GÉNÉRALISATION
L’opération de généralisation à de nouveaux êtres ou de nouveaux cas permet d’étendre le domaine de validité d’un jugement empirique porté sur un nombre d’abord restreint d’êtres ou de cas. La généralisation peut aller jusqu’à l’affirmation de l’universalité du jugement originel.
Général, généralité
Un propos général n’est pas forcément un propos vague ou flou. Un discours d’introduction est un discours général qui renvoie à des discours plus spécifiques traitant de points particuliers. Du point de vue conceptuel, un discours général monte en abstraction pour couvrir plus d’objets, mais apporte moins d’information sur ces objets qu’une théorie particulière. L‘argument de la trop grande généralité permet de réfuter un discours général en l’accusant de ne pas préciser correctement le sens de ses termes et leur domaine d’application en fonction de ce qu’exige la question (manque de pertinence) : “Le propos est banal et envoie à des faits connus et admis par tout le monde ; il n’apporte pas d’information nouvelle ; tout cela ne fait pas avancer la discussion.”
En situation argumentative, on soutiendra un discours général en disant qu’il schématise les faits en mettant l’accent sur leurs traits essentiels, ou on le critiquera en disant qu’il appauvrit ses objets.
En sciences, la généralité d’une théorie correspond au nombre de cas dont elle peut rendre compte. Sa capacité de généralisation est sa capacité à rendre compte de nouveaux cas. C’est une qualité essentielle d’une théorie.
En droit, le principe de généralité de la loi pose que l’application de la loi n’admet pas d’exception ; l’application de la loi est universelle.
Généralisation, généralisation hâtive
En termes logiques, la généralisation est l’opération par laquelle on fait porter le jugement sur une quantité croissante d’individus (on augmente la quantité du sujet d’un prédicat), de la proposition singulière ( à sujet concret) à la proposition particulière (certains), à la proposition universelle (V. Proposition), selon la progression :
Proposition singulière, proposition à sujet (unique) concret : Paul, l’homme qui…, ce…
Proposition particulière : plusieurs / certains / quelques (-uns) / beaucoup de (des) N
Proposition universelle : Tout, tous les, les, … X
On peut distinguer différents modes de généralisation.
Généralisation sur un cas exemplaire.
À la différence de la généralisation inductive, l’argument par l’exemple et l’exemplum procèdent à partir d’un seul cas érigé en paradigme.
La généralisation inductive opère en extension, alors que l’exemple rhétorique procède en intension.
Généralisation inductive
La généralisation à partir d’une série ouverte de cas (les X que je connais) correspond au passage du quantifieur certains X à (tous) les X. Cette généralisation définit une induction valide dans la mesure où elle repose sur un constat de fait, et où elle est posée comme révisable, en fonction des nouveaux cas qui se présenteront.
La généralisation est fallacieuse si elle s’appuie sur un nombre clos et insuffisant de cas.
Généralisation hâtive
En principe, la solidité du principe affirmé dépend du nombre de cas cités. On tire argument de leur petit nombre pour rejeter les conclusions qu’on en tire :
On n’a peut-être pas assez remarqué combien est toujours dérisoirement petit le nombre de ces exemples tirés de l’histoire sur lesquels on assied une “loi” qui prétend valoir pour toute l’évolution, passée et future, de l’humanité. Celui-ci (Vico) proclame que l’histoire est une suite d’alternances entre une période de progrès et une période de régression ; il en donne deux exemples ; celui-ci (Saint-Simon) qu’elle est une succession d’oscillations entre une époque organique et une époque critique ; il en donne deux exemples ; un troisième (Marx) qu’elle est une suite de régimes économiques dont chacun élimine son prédécesseur par la violence ; il en donne un exemple !
Julien Benda, La Trahison des clercs [1927]. [3]
On remarque également que le principe général affirmé par Benda : « le nombre de ces exemples tirés de l’histoire sur lesquels on assied une “loi” qui prétend valoir pour toute l’évolution, passée et future, de l’humanité est toujours dérisoirement petit » est lui-même appuyé sur trois exemples.
Les quelques cas cités ne procèdent pas selon la logique de la généralisation inductive , mais selon celle de l’exemple rhétorique, ou, dans le meilleur des cas, de l’ecthèse. Il est très difficile de faire mieux.
Généralisation sur un trait générique,
Pour la technique essentialiste de la définition et de la classification des êtres, le trait générique est caractéristique du genre. Le trait générique est général, mais tous les traits généraux ne sont pas génériques.
La généralisation à partir d’un seul cas est fallacieuse si elle prend pour base un trait accidentel (périphérique). Elle est valide si elle ne retient que les traits génériques (essentiels), V. Ecthèse.