LOGIQUES du DIALOGUE
Dans les années 60 du XXesiècle, ont été développés, d’une part,différents systèmes visant à représenter formellement le dialogue argumentatif, ainsi que des recherches cherchant à définir un« ortho-langage » correspondant à la norme du comportement dialogal rationnel, capable de résoudre les différends interindividuels. Ces recherches sont associées à l’émergence du modèle pragma-dialectique dans les années 70. |
Dans la seconde moitié du XXe siècle, ont été construits différents systèmes visant à donner une représentation formelle du dialogue argumentatif.
— Else Barth et Jan L. Martens ont développé une dialectique formelle (formal dialectic) pour l’analyse de l’argumentation (Barth & Martens, 1977).
— Jaakko Hinttika s’est intéressé à la sémantique des questions et à la construction d’un type de dialogue spécifique, le dialogue de recherche de l’information (information-seeking dialogs) [1].
— Outre l’exposé et la critique de ce qu’il a appelé le «traitement standard des fallacies», Charles L. Hamblin (1970) a proposé une dialectique formelle (formal dialectics).
— À partir des travaux de Hamblin, Douglas Walton et John Woods ont développé une approche logique des fallacies (Woods & Walton 1989) et des dialogues argumentatifs (dialog games) (Walton 1989).
— La Logique dialogique (Dialogische Logik, dialog logic) de Lorenzen & Lorenz (1978) est une référence fondamentale pour le courant pragma-dialectique. Deux aspects de ces travaux peuvent être distingués, d’une part une contribution à la logique formelle, d’autre part l’extension de ce modèle à la définition du dialogue rationnel.
1. De la logique dialogique à la pragma-dialectique
La logique dialogique utilise trois formes de règles (van Eemeren et al. 1996, p. 258) :
— Règle d’ouverture (Starting rule) : le proposant commence par affirmer une thèse.
— Règles sur les coups permis et défendus dans le dialogue (voir supra).
— Règle de clôture, déterminant qui a gagné (Winning rule).
La pragmadialectique applique des règles similaires à l’analyse de l’argumentation :
— Règle d’ouverture (Starting rule) :
Règle 1. Liberté — les parties ne doivent pas faire obstacle à la libre expression des points de vue ou à leur mise en doute.
Eemeren, Grootendorst, Snoeck Henkemans 2002, p. 182-183
— Règle de clôture, déterminant qui a gagné (Winning rule) :
Règle 9. Clôture – si un point de vue n’a pas été défendu de façon concluante, celui qui l’a avancé doit le retirer. Si un point de vue a été défendu de façon concluante, l’autre partie doit retirer les doutes qu’il avait émis vis-à-vis de ce point de vue. (ibid.).
Les autres règles visent à assurer le bon déroulement d’un dialogue argumentatif en langue ordinaire visant à éliminer les différences d’opinion.
2. Une contribution à la théorie de la rationalité
Dans leur ouvrage intitulé Logische Propädeutik ; Vorschule des vernunftigen Redens (Propédeutique logique : Préliminaire au discours rationnel, 1967), Kamlah et Lorenzen se fixent pour but de fournir « les éléments et les règles de tout discours rationnel » ([the building blocks and rules for all rational discourse], cité dans van Eemeren et al. 1996, p. 248). Dans la même perspective, « si l’on veut éviter que les participants à une discussion ou à une conversation ne se lancent dans d’interminable dialogues de sourds [speaking at cross purposes in interminable monologues], leurs pratiques langagières doivent observer certaines normes et règles ». L’objectif de l’entreprise est donc la construction d’un « ortho-langage » (ibid., p. 253), définissant le comportement dialogal rationnel capable de résoudre les différends interindividuels.
Il y a évidemment une très grande différence entre cette approche de l’argumentation comme dialogue logique, et les approches interactionnelles de l’argumentation, fondées sur le dialogue naturel, qui commencent à se développer à la même époque.
[1] Hintikka, J., Saarinen, E. 1979. Information-seeking dialogues: Some of their logical properties. Studia Logica 38, 355–363 (1979). https://doi.org/10.1007/BF00370473.