Objet de la loi, Arg. de l’—

Arg. de l’OBJET DE LA LOI

L’argument du sujet de la loi demande qu’une loi soit interprétée conformément à son objet, même s’il est possible de prendre à la lettre certaines de ses expressions.

L’argument de l’objet de la loi ou du sujet dont il est question dans la loi [1] demande que telle expression figurant dans le texte de la loi soit interprétée non pas absolument mais en relation avec “ce à propos de quoi est faite la loi dont il s’agit”, V. Topique juridique.
L’argument de l’objet de la loi rappelle que l’interprétation est soumise au principe de pertinence, ici pertinence contextuelle. Alors que dans une lecture au sens strict, le mot est pris dans son sens général, dans la lecture pro subjecta materia, le mot est pris dans le sens qu’il a dans le contexte de la loi dans laquelle il entre.
Lorsque la rubrique exposant la disposition réglementaire est dotée d’un titre, l’argument de l’objet de la loi peut correspondre à l’argument de l’intitulé de la loi (a rubrica).

Territoire entièrement couvert de neige

Dans le cas suivant, l’argument amène à définir l’expression : « territoire entièrement couvert de neige » comme signifiant :

Lieu où la couche de neige est suffisante pour qu’on puisse y suivre le gibier à la trace,

puisque l’objet de la loi (materia) est la protection du gibier. Cet objet correspond à l’intention du législateur, « prévenir la destruction » du gibier ». Le sens de la même expression serait défini de façon totalement différente si la loi avait pour objet la réglementation du ski hors-piste.

L’interprétation fondée sur le sens strict de l’expression, “territoire entièrement couvert de neige” viderait la loi de tout contenu ; pour lui donner une substance il faut définir l’expression en fonction de l’objet de la loi.

Qu’entend-on par ces mots, “territoire entièrement couvert de neige” ? Si l’on interprétait cette condition à la lettre, la suspension de la chasse en temps de neige ne pourrait presque jamais produire aucun résultat. […] Le but, qu’on se propose, c’est de prévenir la destruction – or, cette destruction n’est pas préservée si je chasse, hors les bois, sur des terrains où je peux suivre le gibier à la trace, quoique les terrains avoisinants soient dépouillés de neige.
Il importe donc peu que la neige soit fondue sur une superficie de cent hectares de rochers ou de terrains marécageux, si je chasse à la neige sur le terrain voisin qui en reste couvert .
Est-il vrai – oui ou non – que, dans notre hypothèse, le but de la prohibition serait éludé, si l’on pouvait admettre une interprétation contraire – évidemment ; dès lors, il faut se ranger à notre opinion, puisque le mot entièrement, ici employé, est d’une application impossible – force est donc de ne lui attribuer que le sens et l’étendue qu’il comporte pro subjecta materia.
Ainsi je pense qu’il y a délit toutes les fois qu’on est trouvé chassant, hors les bois, sur des terrains couverts de neige, du moment qu’on peut y suivre le gibier à la trace. (Renacle Bonjean, Code de la chasse, 1816 [2])

Cinquante jours de trêve” pour “huit jours de négociation

Dans l’exemple suivant, pour donner un sens au traité, le même mot “jour” doit recevoir deux interprétations différentes.

It may be necessary to affix a different signification to the same term in different parts of the same instrument, the term being construed according to the subject matter, pro suhjecta materia. Vattel illustrates this position by an example showing that the word day might be employed in two meanings in one and the same Treaty. It might be stipulated in a Treaty that there should be a truce for fifty days upon the condition that during eight successive days the belligerent parties should, through their agents, endeavour to effect a reconciliation ; the fifty days of the truce would be days and nights or days of twenty-four hours, according to the ordinary legal computation ; but it would be irrational to contend that the condition would not be fulfilled unless the agents of the belligerent parties were, during the eight days, to labour night and day without intermission.
Robert Philimore. Commentaries upon international law. 1871 [3]


[1] Arg. pro subjecta materia : lat. subjectus, “soumis, présenté”, materia “thème, sujet, objet”.
Anglais, arg. from the subject matter of the law.
[2] Renacle Joseph Bonjean, Code de la chasse ou Commentaire de la loi nouvelle sur la chasse, vol. 1, Liège, Félix Oudard, 1816, p. 68-69
[3] Robert Philimore, Commentaries upon international law. Vol. II, 2nd ed. London, Butterworths, 1871, p. 96