs, particulièrement le jeune Clinias, en restent tout abasourdis.

Comme l’explique Socrate, « le même mot s’applique à des gens qui sont dans des conditions opposées, à celui qui sait comme à celui qui ne sait pas » (ibid., p.111) : le maître apprend à l’élève alors que l’élève apprend du maître. Louer est lexicalement homonyme entre louer,“louange” et louer, “location”. Il l’est aussi syntaxiquement, selon la distribution des actants, locataire L et propriétaire P : L loue à P comme P loue à L. Être l’hôte de, apprendre fonctionnent de la même manière.

Comme vendre / acheter, louer et apprendre sont des corrélatifs.
Apprendre et louer sont des corrélatifs homonymes.

Le sophisme n’est pas destiné à persuader du faux, mais à déstabiliser les certitudes naïves. Par ce choc salutaire, leur public prend conscience de l’opacité et de la forme propre du langage.

2. Paralogisme d’homonymie

La fallacie d’homonymie est une fallacie d’ambiguïté, liée au discours, V. Fallacieux: Aristote. Dans la théorie du raisonnement syllogistique, un syllogisme fallacieux par homonymie n’est pas à trois mais à quatre termes, l’un des termes étant pris dans deux sens différents.

Le langage scientifique proscrit les glissements homonymiques et demande que l’on n’utilise que des termes définis de manière univoque et stabilisés dans leur signification et leur syntaxe. Dans le raisonnement naturel, le sens des termes se construit et se recompose au fil du discours, V. Objet de discours.

D’une façon générale, on a affaire à une question d’homonymie lorsqu’un terme a changé de sens d’une étape à l’autre du raisonnement, et, plus largement, de la discussion, quelle que soit la forme de ce changement de sens, par homonymie ou parce qu’il est pris dans son sens propre puis dans un sens figuré.
C’est ainsi que la discussion sur le crédit à accorder à une personne peut hésiter entre la fixation du montant d’un prêt et la confiance en cette personne. On dit qu’en allemand, la discussion économique de la dette financière reste liée à la discussion de la faute morale, le même signifiant, Schuld, ayant ces deux significations.[1]

La stratégie de distinguo permet de réfuter un discours jouant sur l’homonymie.


[1] http://dictionnaire. reverso.net/allemand-francais/schuld, (20 09-2013)


 

Genre, Arg. du —

Argumentation fondée sur le GENRE

L’arg. fondée sur le genre (ang. “genre”, vs. « gender”) attache à un membre d’une catégorie les stéréotypes de la catégorie.

1. Genre, générique

— Dans le langage courant, genre peut être utilisé comme marqueur d’approximation (je cherche un truc genre foulard), ou au sens de “par exemple” dans je cherche un truc genre foulard pour faire un cadeau. Genre fonctionne également comme pur ponctuant discursif :

du coup, on se posait la question parce que: en soi genre ya pas beaucoup de légumes qui poussent dans hm saison quand y fait aussi froid\ c’est fin comment on fait pour manger genre local et de saison si y a pas de légumes (rire) local et de saison\

— Dans une classification, un terme générique est un terme désignant un genre admettant plusieurs espèces (sous-genres).
En linguistique, le terme général (chien) est dit hyperonyme de plusieurs termes particuliers (Labradors, caniches…), qui sont ses hyponymes. Hyperonyme et hyponymes sont dans la relation genre / espèce. Parler de bouledogue est plus précis que parler simplement de chien ;  parler de chien est plus général que parler de bouledogue.

Un terme générique n’est pas un terme collectif. Un terme collectif est un substantif comme ensemble, tas, groupe, troupeau, équipe, collection… Ces noms renvoient au singulier à un ensemble d’objets ou d’individus pris comme une totalité relativement stable. Le substantif collectif au pluriel renvoie à plusieurs ensembles distincts de ce type.
Un terme générique n’est pas un terme ambigu ; le mot chien n’est pas ambigu entre les différents noms d’espèces de chien.
Un terme générique n’est pas un terme flou ou obscur. Il peut être précisé par le nom d’une des espèces ou sous-espèces qu’il couvre. Il apporte une information dont la valeur est relative aux besoins de l’échange.

Extension et intension — L’extension d’un terme est l’ensemble des individus auxquels peut renvoyer ce terme, V. Définition (1). Comme un genre réunit plusieurs espèces, le terme générique a forcément une extension plus grande que celle de chacune de ses espèces.
Du point de vue langagier, l’intension d’un terme correspond au sens de ce terme, à sa définition. Du point de vue cognitif, l’intension d’un terme est le concept associé à ce terme.
On voit qu’extension et intension varient en sens contraire : ce qu’on gagne en extension, on le perd en intension, et inversement.
— Lorsqu’on passe de bouledogue à chien, l’extension augmente et l’intension diminue : on perd ou on néglige les caractéristiques spécifiques du bouledogue ; elles ne sont plus pertinentes.
— Lorsqu’on passe de chien à bouledogue, l’intension augmente, et l’extension diminue : il y a moins de bouledogues que de chiens.
Cette opposition extension/intension est essentielle lorsqu’on évalue la pertinence d’une intervention par rapport à l’objet de la discussion.

2. Argument du genre

L‘argumentation du genre applique à un être les propriétés qui caractérisent la catégorie d’êtres à laquelle il se rattache. Il est parfois désigné par son nom latin : argument ejusdem generis, de genus, “genre” et idem “identique”.

Au sens strict, il transfère sur un individu les propriétés et devoirs attachés au genre dont relève son espèce. Au sens large, il attache à un individu les caractères de la catégorie à laquelle il appartient, V. Classification ; Catégorisation ; Définition ; Règle de justice ; A pari ; A contrario.

En particulier, genre peut être pris au sens qu’il a pour les “études de genre” qui étudient « les relations et les corrélations entre le sexe physiologique et le genre sexuel » (Wikipedia, Gender studies, 20-09-2013). On peut appeler l’argument du genre l’argumentation qui fonde une conclusion sur un argument spécifiant le genre (gender) de la personne considérée : “tu es un garçon, joue donc un peu à la poupée !”.
Cette argumentation est simplement une application au cas particulier du genre ( “gender”) de l’argumentation par catégorisation – définition. N’importe quelle argumentation fondée sur la catégorie X peut ainsi s’appeler “argument de X” : “Vous êtes professeur de mathématiques, vous devez être capable de calculer !”.

3. Clause d’extension au genre

La clause généralisante “et les choses du même genre” permet d’étendre à tous les êtres d’une même catégorie une disposition explicitement prise à propos de certains êtres prototypiques de la catégorie et explicitement énumérés. Le texte a la forme : “cette disposition concerne les a, les b, les c, et tous les êtres du même genre”, par exemple “… les voitures, les motos, et tous les moyens de transport”. Genre a ici le sens de catégorie.
Soit un être x ne figurant pas dans l’énumération ; s’il est possible de considérer que x appartient à la catégorie définie par l’énumération, alors, la clause “et tous les êtres du même genre” permet d’étendre à x la disposition concernant les a, les b et les c. Elle montre que les êtres cités (les a, les b et les c) sont là non seulement pour eux-mêmes, mais aussi en tant que prototypes sur lesquels est construite la catégorie, V. Analogie catégorielle.
À la différence de la clause explicite d’extension au genre, la particule etc. ouvre la liste sur de nouveaux individus, mais ne donne pas de catégorisation claire.
L’existence d’une telle provision générique permet l’application de la règle de justice ainsi que des argumentations a pari et a contrario.

On doit payer l’impôt sur les poules, et les oies, et les autres animaux de basse-cour.
Conclusion : donc sur les canards et les lapins.

Les poules et les oies sont mentionnées seulement comme exemples prototypiques de la catégorie “animaux de basse-cour”. On peut discuter si un paon est un animal de basse-cour. A contrario, l’absence de provision générique limite l’application de la mesure aux êtres explicitement cités :

On doit payer l’impôt sur les poules et les oies.
Conclusion : Donc même pas sur les canards.

À moins que l’on n’invoque l’intention du législateur.

Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamées dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.
Déclaration universelle des droits de l’homme, Art. 2, § 1 [1]

Cette clause extensive se trouve dans les notices d’utilisation précisant le bon usage d’un objet ; le fabricant se prémunit contre de possibles actions en justice :

Barbecue fixe en béton — Attention ! Ne pas utiliser d’alcool, d’essence ou autre liquide analogue pour allumer ou réactiver le feu. (Étiquette collée sur un barbecue)

V. Topique juridique.


[1] http://www.un.org/fr/documents/udhr/], (20-09-2013)


 

Généralité de la loi, arg. de la –

Arg. de la GÉNÉRALITÉ DE LA LOI

L’argument de la généralité de la loi [1] pose que la loi n’admet pas d’autres distinctions que celles qu’elle mentionne explicitement, ce qu’exprime l’adage latin : ubi lex non distinguit, non nobis est distinguere.

Si le règlement mentionne que “l’usage du téléphone portable est interdit pendant les cours”, alors son application est générale. Les excuses qui tentent d’en restreindre la portée en disant que le règlement vaut surtout “pour les plus petites classes”, ou qu’il ne vaut pas lorsqu’il s’agit de “gérer son compte en banque”, ou “pour ceux qui ont eu une bonne note” ne sont pas recevables. Le règlement n’admet d’exceptions que pour des cas de force majeure, dûment négociés.


[1] Lat. “a generali sensu”, lat. generalis “général”, sensus “pensée, idée” ; argument de la généralité de la loi. Ang. arg. from generality of rule of law.

Gaspillage

Arg. du GASPILLAGE

En l’absence de tout signe positif, l’argument du gaspillage s’appuie  sur les efforts passés pour justifier les efforts futurs, dont on espère qu’ils compenseront les pertes passées.
Cet argument incite à persévérer, alors que l’argument du petit doigt dans l’engrenage fait pression pour qu’on s’abstienne de s’engager.

1. Le topos

L’argument du gaspillage est défini comme suit par Perelman & Olbrechts-Tyteca :

L’argument du gaspillage consiste à dire que, puisque l’on a déjà commencé une œuvre, accepté des sacrifices qui seraient perdus en cas de renoncement à l’entreprise, il faut poursuivre dans la même direction. C’est la justification fournie par le banquier qui continue à prêter à son débiteur insolvable espérant, en fin de compte, le renflouer. C’est l’une des raisons qui, selon sainte Thérèse, incitent à faire oraison, même en période de “sécheresse”. On abandonnerait tout, écrit-elle, si ce n’était “que l’on se souvient que cela donne agrément et plaisir au seigneur du jardin, que l’on prend garde à ne pas perdre tout le service accompli et aussi au bénéfice que l’on espère du grand effort de lancer souvent le seau dans le puits et de le retirer sans eau”. ([1958], p. 375).

La définition de ce que le Traité appelle ici un « moyen » est une « technique discursive » particulière (ibid., p. 5), un type d’argument (topos), c’est-à-dire une schématisation d’ordre linguistico-cognitif.
Conformément à la tradition établie par Aristote dans la Rhétorique, le Traité introduit le topos du gaspillage par une définition suivie de deux illustrations. Le topos correspond au passage :

Puisque l’on a déjà commencé une œuvre, accepté des sacrifices qui seraient perdus en cas de renoncement à l’entreprise, il faut poursuivre dans la même direction.

Le topos met en scène des agents impersonnels (on); des situations très générales (commencé, œuvre, entreprise, sacrifices, direction). Il met en relation les éléments suivants.

1) Une situation initiale complexe, l’argument :

(a) On a commencé une œuvre, en vue d’un bénéfice ;
(b) cette œuvre est longue et difficile ;
(c) on n’a rien obtenu (implicite).

2) Ces conditions difficiles engendrent une interrogation puis un pari :

(d) Le désespoir menace ; il est possible de s’arrêter et on est tenté de s’arrêter, d’où la question “Faut-il continuer ?” Ce moment clé reste implicite dans le topos perelmanien.

(e) La situation est maintenant radicalisée, on risque de tout perdre :

Soit (e1) on “renonce”, et tous les efforts passés seront perdus.
Soit (e2) on continue, en “espérant” que les choses finiront par aller mieux.

Cet élément clé, l’espoir, apparaît explicitement dans le premier exemple.

(e2) est lié à (e1) par le topos des contraires :

abandonner et perdre
continuer et ne pas perdre, voire gagner (implicite).

3) D’où la conclusion (f) : “il faut poursuivre dans la même direction”.

Toutes ces conditions sont nécessaires, par exemple (e) ; s’il s’agissait d’une œuvre dont les résultats sont cumulatifs (du type exercices de musculation), alors on pourrait justifier l’arrêt en disant que “c’est toujours ça de pris”.

Le schème est structuré par une concaténation d’émotions :

Espoir → tentation du désespoir → espoir renouvelé

NB : Méthode d’identification du topos
L’entrée Type d’argumentation présente la méthode permettant d’identifier un topos dans un passage en prenant pour exemple l’argument du gaspillage.

2. Schèmes apparentés

Le topos du gaspillage est confirmé par le topos proverbial : “On ne change pas de cheval au milieu du gué” ; à quoi on réplique “Ou tu changes, ou tu te noies”.
Il est vulnérable à un contre-discours du type : “On a déjà suffisamment perdu d’argent / de temps comme ça”.

Pente glissante

L’argument du petit doigt dans l’engrenage : “On ne doit pas commencer, car, si on commence, on ne pourra plus s’arrêter” demande qu’on s’abstienne de s’engager dans une action, parce qu’on soupçonne qu’ensuite il ne sera plus possible de s’arrêter.
L’argument du gaspillage permet de persévérer lorsqu’on a mis le petit doigt dans ce qui semble bien être un engrenage, V. Direction.

“Fallacie des coûts irrécupérables”, ang. sunk cost fallacy

La notion d’argument des coûts irrécupérables (sunk cost argument) est discutée dans Walton 2002, Walton & al. 2008, p. 326-327. La théorie économique distingue les coûts irrécupérables (coûts rétrospectifs), déjà engagés et par conséquent perdus, et les coûts prévisionnels (coûts futurs). Cette théorie dit que, dans la prise de décision, seuls doivent être pris en compte les coûts prévisionnels. Il s’ensuit que, pour la théorie économique, la prise en compte des coûts passés et des sacrifices déjà consentis est irrationnelle et fallacieuse (Wikipedia, Sunk cost).
Le banquier doit savoir évaluer la situation de son débiteur à tout moment et décider en fonction de cette évaluation seule, sans prendre en compte les coûts passés. Il doit savoir prendre ses pertes, comme il sait prendre ses bénéfices, en temps voulu.

La théorie de l’argumentation constate l’existence d’un schème de raisonnement, sans forcément se mettre à la remorque de la théorie économique pour l’évaluation de ce schème. Il n’est d’ailleurs pas évident d’appliquer une méthode d’évaluation qui vaut peut-être pour l’économie au raisonnement de sainte Thérèse.

3. “Morts pour rien ?

L’exemple suivant utilise une formule qui est fréquemment associée à ce topos lorsqu’il sert à justifier la poursuite d’une guerre “alors ils seraient morts pour rien !”. Il s’agit de la guerre d’Irak (2003-2011).

Battre en retraite équivaut à reconnaître que tous nos gars sont morts pour rien ! ” tranche l’un [des fans de John McCain [1], le soldat Carl Broberg, rentré au pays.
Marianne, 1er-10 mars 2008, p. 59.

Dans ce second exemple, les éléments clés du topos sont dispersés dans tout le passage (segments soulignés par nous). Il s’agit de la Première Guerre Mondiale, 1914-1918.

 [Le philosophe Alain] ne croit pas à la guerre du droit. Il est favorable dès la fin de 1914 à une paix de compromis  […]. Mais il ne se fait guère d’illusions : précisément parce qu’elle est si affreuse, si meurtrière, si aveugle, si entière, la guerre est très difficile à terminer. Elle n’appartient pas, ou plus, à cette catégorie de conflits armés que des princes cyniques peuvent arrêter s’ils jugent que le coût en dépasse les gains possibles, et que le jeu n’en vaut plus la chandelle. Elle est dirigée par des patriotes, d’honnêtes gens élus par le peuple, enfermés chaque jour davantage dans les suites des décisions de juillet 1914. Les souffrances ont été si dures, les morts si nombreuses que personne n’ose agir comme si elles n’avaient pas été nécessaires. Et comment s’avancer, sans se désigner comme traître ? Plus la guerre dure, plus elle va durer. Elle tue la démocratie, dont elle reçoit pourtant ce qui perpétue son cours.
François Furet, Le Passé d’une illusion, 1995 .[2]

Selon Furet, les dirigeants des démocraties semblent considérer l’argument du gaspillage comme l’argument essentiel pour continuer la guerre.


[1] Candidat à l’investiture républicaine pour l’élection présidentielle américaine de 2008.

[2] Le Passé d’une illusion. Essai sur l’idée communiste au XXe siècle, Paris, Robert Laffont / Calmann-Lévy, 1995, p. 65.
Lors des présentations de cet exemple, des remarques ont été faites sur ce qu’il faut entendre par “diriger la guerre” et sur le fait que “la guerre tue les démocraties”. Aucun des auteurs de ces remarques n’était historien, tous étaient d’excellents connaisseurs des mécanismes de l’expression textuelle. Ces remarques se résument comme suit.
La guerre de 1914-1918 oppose deux alliances, La Triple Alliance (Empire allemand, la Double monarchie austro-hongroise et le Royaume d’Italie jusqu’en 1915 (Wikipedia), et la Triple entente, France, Royaume-Uni, Empire Russe (idem).
1 — La Triple entente est donc dirigée par deux régimes démocratiques et par un régime non démocratique, et La Triple Alliance par des régimes autocratiques, donc par « des princes cyniques de la vieille école » selon Furet.  Première remarque : On ne voit donc pas pourquoi ces régimes n’ont pas agi selon les principes que leur attribue Furet.
2 — Furet affirme que  la guerre « est dirigée par des patriotes, d’honnêtes gens élus par le peuple» ce qui ne vaut, en gros, que pour la Triple Entente.
3 — On peut admettre que “la direction du conflit”, s’il existe quelque chose de tel, est une responsabilité assumée par les deux protagonistes.
4 — Furet soutient deux thèses, l’une sur le mécanisme qui prolonge la guerre, l’autre sur le fait que « la guerre tue la démocratie ». Quatrième remarque, cette dernière observation est juste dans la mesure où la guerre altère le fonctionnement de la démocratie mais si on regarde ce qui s’est effectivement passé, on constate que la guerre n’a pas détruit les démocraties, mais bien les trois régimes autocratiques qui la menaient contre les démocraties.


 

Force des choses

Arg. de la FORCE DES CHOSES


En politique, l’argument de la force des choses invoque l’absence de choix qui rend vaines toutes les discussions et oblige la société à s’incliner devant ses déterminismes. À cet argument s’oppose le volontarisme politique.
En droit, l’argument naturaliste renvoie à l’hypothèse d’un législateur ou d’un juge impuissants.

L’argumentation par la force, le poids ou la nature des choses, ou par les contraintes extérieures, applique au monde social et politique les mécanismes de l’argumentation par la cause telle qu’elle vaut pour le monde physique. Elle présente par exemple une décision comme déterminée causalement par le contexte : “nous n’avons pas le choix”, “aucune autre politique n’est possible” ; “ce qui se passe dans le monde nous contraint à agir ainsi”.

Les accords d’Évian mettant fin à la guerre de décolonisation de l’Algérie (1954-1962) ont été ratifiés par référendum le 1er juillet 1962. Ce référendum a été précédé d’une allocution télévisée du Général de Gaule, Président de la République Française, appelant à voter “oui” à la question : « Voulez-vous que l’Algérie devienne un État indépendant coopérant avec la France dans les conditions définies par les déclarations du 19 mars 1962 ? »
(
oui : 99,72% des voix). Le passage suivant est extrait de cette allocution.

Personne ne peut avoir de doute sur l’importance extrême que va revêtir la réponse du pays. Pour l’Algérie, le droit reconnu à ses populations de disposer de leur sort marquera le début d’une vie toute nouvelle. Certains peuvent regretter que des préventions, des routines, des craintes aient empêché naguère l’assimilation pure et simple des Musulmans, à supposer qu’elle fût possible. Mais le fait qu’ils forment les huit-neuvièmes de la population et que cette proportion ne cesse de croître en leur faveur, l’évolution déclenchée dans les gens et dans les choses par les événements, et notamment par l’insurrection, et enfin ce qui s’est passé et ce qui se passe dans l’univers, rendent chimériques ces considérations et superflus ces regrets.
Charles de Gaulle, Allocution radiotélévisée du 20 décembre 1960.[1]

À cette argumentation, par le poids des choses, s’oppose l’argumentation volontariste, qui nie précisément ce déterminisme : “là où il y a une volonté, il y a un chemin”.

En mai-juin 1940, les armées belges, britanniques, françaises et néerlandaises sont mises en déroute par l’armée allemande nazie. Dans une situation qui semblait à beaucoup totalement désespérée, le Général Charles de Gaulle rejeta l’armistice qui venait d’être signé par le Maréchal Pétain, et depuis Londres, appela sur la BBC à la poursuite de la lutte.

Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l’ennemi. Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd’hui.
Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non ! […] 
Quoi qu’il arrive, la flamme de la Résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas.
Charles de Gaulle, Appel du 18 juin 1940. [2]

Argumentation volontariste et argumentation par la force des choses peuvent se combiner.

Argument naturaliste

En droit, l’argument naturaliste renvoie à l’hypothèse d’un législateur impuissant parce qu’il est impossible de légiférer dans certains domaines, ou d’un juge impuissant qui renonce à faire appliquer la loi, dans certaines occasions — on ne légifère pas et on ne juge pas les phénomènes naturels, V. Topique juridique.

L’argument naturaliste est également exploité dans le domaine de la loi religieuse.

Luther utilise cet argument à propos de l’interdiction du mariage des prêtres dans l’église catholique romaine. Selon lui, la plupart des prêtres ne peuvent pas se passer de femme, ne serait-ce que pour leur ménage :

Le pape n’a pas pouvoir pour prononcer pareille interdiction, pas plus qu’il n’a pouvoir pour interdire le boire, le manger et les issues naturelles, ou pour défendre de grossir. Aussi personne n’est-il tenu à observer ses prescriptions.
Martin Luther, À la noblesse chrétienne de la nation allemande, sur l’amendement de l’état de chrétien [1520].[3]

La fallacie naturaliste (naturalistic fallacy) valorise systématiquement le naturel, V. Fallacieux 3. L’accusation de fallacie naturaliste peut servir à réfuter l’argument de la force des choses.

L’argument naturaliste n’a rien à voir avec la fallacie descriptiviste (descriptive fallacy, qui est une forme de fallacie d’expression.


[1] http://fresques.ina.fr/de-gaulle/fiche-media/Gaulle00063/allocution-du-20-decembre-1960.html, (20-09-2013).
[2] http://www. charles-de-gaulle.org/pages/l-homme/dossiers-thematiques/1940-1944-la-seconde-guerre-mondiale/l-appel-du-18-juin/documents/l-appel-du-18-juin-1940.php] (20-09-2013).
[3] Martin Luther, Les grands écrits réformateurs, trad. par M. Gravier, Paris, GF-Flammarion, p. 158.


 

Force d’un argument

FORCE d’un argument

En argumentation on parle de force au sens de :
— Argument par la force, V. Menace ; Dilemme.
— Argument de la force des choses.
Force d’un argument, qui dépend du domaine de l’argumentation considéré et de l’objectif poursuivi.

Force d’un argument

Un argument peut être dit fort dans l’absolu ou relativement à un autre argument. La notion graduelle de force d’un argument s’oppose à la notion binaire d’argumentation valide ou non valide. Cette force est évaluée en fonction de différents critères.

1. Force inhérente à certains types d’arguments

Dans les domaines scientifiques, pour être fort, un argument doit avant tout être probant, démonstratif. Pour cela, il doit relever d’un ou de plusieurs domaines scientifique et l’argumentation qu’il soutient doit se développer selon les méthodes acceptées dans ce ou ces domaines, reposer sur des calculs corrects,
L’argument fort correspond à l’argument ad judicium au sens de Locke.

Dans le langage ordinaire, on peut considérer que certains schèmes d’argumentation sont par nature plus forts que d’autres, par exemple, un partisan de la loi naturelle estime qu’un argument fondé sur la nature des choses, telle que l’exprime une définition essentialiste, est plus fort qu’un argument pragmatique. Un esprit pragmatique pensera l’inverse, V.  Définition 1 ;

2. Force et efficacité

Estimée par rapport à un but comme la persuasion, l’argument le plus fort sera celui qui fait le mieux et le plus rapidement atteindre ce but, qu’il s’agisse de vendre un produit ou de faire élire un candidat. Le degré de force d’un argument lui est attribué après une étude d’impact sur le public concerné, V. Persuasion.

3. Force d’un argument et acceptation par un type d’auditoire

La Nouvelle rhétorique définit la force de l’argument en fonction de l’ampleur et de la qualité des auditoires qui l’acceptent, V. Persuader ; Orateur.

4. Force et renforcement linguistique des arguments

Les arguments orientés vers une certaine conclusion appartiennent à la même classe argumentative ; ils possèdent tous, en ce sens, une certaine force pour cette conclusion. Au sein de la même classe argumentative, la force d’un argument peut être déterminée en référence à une gradation objective comme l’échelle des températures, ou être simplement attribuée à l’argument par le locuteur qui valorise tel argument par rapport à tel autre. Cette différence est marquée au moyen de morphèmes argumentatifs.
Les transformations des agencements des arguments selon leur force relative sur les échelles argumentatives sont régies par les lois de discours.