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A repugnantibus

    • Lat. a repugnantibus, du lat. repugnans (PPrst / Subst), “contradictoire ; résistant, contraire, incompatible”.
      Le sens de “répugnant” est également dérivé de cette base, mais ce n’est pas ce sens qui est utilisé en argumentation. L’argument a repugnantibus n’est pas l’argument du dégoût ; la réfutation par les conséquences désagréables correspondrait plutôt à la réfutation ad incommodum.
      Néanmoins, repugnans au sens de “inacceptable, révoltant” exprime bien le fait que, dans l’argumentation ordinaire, le jugement d’incompatibilité peut s’appuyer sur des valeurs et des émotions.

1. Dans les Topiques Cicéron définit a repugnantibus comme le lieu des choses logiquement contradictoires (Cicéron, Top., Xii, 53-58, p. 83-85). Ce lieu est repris par Boèce ; Stump traduit a repugantibus par “from incompatibles” (Boèce = Boethius [1978], p. 64), V. Contraires.

2. Bossuet définit l’argumentation a repugnantibus comme une mise en contradiction de l’acte et des discours : « votre conduite ne convient pas avec vos discours » ([1677], p. 140), ce qui correspond à la troisième forme d’argument ad hominem.


A priori, a posteriori

  • Lat. prior, “supérieur, antérieur, plus ancien, meilleur, premier” ; posterior, “inférieur, qui vient derrière, plus tard ; second”.

1. A priori, a posteriori

Dans le langage courant, a priori équivaut à “à première vue, avant toute analyse approfondie, dans le cas général”, V. Raisonnement par défaut. A posteriori situe la réflexion “après avoir mûrement réfléchi, après coup”.
En philosophie, la discussion de l’a priori / a posteriori est liée à celle du nécessaire et du contingent, et de l’analytique et du synthétique.
La différence a priori a posteriori est d’ordre épistémologique. La connaissance a posteriori est une connaissance concrète, construite à partir des données extraites du monde par l’observation et la pratique. Elle s’oppose à la connaissance purement intellectuelle a priori, qui ne nécessite pas d’autre connaissance que celle du langage, peut-être elle-même appuyée sur une intuition des essences.

1. Argumentation a posteriori

L’argumentation a posteriori part de données d’expérience et remonte à leur cause, à leur origine ou à leur essence, et elle va de ces données à leur origine ou à leur cause, V. Conséquence. Les argumentations fondées sur l’exploitation d’un indice, d’un exemple, sont des cas d’argumentation a posteriori, ainsi que l’abduction, qui rattache les données à une explication théorique capable d’en rendre compte.

2. Argumentation a priori

À la différence de l’argumentation a posteriori, l’argumentation a priori s’effectue hors de toute considération de l’existant ; elle part de l’Idée platonicienne, de ce qui est premier, profond, supérieur, essentiel, pour en déduire les conséquences.

Rousseau, au moment de s’interroger sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes, marque la distinction entre ce que serait une recherche d’ordre historique (a posteriori) et ses propres réflexions a priori :
Commençons donc par écarter tous les faits, car ils ne touchent point à la question. Il ne faut pas prendre les Recherches, dans lesquelles on peut entrer sur ce sujet, pour des vérités historiques, mais seulement pour des raisonnements hypothétiques et conditionnels ; plus propres à éclairer la nature des choses qu’à montrer la véritable origine, et semblables à ceux que font tous les jours nos Physiciens sur la formation du monde.
Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes [1755][1]

L’argumentation a priori prend appui sur des fondements de différentes natures.

— La cause  est considérée comme première (conditionnante) par rapport à l’effet, qui est second (conditionné) ; l’argumentation a priori correspond alors à l’argumentation de la cause à l’effet.
— Les traits essentiels, qui définissent l’être ou l’objet, sont premiers par rapport aux traits accidentels qui les affectent et sont considérés comme seconds. L’argumentation a priori correspond à diverses formes de déductions qui partent de principes, de définitions langagières, d’axiomes pour en dérouler les conséquences.

L’argumentation essentialiste a priori part de la définition d’un concept pour en tirer analytiquement les conséquences ; elle correspond à l’argumentation par la définition essentialiste. On considère qu’une telle définition exprime l’essence de la chose sur laquelle on raisonne, et que l’esprit humain a la capacité d’entrer en contact avec (d’appréhender) cette essence. L’argumentation a priori, fruit d’une contemplation pure, part d’une connaissance a priori substantielle des essences et progresse en passant d’une évidence intellectuelle à l’autre, la déduction restant dans le domaine de l’a priori. Dans une vision platonicienne, la contemplation ordonnée des essences définit la connaissance suprême, et l’argumentation a priori, qui porte “sur l’être des choses”, est la forme d’argumentation la plus valorisée.

2. Argumentations ptopter quid et quia

    • Propter quid, “à cause de quoi” ; quia, “parce que”.

2.1 Propter quid

L’argumentation par la cause est parfois désignée en latin comme argumentation propter quid, “à cause de quoi”. Elle a le caractère d’une argumentation a priori. L’argumentation propter quid descend de la cause et en dérive des effets. Si la cause est assimilée à l’essence, alors l’argumentation propter quid correspond à l’argumentation a priori, par la définition.

2.2 Quia

L’argumentation par les conséquences est parfois désignée en latin comme argumentation quia, “parce que”. Elle remonte des effets aux causes, et correspond à l’argumentation a posteriori.
La preuve quia est première par rapport à nous, alors que la preuve propter quid est première dans l’absolu.

2.3 Deux types de parce que

Cette distinction correspond à la différence entre deux usages de parce que.
Parce que de cause à effet, ou parce quepropter quid :

— Pourquoi la pelouse est-elle mouillée ?
— (Elle est mouillée) parce qu’il a plu.

Parce que de l’effet à la cause, ou parce quequia :

Il pleut, parce que la pelouse est mouillée
*Pourquoi pleut-il ? — Parce que la pelouse est mouillée

— Pourquoi dis-tu (qu’est-ce qui te permet de dire) qu’il pleut ?
— Parce que la pelouse est mouillée.

2.3 Deux types de preuves de l’existence de Dieu

La distinction quia / propter quid est proposée par Thomas d’Aquin à propos de deux modes possibles de démonstration de l’existence de Dieu (ST, 1e Partie, Question 2, 2 ; Com. NE, 4, §51).
— La preuve propter quid correspond à la preuve ontologique de l’existence de Dieu. Elle consiste à définir Dieu comme un être infiniment parfait, pour en déduire qu’il existe nécessairement, cette conclusion étant, comme le dit Saint Anselme, le fruit « d’un silencieux raisonnement avec [soi]-même » (Anselme, Pros., p. 3).

— La preuve quia prouve l’existence de Dieu par la perfection du monde. Dieu est défini comme un être infiniment parfait et la perfection implique l’existence ; un être qui n’existe pas ne saurait être parfait.
Cette thèse est présentée par Voltaire sous la forme d’une analogie classique :

L’univers m’embarrasse, et je ne puis songer
Que cette horloge existe et n’ait point d’horloger.
Voltaire, Les Cabales, Œuvre pacifique, Londres, [1772], p. 9.


 [1] In Œuvres complètes, t. III, édition de B. Gagnebin et M. Raymond, Paris, Gallimard (La Pléiade), 1964, p. 132-133. (Ponctuation originelle.)

A pari

Argumentation A PARI

L’argumentation a pari peut porter sur des individus (voir règle de justice et argumentation par la définition), ou sur des groupes d’individus; elle sert  alors les opérations d’extension et de redéfinition des catégories.

1. Usages et définition

    • Lat. a pari, abréviation de l’étiquette a pari ratione, “pour la même raison” ; de par, “chose égale” ; ratio, “raison”.

On peut distinguer deux formes d’argumentations a pari, selon que le raisonnement porte sur des individus ou des classes d’individus, V. Classification ; Catégorisation.
On utilise parfois l’étiquette “argument a comparatione” ou le vocabulaire de l’analogie pour désigner l’argumentation a pari, sous ses deux formes.

1.1 Argumentation portant sur des êtres appartenant à une même catégorie

Lorsque l’argumentation a pari porte sur des êtres appartenant à une même catégorie, elle se confond avec la règle de justice, qui prévoit que tous les individus d’une même catégorie doivent être traités de la même façon.
C’est ce que dit également l’argumentation par la définition de la catégorie, qui veut que  tout ce qui peut se dire d’un membre d’une catégorie en tant que telle  (espèce, genre…) ,puisse également se dire de chacun des autres membres appartenant  à cette même catégorie.
Ce mode de traitement est définitoire de la notion d’appartenance d’un être x à une catégorie, ou, en logique, à un ensemble défini en intension (xE).

1.2 Argumentation portant sur des êtres appartenant à des catégories différentes

Lorsque l’argumentation a pari porte sur des êtres appartenant à des catégories différentes, elle correspond à une opération de restructuration des catégories. C’est cette forme qui est définie dans la présente entrée.
L’argumentation annule les différences considérées comme spécifiques, et met en avant les caractères communs à deux espèces ou à deux groupes d’individus pour n’en constituer qu’une seule. Cette forme de restructuration est courante pour les catégories socio-historiques, alors que les catégories scientifiques ne sont restructurées que très localement au terme de discussions réglées menées entre spécialistes du domaine.
Les catégories sociolinguistiques proches sont perpétuellement déstabilisée et reconstruites par des argumentations a pari. Les classifications naturelles ne connaissent pas de tels mouvements.

L’argumentation a pari

[applique] « à une autre espèce du même genre ce qui a été affirmé pour une espèce particulière » (Perelman & Olbrechts-Tyteca [1958], p. 325).

Un argument a pari est celui qui raisonne par égalité des cas : si un parricide mérite la mort, il en va de même d’un matricide. (Chenique 1975, p. 358)

L’argumentation a pari  transfère à une espèce de criminels (ici les matricides) une propriété, une qualité ou un droit, une peine (ici “mériter la mort”), actuellement appliquée à une autre espèce (les parricides), en arguant qu’elles appartiennent au même genre (ici “meurtrier d’un parent”).  Schématiquement :

Situation                Le crime de matricide est puni de prison à perpétuité.
Proposition             Aggravons le châtiment du matricide !
Argument              Le crime de parricide est puni de la peine de mort.

Inférence a pari      Parricide et matricide sont des crimes “du même genre”    Il s’agit dans — les deux cas du meurtre d’un parent — La différence de genre n’est pas pertinente.

Conclusion              Le matricide mérite la peine de mort.

Le raisonnement a pari réduisant deux catégories à une seule doit être envisagé différemment  selon qu’il s’agit:
— D’un raisonnement décontextualisé, comme en logique.
— D’une situation argumentative où la question argumentative apparaît dans un contexte qui exclut  de fait une branche de a priori.

2. A pari syllogistique

Du point de vue de la contemplation de la vérité, l’argumentation a pari est soit un truisme syllogistique, soit un paralogisme, selon que la propriété envisagée est ou non générique. Considérons deux espèces relevant du même genre.

2.1 Propriété générique

Si la propriété en question est générique, alors elle est vraie de toutes les espèces couvertes par le genre, en particulier pour les deux espèces concernées. On est dans le cas (1) de a pari
qui correspond au syllogisme:

Avoir une température constante” est une propriété générique des mammifères.

Les baleines, les humains… sont des mammifères.
Les baleines, les humains… ont donc une température constante.

Dans les termes de la définition donnée supra :

Si les baleines sont des animaux à température constante
“Ce qui est dit d’une espèce…”, ici les baleines…,

alors les hommes sont des animaux à température constante
“…est appliqué à une autre espèce…”, ici, les hommes,

puisque les hommes et les baleines sont des mammifères.
“…du même genre…”, ici, les mammifères.

Il peut sembler étrange de partir de l’espèce baleine pour transférer à l’espèce humaine la propriété générique “être à température constante” : le mouvement de la connaissance va des êtres centraux, les mieux connus de la catégorie, ici les hommes, aux êtres périphériques, ici les baleines. Mais dans la situation envisagée la connaissance est supposée totale et distribuée de manière homogène, et les notions d’objet central ou périphérique ne sont pas pertinentes.

2.2 Propriété non générique

Si la propriété n’est pas générique, alors l’inférence constitue un paralogisme :

Les labradors sont des retrievers (“chien d’arrêt dressé pour rapporter le gibier”),
Les caniches sont des chiens, comme les labradors,
Donc les caniches sont des retrievers.

Mais les caniches ne sont pas des retrievers. La propriété “être un retriever” observée sur les labradors ne peut leur être transférée : c’est qu’il ne s’agit pas d’une propriété générique, attachée au genre chien, mais d’une propriété spécifique partagée seulement par certaines espèces de chiens, dont ne font pas partie les caniches.
Les prédicats d’espèces intègrent tous les prédicats de genre : si les labradors sont des chiens, alors tout ce qui peut être dit des chiens peut être dit des labradors. Mais certaines choses sont vraies des labradors qui ne sont pas vraies de tous les chiens, par exemple “sont des retrievers”. On ne peut transférer des propriétés d’espèce à espèce qu’à condition qu’il s’agisse de propriétés génériques, et non pas de propriétés spécifiques, propres ou accidentelles. Cela   suppose qu’on dispose d’une typologie bien faite, et, pour que l’argument soit reçu, qu’on soit d’accord sur elle.

3. L’impasse apparente a pari / a contrario

Deux paradoxes sont attribués à l’argumentation a pari. On considère une situation où des classes d’individus A et B, proches mais distinctes selon un certain point de vue, sont traités de manière différente. Dans cette situation :

a pari détruit a pari.
a contrario et a pari s’annulent

3.1 A pari annule a pari

A pari étend aux A le traitement réservé aux B, en se fondant sur le fait qu’ils relèvent d’une catégorie commune, ou en construisant une catégorie capable d’inclure les A et les B :

Les A sont comme les B ! Ils doivent être traités comme les B ! (1)

Mais a pari permet tout aussi bien d’étendre aux B le traitement des A, en répliquant :

Si A est comme B, B est aussi comme A ; c’est B qui doit être traité comme A !

Le premier prend pour base que les femmes doivent être traitées comme les hommes, c’est-à-dire, faire le service militaire; le second prend pour base que les hommes sont des femmes comme les autres,  et que par conséquent elles ne doivent pas non plus faire de service militaire (voir infra).

3.2 A contrario annule a pari

A contrario justifie la différence de traitement, en se fondant sur le fait que A et B sont réellement des contraires, au sens où il s’agit d’espèces distinctes d’un même genre:

(2) Les A ne sont pas comme les B ! Ils doivent donc être traités de façon spécifique ! (2)

La question argumentative est de savoir si la différence entre A et B doit être supprimée?

— A contrario répond “non !”,
— Tous les partisans de a pari répondent “oui !”, mais
  • Les uns alignent les femmes sur les hommes
               • Les autres alignent les hommes sur les femmes.

Dans une classification où la différence homme / femme est considérée comme une différence naturelle, on ne peut qu’en rester à cette double impasse. D’où la conclusion que tout cela ne sert à rien (dans la citation suivante, le terme analogie correspond à a pari) :

On connaît les méthodes d’interprétation habituelles de l’argumentum a contrario et de l’analogie : elles sont complètement dépourvues de valeur, cela résulte déjà suffisamment du fait qu’elles peuvent conduire à des résultats opposés, et qu’il n’existe aucun critérium qui permette de dire quand c’est l’une et quand c’est l’autre qu’il faut mettre en œuvre. (Kelsen 1962, p. 459)

4. pari en contexte social et culturel

Dans le cas précédent, tout change si l’on ne considère plus la différence entre catégories comme naturelle, mais comme sociale et culturelle.
Considérons une situation dans laquelle les G et les B sont traités différemment. L’argument a pari peut être  utilisé pour soutenir les affirmations « Tous des G ! » ou « Tous des B ! » et a contrario, pour réfuter les deux.

4.1 A contrario

A contrario est l’argument du status quo, qui peut être opposé aux deux formes d’alignements a pari.
Ceux qui veulent maintenir le status quo ne supportent pas la charge de la preuve. Pour justifier la différence de traitement, il leur suffit de maximiser l’opposition entre les F et les G. Ils peuvent pour cela se contenter de reformuler et amplifier le discours dominant soit l’opinion dominante, soit l’opinion telle qu’elle est cristallisée dans la loi en vigueur:

Ce n’est pas par hasard qu’on parle de garçons et de filles, c’est parce que les garçons sont des garçons et les filles sont des filles et pas autre chose, c’est comme ça et pas autrement.  Les F sont comme ci et les G sont comme ça, tu n’y peux rien !

4.2 A pari

Le partisan de l’un ou l’autre alignement a pari des catégories (socio-historiques) peut attaquer ce discours par une stratégie à deux volets, la minimisation et la maximisation.

— La minimisation porte sur les différences autrefois considérées comme centrales.  Elles sont reconstruites comme de simples faits périphériques, ou anecdotiques, dépassés, ridicules, etc.
— La maximisation porte sur les éléments autrefois considérés comme périphériques, anecdotiques, autrefois niées ou méprisées.  Elles sont maintenant redécrites comme de comme dominants, pertinents et super.

L’approche syllogistique de a pari  ne tient pas compte des préférences et des impossibilités inscrites dans la situation d’argumentation. Ces conditions contextuelles excluent  systématiquement l’une ou l’autre application de l’a priori. A pari est logiquement bidirectionnel et contextuellement monodirectionnel, comme on peut le voir dans les cas suivants.

4.3 A pari contre a pari : Asymétrie des deux branches de l’alternative

Le contexte de la discussion définit des orientations, des préférences, des impossibilités. Ces éléments se matérialisent par l’existence d’une charge de la preuve, qui  varie selon le contexte de la discussion, mais qui est un trait définitoire d’une situation argumentative.
La situation argumentative n’est pas binaire comme le sont le vrai et le faux en logique, le + et le – en arithmétique, mais toujours en déséquilibre, ce qui joue en faveur d’un discours contre l’autre. Cette dissymétrie joue sur tous les phénomènes d’opposition, par exemple la droite et la gauche. Le contexte élimine l’une ou l’autre branche de a pari ; a pari est logiquement bidirectionnel et contextuellement unidirectionnel, comme on peut le voir sur les exemples suivants.

Service militaire : filles / garçons

Contexte : Un pays où les garçons, mais pas les filles, effectuent un service militaire obligatoire.
Appliquer a pari aux garçons, c’est-à-dire prétendre qu’ils ne devraient pas faire leur service militaire, revient à demander la suppression de l’armée ou sa professionnalisation. Là serait le véritable enjeu, et non pas celui de l’égalité de traitement entre garçons et filles.
Il s’ensuit que l’argument a pari ne peut être avancé que par les filles, ou par l’administration militaire désireuse d’incorporer des filles.
La question argumentative pertinente ne peut être que « les filles doivent-elles aussi faire leur service militaire ?« , et a pari soutient très bien une réponse positive.

Contrats de travail : Contrats Permanents (CP / à Durée Déterminée (CDI)

Contexte : Certains employés bénéficient d’un contrat à durée indéterminée (CDI), tandis que d’autres ont un contrat à durée déterminée (CDD), le premier type de contrat étant considéré comme le meilleur du point de vue des travailleurs. Dans une période de prospérité et de plein emploi, les CDI sont la norme, et l’alignement des CDD sur les CDI est à l’ordre du jour. La question d’un éventuel alignement des CDI sur les CDD n’est pas pertinente. La différence sera niée par des arguments tels que :

Les CDI sont exploités, nous sommes tous des travailleurs, tout le monde devrait pouvoir avoir un CDD !

Dans des conditions économiques moins favorables, les CDI deviennent la norme, et leur alignement sur les CDD n’est pas à l’ordre du jour. La différence sera niée par des argumentations telles que :

Les gens qui ont des CDD sont des privilégiés, il faut abolir les privilèges, tout le monde devrait être mis sur un CDI !

Meurtres: Parricide et matricide

Contexte : Un groupe dans lequel un processus d’apaisement est en cours ; il y a un effort clair pour éliminer toute forme de violence. Dans une telle situation, une généralisation a pari de la peine de mort est hors de question. La seule question pertinente peut être « Devons-nous réduire la peine pour le parricide ? », et a pari soutient une réponse positive.

4. Raisonnement contextualisé :
Question, doxa et charge de la preuve

L’impasse que dénonce Kelsen est celle d’une théorie décontextualisée de l’argumentation qui efface l’existence d’une question argumentative, d’une doxa, et d’une charge de la preuve, soit toutes les conditions contextuelles de base définissant une situation argumentative où les positions sont par essence asymétriques.

Dans l’argumentation ordinaire on doit tenir compte du fait que la définition des catégories ne les met pas à l’abri de leur contestation, destruction et reconstruction. Les catégories sont des entités dynamiques et révisables.
En contexte argumentatif, a pari et a contrario ne sont pas appliqués “à sec”, comme des principes logiques symétriques. Les paradoxes de leur neutralisation réciproque sont produits par la négligence des conditions pragmatiques dans lesquelles on fait appel à eux :
— D’une part, a pari ne peut pas neutraliser a pari dans la mesure où une des deux branches de a pari est neutralisée contextuellement.
— D’autre part, l’application de a contrario et de a pari est bien plus complexe que l’application mécanique d’un principe général, car elle dépend d’un travail de maximisation (a contrario) ou de minimisation (a pari) de la différence.

A contrario

Argumentation A CONTRARIO

L’argumentation a contrario correspond à l’argumentation par les termes opposés.

 

Cette argumentation permet de soutenir ou de réfuter une assertion combinant deux termes en substituant à ces deux termes deux termes opposés, selon que ce nouvel énoncé est ou non avéré (plausible).

Lat. contrarius, “contraire”. On trouve aussi la formulation explicite “argument a contrario sensu”, argument “par le sens contraire” ; ainsi que la construction avec la préposition ex, complecti ex contrario : “conclure par les contraires” (Cicéron, cité dans Dicolat, Complector).

En droit, l’argument a contrario est défini comme :

Un procédé discursif d’après lequel, une proposition juridique étant donnée, qui affirme une obligation (ou une autre qualification normative) d’un sujet (ou d’une classe de sujets), faute d’une autre disposition expresse, on doit exclure la validité d’une proposition juridique différente, qui affirme cette même obligation (ou une autre qualification normative) à l’égard de tout autre sujet (ou classe de sujets).” (Tarello 1972, p. 104). C’est ainsi que si une disposition oblige tous les jeunes gens, ayant atteint l’âge de 20 ans, à accomplir leur service militaire, on en conclura, a contrario, que les jeunes filles ne sont pas soumises à la même obligation. (Perelman 1979, p. 55)

Une mesure n’est applicable que dans la catégorie et aux personnes strictement mentionnées et seulement à elles ; si une disposition est prévue pour les êtres appartenant à telle catégorie, alors elle ne s’applique pas aux êtres qui n’appartiennent pas à cette catégorie. Ainsi définie, l’argumentation a contrario correspond à l’argumentation par les contraires.

C’est une application de la règle de quantité de Grice, qui demande que l’on fournisse la quantité d’information nécessaire, ni plus ni moins, V. Coopération. La disposition doit être prise au sens strict ; elle n’est pas accompagnée d’une clause du genre qui permettrait son extension ; si le législateur avait eu l’Intention d’incorporer les filles, il lui aurait suffi de remplacer “jeunes gens” par “personnes”.
Cette règle suppose que le système du droit est bien fait et stable. Dans une période d’évolution de la société et de révision du droit, on opposera l’argumentation a pari à l’argumentation a contrario Dire que les femmes sont engagées dans un processus de conquête de l’égalité avec les hommes, c’est dire qu’elles refusent qu’on définisse leur statut a contrario par rapport à celui des hommes, et qu’elles demandent que les lois soient appliquées a pari, quel que soit le degré d’attractivité de ces lois (droit de vote ou service militaire).
Il n’y a pas de paradoxe dans le fait qu’il soit possible d’appliquer a pari et a contrario, dans une même situation ; cela ne fait que refléter la dualité des positions possibles sur les questions sociales. Le paradoxe n’apparaît que si on veut faire fonctionner le règlement comme un système logique immuable, asocial et anhistorique.

Table des Entrées

 A cohærentia ► Cohérence 

A comparatione


A conjugata  ► Apparentés


A contrario


A fortiori              

A pari        

A priori, A posteriori     

 A repugnantibus             

A simili     

Ab , ad , ex  : noms latins des arguments    

 Ab exemplo         

 Abduction            

Absurde

 Accent  ►  Paronymie      

Accident    

 Accords (1)           

« Accords préalables » ►  Conditions de discussion              

 Ad baculum  ► Menace     

Ad hominem       

Ad incommodum

Ad judicium

 Ad litteram ► Fond ; Sens strict

Ad personam ► Attaque personnelle

Ad populum

Ad quietem ► Tranquillité            

Ad rem ► Fond

Ad verecundiam ► Modestie         

Affirmation du conséquent ► Déduction

Alignement, Alliance ► Orientation (I)

Ambiguïté

Amphibolie ► Ambiguité           

Analogie (I) : La pensée analogique   

Analogie (II) : Le mot et les concepts

 Analogie (III) : Analogie catégorielle   

Analogie (IV) : Analogie structurelle