Arg. à prémisses LIÉES
LINKED – COORDINATE arg.
L’argumentation liée est définie comme une argumentation où la conclusion repose sur plusieurs propositions dont la combinaison produit un argument.
On dit également que la conclusion est soutenue par un ensemble de prémisses interdépendantes ; ou que ces propositions ne sont suffisantes pour la conclusion que si elles sont prises conjointement.
Ce vocabulaire risque de mélanger deux questions bien distinctes :
— D’une part, celle du mode de liaison de propositions dont l’ensemble constitue un seul argument, la notion de liaison étant alors constitutive de celle d’argument.
— D’autre part, celle du mode de combinaison d’arguments de façon à produire une conclusion concluante. La notion de liaison est alors constitutive de celle d’argument concluant.
1. Propositions liées de façon à produire un argument
L’expression argumentation liée s’entend comme argumentation reposant sur des prémisses liées. Comme on ne parle de prémisse (majeure, mineure, V. Syllogisme) que dans la perspective d’une conclusion, l’expression prémisses liées est un pléonasme, mais il est difficile de s’en passer. En fait, ce sont des propositions qui sont liées, de façon à les constituer en prémisses, cette combinaison constituant un seul argument soutenant une conclusion.
Le syllogisme classique a une structure liée : “tous les membres de cette Société ont plus de 30 ans”, n’est un argument pour “Pierre a plus de 30 ans” que si on la combine avec la proposition “Pierre est membre de cette Société”.
Schématisation de l’argumentation liée :
Dans la composante assertive du modèle de Toulmin, l’énoncé pris pour Donnée (Data) ne devient un argument que lorsqu’il est pris conjointement avec sa Loi de passage (Warrant) et sa Garantie (Backing). Ce schéma présente donc une structure liée.
2. Convergence et liaison
2.1 Argumentation à prémisses liées et argumentation convergente
Les notions de liaison et de convergence ne décrivent pas des phénomènes de même niveau ; plusieurs arguments convergent sur une même conclusion, et plusieurs énoncés sont liés de façon à constituer un argument (pour une certaine conclusion).
Comme toutes les argumentations convergentes sont constituées de plusieurs arguments, il s’ensuit que toutes les argumentations convergentes sont aussi, à un autre niveau, à prémisses liées, comme le montre le schéma complet de l’argumentation convergente :
— Schéma “Donnée + Loi de passage”
— Schéma “Donnée + Warrant + Backing” :
2.2 Arguments liés de façon à produire une conclusion probante
L’effet de liaison joue également sur les arguments entrant dans une argumentation convergente, dont la force n’est pas la simple résultante du cumul des forces individuelles des arguments. Les argumentations indicielles, lorsqu’elles combinent des indices nécessaires en un faisceau nécessaire et suffisant, ainsi que les argumentations au cas par cas lorsqu’elles sont exhaustives bénéficient d’un effet de liaison, faisant que le tout a une force supérieure à celle de l’addition de chacune des parties.
2.3 Arguments convergents ou prémisses liée ?
Pour répondre à cette question, on considère une conclusion soutenue par un ensemble de prémisses, on prend une prémisse particulière, on regarde ce qui se passe si elle est fausse ou si on la supprime (Bassham 2003) :
— Si ce qui reste fournit une argumentation, on a affaire à une argumentation convergente :
(1) Pierre est intelligent, il présente bien, il fera un excellent négociateur
(2) Pierre est intelligent, il fera un excellent négociateur.
(3) Pierre présente bien, il fera un excellent négociateur.
Toutes ces argumentations sont recevables ; “Pierre est intelligent” et “Pierre présente bien” sont co-orientés vers la même conclusion.
— Si ce qui reste ne constitue plus une argumentation, on a affaire à une argumentation liée :
(1) Il a plu et il a gelé, il doit y avoir du verglas.
(2) Il a plu, il doit y avoir du verglas ?!
(3) Il a gelé, il doit y avoir du verglas ?!
La première argumentation est recevable telle quelle, les autres non, sauf considération du contexte, c’est-à-dire ajout de prémisses manquantes.
Walton considère que l’intérêt de cette distinction est de l’ordre de la réfutation :
— Dans le cas de l’argumentation liée, il suffit de montrer que l’une des prémisses est fausse ou inadmissible.
— Dans le cas d’argumentations convergentes, pour réfuter la conclusion, on doit réfuter chaque argument (Walton 1996, p. 175).
Il est possible de concéder un argument dans le cas de l’argumentation convergente, on ne peut pas renoncer à une prémisse dans le cas de l’argumentation liée.
L’utilité et la praticabilité de la distinction convergent/lié ont été mises en cause par Goddu (2007).
Fondamentalement, il s’agit de déterminer si on a affaire à une ou plusieurs bonnes raisons, de structurer le flux verbal en déterminant quels sont les blocs discursivement cohérents qui viennent étayer une conclusion.