CONTRE-ACCUSATION
La contre-accusation est une stratégie de défense par laquelle l’accusé
— Reconnaît l’existence des faits (la mobylette a été brûlée) et leur qualification (c’est un délit).
— Nie être l’auteur du délit, et l’attribue à quelqu’un d’autre, V. Stase.
Accusateur : — Tu as volé la mobylette !
Réplique de l’accusé :
• Accuse une personne tierce: — C’est pas moi, c’est le chef qui a volé la mobylette (1)
• Contre-Accusation :
• du forfait dont il est accusé : — “C’est celui qui dit qui l’est”
C’est toi qui as volé la mobylette pour toucher l’assurance ! (2)
• d’un autre forfait: — Et toi, tu as bien volé un sac à dos dans le train ! (3)
La stratégie de contre-accusation fonctionne aussi bien dans le cadre informel de la famille qu’au tribunal.
La réplique (3) peut, d’une part, passer pour un aveu implicite, et d’autre part, permettre d’ouvrir des poursuites contre le nouvel accusé.
Situations de contre-accusation
On rapporte que les accusés dans les procès de sorcellerie en Pays basque, au 17e siècle usaient de ce procédé :
Peu de temps avant l’envoi de la commission royale dont fera partie de Lancre, des événements significatifs avaient déjà eu lieu, dans les lieux mêmes, et avec les mêmes personnages qu’on verra réapparaître dans le texte du Tableau : Des rivalités locales entre groupes familiaux avaient donné lieu à des accusations de sorcellerie, manière expéditive mais désastreuse de se débarrasser du groupe rival, qui fait en réponse usage du même procédé.
Pierre De Lancre. Tableau de l’inconstance des mauvais anges et démons, 1612[1]
La stratégie de contre-accusation fonctionne de façon spectaculaire dans les procès politiques, particulièrement si l’accusateur est le juge :
Le láogăi « est un camp de rééducation par le travail en République Populaire de Chine » (Wikipédia, Laogai).
Enfin, on l’a vu au laogai, celui qui accuse, en Chine communiste, a toujours raison, puisqu’il se barde de citations et de slogans intouchables ; on aggrave presque systématiquement son cas en se défendant. La seule réponse efficace réside donc dans une contre-accusation de niveau supérieur : qu’elle soit fondée ou non importe peu, l’essentiel étant qu’elle soit exprimée en termes politiquement justes. La logique du débat pousse donc à l’élargissement constant du champ des attaques, du nombre des attaques et du nombre des attaqués.
Stéphane Courtois & al. Le livre noir du communisme, 1997[2]
La contre-accusation prend également une grande force devant le tribunal populaire-médiatique : “You are fake news !”.
Trump’s Impeachment Defense Borrows an Old Karl Rove Strategy — Ed Kilgore (11. 13, 2019)
There’s one Rovian strategic principle that Team Trump is following to absolute perfection before and during the impeachment proceedings the president now faces, as explained in a 2005 academic discussion of Rove’s campaign modus operandi :
Tactic #3: Accuse Your Opponent of What He/She is Going to Accuse You Of
This is another preemptive tactic, in which Bush has launched his campaigns by accusing his opponent of his own weaknesses.[3]
[1] Pierre De Lancre. Tableau de l’inconstance des mauvais anges et démons, où il est amplement traité des sorciers et de la sorcellerie, 1612. Introd. et notes par Nicole Jacques-Chaquin. Paris, Aubier, 1982, p. 8.
[2] Courtois Stéphane, Werth Nicolas, Jean-Louis Panné, Paczkowski Andrzej, Margolin Jean-Louis 1997. Le livre noir du communisme – Crimes, terreur, répression. Paris, Robert Laffont, p. 582
[3] http://nymag.com/intelligencer/2019/11/team-trump-deploying-rovian-strategy-of-accusing-accusers.html