CONVERGENCE
Deux ou plusieurs arguments sont convergents lorsqu’ils soutiennent indépendamment la même conclusion ; ils sont coorientés vers cette conclusion. On parle alors d’argumentation ou de raisonnement convergent ou multiple (ang. convergent, multiple argument). La convergence est un des modes d’organisation des discours complexes soutenant une conclusion, V. Liaison ; Série.
On a affaire à un cumul d’arguments, qui, pris séparément, peuvent être relativement faibles, peu concluants, mais qui, pris en bloc, se renforcent (“deux raisons valent mieux qu’une”) : “Mon ordinateur commence à vieillir, il y a des promotions sur ma marque favorite, je viens de toucher une prime, j’achète !”. Chacun des arguments est orienté vers la conclusion, “J’achète !”.
Chaque argument fournit une “bonne raison” autonome. Chacune de ces argumentations (Arg_i => Conclusion) est ici schématisée globalement. Si on rétablit ces lois de passage, on obtient le schéma suivant, à comparer avec celui de l’argumentation liée, V. Modèle de Toulmin.
De la même manière, des contre-arguments peuvent converger pour réfuter une conclusion.
La structure ouverte de l’argumentation convergente est caractéristique du filet argumentatif, opposé à la chaîne démonstrative. Dans la chaîne démonstrative, chaque pas est nécessaire et suffisant ; si une étape n’est pas valide, la chaîne se brise. Dans le cas du filet argumentatif, si un maillon du filet se rompt, le filet peut toujours être utilisé pour prendre des poissons, du moins les plus gros.
Les scripts argumentatifs ont une structure d’argumentations convergentes, dans leur partie positive comme dans leur partie réfutative.
1. Disposition des arguments convergents
Dans la rhétorique classique, la théorie de l’organisation générale du discours (dispositio) porte sur les différentes capacités de persuasion attribuées aux divers arrangements d’arguments convergents de force différente.
Si les arguments convergents sont de force très différente, la présence d’un argument faible à côté d’un argument fort risque de nuire à l’ensemble de l’argumentation, particulièrement si cet argument clôt l’énumération : Faut-il commencer par l’argument le plus fort ou le réserver pour la fin ? Faut-il commencer par l’argument le plus faible, ou l’enfouir comme une incidente quelque part ailleurs dans le discours ?
C’est un grand chasseur, il a tué deux lions, trois sangliers et un lapin de garenne.
Les arguments convergents peuvent être simplement juxtaposés (disposition paratactique), ou connectés :
1° (Arg1) ; 2° (Arg2) ; 3° (Arg3) ; donc Concl.
Arg, en outre Arg et enfin Arg, donc Concl
Les connecteurs non seulement Arg1 mais Arg2 ; en outre Arg2 ; en plus Arg2 ; sans parler de Arg2… produisent outre l’effet de cumul, un effet de radicalisation croissante de l’argumentation. Cet effet est net dans le cas du connecteur d’ailleurs :
[Conclusion] puisque Arg1, Arg2… et d’ailleurs Argn
Mais non, Pierre ne viendra pas dimanche, il a du travail, comme d’habitude, d’ailleurs sa voiture est en panne.
Le locuteur considère que le premier argument est suffisant pour la conclusion, mais qu’il ajoute en plus, “pour faire bonne mesure”, un autre argument. Ducrot et al. (1980, p. 193-232) décrivent l’argument introduit par d’ailleurs comme « l’argument du camelot ». L’image fait référence à la pratique des marchands ambulants vendant par lots une marchandise de qualité médiocre, et ajoutant sans cesse au lot de nouveaux éléments, par exemple en ajoutant une bouilloire (ici, l’argument introduit par d’ailleurs) pour rendre plus attractif un lot de casseroles (ici, les autres arguments):
Le locuteur prétend viser une conclusion r, il donne pour cette conclusion l’argument P qui la justifie. Et dans un second mouvement discursif, il ajoute un argument Q, allant dans le même sens que P. Dans la mesure où P tout seul devrait déjà conduire à r, Q est ainsi présenté comme n’étant pas nécessaire pour l’argumentation. (Bourcier & al., 1980, p. 195)
On peut considérer que chaque argument apporte une partie de la vérité, et que ces contributions peuvent être arithmétiquement ajoutées pour constituer un grand discours décisif. On peut aussi penser que, par nature, chaque argument est présenté comme suffisant, et que leur ajout obéit en fait à la logique de la mise en rayon de tous les produits disponibles, tous plus satisfaisants les uns que les autres.
2. Réfutation point par point
Pour réfuter la conclusion d’une argumentation convergente, on doit réfuter chacun des arguments qui soutiennent cette conclusion ; à une argumentation convergente, on répond ainsi par une réfutation point par point ; c’est une argumentation au cas par cas, limitée aux cas qui ont été avancés par l’adversaire.