Fable

FABLE

La fable est un genre littéraire argumentatif où se cumulent intentions esthétiques, politiques et didactiques. On peut la rapprocher de l’anecdote typique rapportée comme un témoignage vécu donneur de leçon politique ou sociale, et qui reste irréfutable à moins de provoquer un incident avec le narrateur.

Selon la Rhétorique d’Aristote, la fable est un des trois types d’exemples, les deux autres étant l’analogie, et le fait historique passé (ou précédent). La fable est porteuse de moralité, mais aussi de leçons sociales et politiques, comme le montre la fable du cheval voulant se venger du cerf et, ce faisant, s’est rendu esclave de l’homme, avec une application aux anciens sauveurs de la patrie qui se transforment en tyrans (Rhét., II, 20, 1393a30 ; Chiron, p. 359-360).

Une fable est un récit didactique, relativement bref, dont les acteurs sont des humains ou des animaux. Ce récit se déroule selon un schéma “situation initiale – complication – action – dénouement”, dont les différentes étapes sont rapidement parcourues.
La fable trouve son terme dans une maxime exprimant une norme morale ou sociale. Cette maxime est interprétée comme une vérité utile à la formation morale des enfants.

Si cette leçon est vue comme la conclusion tirée du récit qui l’accompagne, la fable a immédiatement une forme argumentative. Par exemple, dans “Le loup et l’agneau” (V. Réfutation par les faits), le récit présente un cas où le plus fort l’emporte contre le faible, alors que les raisons du faible sont irréfutables et que celles du fort sont nulles. La morale est une généralisation d’un constat fondé sur ce seul cas fictif, stylisé comme exemplaire.

La fable a la forme d’une paire < topos substantiel (le récit et sa morale) – enthymème correspondant (le récit fabuleux) >, soit non plus d’un énoncé, mais d’un topos autoargumenté.
Elle donne un corps à un principe argumentatif général qui sera mis en application dans des cas particuliers. L’ensemble, forme et substance, constitue un schème argumentatif, une forme unique à laquelle il suffit de faire allusion pour en tirer argument.

La fable fait autorité, et peut servir de précédent prototypique pour la catégorie de faits qu’elle met en scène. Elle a dans la vie civile, les mêmes vertus que l’exemplum dans la vie religieuse. Les deux ont le même pouvoir, de persuader de manière plaisante les enfants, petits et grands.

Réfuter les fables ? En France, les Fables de La Fontaine servent de modèle à ce genre. L’institution scolaire en fait un élément idéal de consensus (V. Doxa ; Croyances de l’auditoire). Comme dans le cas de la métaphore, la meilleure réfutation d’une fable serait une autre fable. La fable déterritorialise la discussion, dans un univers d’enfance et de fiction hors d’atteinte de la réfutation.