CAS PARALLÈLES
On parle de cas parallèles lorsque les deux cas analogues relevant de domaines distincts sont rapportés en des termes identiques, mettant ainsi en évidence leur identité de structure et de développement. Il est alors justifié de les réunir sous une même catégorie pour un même traitement. |
Comme l’analogie structurelle, le cas parallèle est invoqué ou construit pour transférer des jugements, des émotions et des actions stabilisées dans le domaine source vers un domaine cible.
Deux cas sont dits parallèles si leur analogie n’est pas ponctuelle, mais filée : les deux cas sont liés points par point, dans leurs détails et dans leurs grandes caractéristiques. Autrement dit, l’analogie tend à l’identité.
Ces deux cas sont exposés de manière exhaustive par des descriptions ou des récits formellement superposables.
Dans l’exemple suivant le vol est mis en parallèle avec le viol. Le récit de vol se transforme en récit de viol par substitution des termes spécifiques irréductiblement attachés à chacun des domaines (homme / femme, etc.). Les récits étant calqués l’un sur l’autre, tout ce qui est dit de l’un apparaît vrai mot pour mot de l’autre, tout jugement porté sur l’un vaut pour l’autre.
Le procédé des cas parallèles permet de pousser l’analogie jusqu’à l’identification : tout correspond, traits essentiels et accessoires, réactions psychologiques et comportements après l’agression : il s’agit bien de la même chose.
MACHISME
Si un viol était jugé comme un vol : la lettre à l’éditeur est devenue virale
Un extrait du texte publié par un lecteur d’EL PAÍS et devenu populaire dans les réseaux sociaux
HÉCTOR LLANOS MARTÍNEZ – 17 MAI 2018
Je suis un homme de taille moyenne et déjà d’un certain âge. L’autre soir, de retour chez moi, cinq jeunes et forts individus m’ont forcé à entrer dans un portail et, sans brandir de couteaux ou d’autres armes, ils m’ont ordonné de remettre tous les objets de valeur que je portais, de me soumettre à tout ce qu’ils me demandaient. Effrayé par l’intimidation, je leur ai donné ma montre, mon téléphone portable et l’argent que j’avais dans mon portefeuille, je me suis soumis à tout ce qu’ils me demandaient. Maintenant, j’hésite à porter plainte, car peut-être n’ai-je pas assez résisté, je n’ai pas crié, je ne les ai pas menacés, je n’ai pas offert de résistance physique ou verbale, je n’ai pas risqué ma vie pour sauver mes biens. Certains penseront peut-être que j’ai collaboré au vol et que j’ai même apprécié. Ça ne vous rappelle rien? [1]
Ce récit de vol est construit de façon à correspondre mot pour mot au récit prototypique de viol ; entre parenthèses, les éléments du fil analogique communs aux deux récits :
Je suis une femme de taille moyenne et déjà d’un certain âge [Description de la personne agressée]. L’autre soir, de retour chez moi, [vie ordinaire] cinq jeunes et forts individus [Circ. : v(i)ol en bande organisée] m’ont forcé à entrer dans un portail [contrainte] et, sans brandir de couteaux ou d’autres armes [pas d’armes : c’est un délit, pas un crime) ils m’ont agressée sexuellement [agression] et ordonné de me soumettre à tout ce qu’ils me demandaient. [injonction] Effrayée par l’intimidation, je me suis soumise à tout ce qu’ils me demandaient [soumission]. Maintenant, j’hésite à porter plainte [honte, culpabilité], car peut-être n’ai-je pas assez résisté, je n’ai pas crié, je ne les ai pas menacés, je n’ai pas offert de résistance physique ou verbale, je n’ai pas risqué ma vie pour me préserver [la victime culpabilise]. Certains penseront peut-être que j’ai collaboré au viol et que j’ai même apprécié [retournement de la culpabilité ; soupçon de consentement à l’agression].
[1] https://verne.elpais.com/verne/2018/05/17/articulo/1526568238_009707.html