REPRISE DU DISCOURS
Dans un dialogue argumentatif, les partenaires sont amenés non seulement à renvoyer les partenaires intéressés à ce qui a déjà été dit par les divers participants actifs (“comme tu disais il y a un instant …”), mais à “réanimer” leurs paroles, c’est à dire à les reprendre de façon plus ou moins stricte. Les motifs de ces reprises sont divers et hétérogènes, et concernent aussi bien l’expression phonique ou graphique que le contenu sémantiques ou argumentatifs. Les opérations de renvoi et de reprise définissent par exemple l’argument d’autorité, l’argument ad hominem. Ils sont constitutifs dans tous les actes d’approbation et de réfutation.
Positivement, le locuteur peut se référer explicitement ou implicitement à d’autres discours co-orientés avec le sien, par exemple pour mettre ses conclusions C sous leur autorité, soit pour souligner la convergence de leurs arguments.
Négativement, le locuteur est confronté à des discours qui le réfutent ou qui contre-argumentent en construisant des positions incompatibles avec les siennes. Face à ces contre-discours, le locuteur peut choisir de les ignorer ou de les reprendre, V. Prolepse
Ce travail de reformulation et d’expansion d’un discours cité peut correspondre soit à une explication, une interprétation, où la reformulation est co-orientée avec le discours originel, soit être l’élément de base d’une réfutation, qui s’appuie sur cette reformulation.
1. Modalités générales des reprises
Cette reprise argumentative peut se faire sous différentes modalités correspondant à différentes stratégies, le but étant d’étayer le discours dans lequel est insérée la reprise.
Allusion — L’allusion, positive ou négative, a la forme d’une trace qui permet de repérer un discours autre, sans que l’on puisse désigner précisément l’auteur ou le passage visé. L’acte de reprise tombe dans le vide si ce discours primaire n’est pas identifiable.
Citation explicite référencée — Aux antipodes de l’allusion, la citation explicite référencée est exprimée par un passage entre guillemets, accompagné de ses références de manière à construire un objet non équivoque : ce qui a été dit, par qui, quand, où, etc. Cette forme de citation est caractéristique du régime scientifique de la réfutation, adressée à la lettre à ce qui a été dit. Elle suppose que la citation est correctement contextualisée et que le discours source est disponible.
Citation libre — La citation libre référencée combine des éléments de la formulation originelle, avec des adaptations à leur nouveau contexte, qui peuvent aller jusqu’à la reforumation d’éléments secondaires qui, en principe, n’affectent pas le sens du texte cité. présentée par le citeur comme une reformulation paraphrasant un contenu originel.
La reformulation permet d’en exposer le sens ou de mieux l’adapter aux intentions présentes du locuteur. Le discours est référencé de façon large par le renvoi à son auteur “comme le dit X dans cette tribune”, “comme l’a dit X à un journaliste”.
Le produit de ce travail d’adaptation et de reformulation peut s’intéger à une explication, une interprétation, du texte premier, où la reformulation est co-orientée avec le discours originel, soit fonctionner comme élément de confirmation ou de réfutation.
On peut rejeter une citation libre en montrant que son montage est tendancieux ou caricatural.
— Elle a été intentionnellement mal comprise ; on fait un procès d’intention à son auteur.
— Sa reformulation est tendancieuse ou caricaturale, c’est-à-dire qu’elle contient une réinterprétation de la position attribuée à la source citée lui faisant dire ce qu’elle n’a jamais dit.
— qu’elle omet des circonstances pertinentes, et qu’elle laisse de côté des éléments essentiels,
— que cette manœuvre ou cette erreur rendent la citation absurde et auto-réfutée, ou la réorientent vers d’autres conclusions qui lui sont étrangères, V. Épouvantail.
Il n’est jamais évident de déterminer dans quelle mesure quelqu’un a voulu dire ou réellement dit quelque chose qu’il est possible d’inférer de la lettre de ce qu’il a dit.
On peut rejeter une citation explicite référencée en montrant que le passage est mal cité : la citation est incomplète, mal découpée, décontextualisée et coupée du système de pensée qui lui donne sens. Le citeur est représenté comme un ignorant, à qui on donne une explication, ou une leçon.