ORATEUR – AUDITOIRE
La réflexion sur l’argumentation a son origine dans l’observation de pratiques fondatrices de la vie sociale en Grèce et à Rome, où des orateurs tenants de positions opposées, traitaient une question d’intérêt général devant un auditoire institutionnel ayant pouvoir de décision. |
Les partenaires de l’adresse rhétorique classique
Orateur et d’auditoire sont les termes classiques consacrés pour désigner le producteur et les récepteurs du discours rhétorique argumentatif. L’adresse rhétorique se situe dans un espace public institutionnel : assemblée politique, assemblée religieuse, tribunal), parfois cérémonie ritualisée pour le genre épidictique.
L’orateur parle sur une question intéressant toute la communauté, et sur laquelle l’assemblée a pouvoir de décision. Le discours de l’orateur est partisan, au sens où il prend parti et propose une solution à cette question. Il est en principe sur le même plan que ses opposants, qui sont d’autres orateurs intervenant sur le même problème en défendant d’autres conclusions, c’est-à-dire, d’autres solutions.
L’orateur et l’auditoire sont fonctionnellement définis par leurs caractères respectifs, ou éthos, et leurs émotions ou pathos. Le discours apporte l’information pertinente du point de vue de l’orateur) et l’argumentation qui fonde en raison la décision.
Persuader, neutraliser, se concilier… l’auditoire
La rhétorique argumentative ne parle pas d’interlocuteur mais d’auditoire : l’auditoire entend, on suppose qu’il écoute, mais on “ne donne pas la parole au public” en tant que tel, ce qui ne l’empêche pas forcément de la prendre.
Au moins en situation de face à face, auditoire institutionnel et public réel disposent de moyens de rétroaction leur permettant d’influencer l’orateur, de l’encourager ou de le déstabiliser. Ces réactions peuvent être ou non sollicitées par l’orateur, et lui être ou non favorables.
L’auditoire rhétorique est composé de personnes alignées sur l’orateur (ses alliés) d’autres qui lui sont hostiles (ses opposants) et d’autres qui sont indécises. L’orateur doit agir sur ces trois groupes, persuader les indécis, neutraliser ou retourner ses opposants et se concilier les indécis.
Auditoire particulier et auditoire universel
Dans le cadre de la nouvelle rhétorique, les contours de l’auditoire varient, sur le long chemin qui mène à l’auditoire ’universel ; seuls certains auditoires sont définis par une fonction institutionnelle.
Perelman et Olbrechts-Tyteca élargissent d’abord la notion d’auditoire pour lui faire englober la communication écrite : « Tout discours s’adresse à un auditoire et on oublie trop souvent qu’il en est de même pour l’écrit » ([1958], p. 8). C’est cet auditoire élargi — le public — qui intéresse principalement la Nouvelle Rhétorique, ce qui explique en particulier qu’elle ne s’arrête pas réellement à l’échange oral en face à face, un des objets essentiels de la rhétorique classique.
Sur cette base, sont définis deux types d’auditoires, l’auditoire universel « constitué par l’humanité tout entière, ou du moins par tous les hommes adultes et normaux » (ibid., p. 39) et les auditoires particuliers.
Cette opposition correspond à la distinction effectuée entre persuader et convaincre, et elle a valeur normative. Pour la nouvelle rhétorique, la norme de l’argumentation est constituée par la hiérarchie des auditoires qui l’acceptent. Cette position distingue fortement la nouvelle rhétorique des théories standard des fallacies, pour lesquelles la norme est donnée par les lois logiques, ou par un système de règles définissant la rationalité. V. Persuader et convaincre ; Normes ; Évaluation.