Prolepse

PROLEPSE

Par la prolepse, le locuteur peut choisir de mettre ses arguments et ses conclusions en relation avec un contre-discours qu’il prévoit et qu’il rejette. Ce contre discours anticipé peut être une reformulation du discours originel, ce qui facilite d’autant sa réfutation Le locuteur  anticipe ainsi sur la parole d’un opposant qu’il met en scène polyphoniquement. La situation est la même s’il évoque des objections qui lui ont été adressées par un opposant réel, en une autre occasion sans le citer explicitement.
Dans les deux cas, il adopte une stratégie préventive, par phagocytage des objections ou de la réfutation qu’il sent poindre :

Je sais (mieux que vous) ce que vous allez me dire, et vous avez tort.

Les énoncés circonstanciels concessifs-réfutatifs, les énoncés coordonnés par mais sont de ce type : “Tu dis / tu vas me dire que (le restaurant est bon) mais il est cher”

La structure proleptique couvre des schémas discursifs plus amples, dont la configuration correspond à la mise en scène de deux discours antiorientés, avec identification du locuteur à l’un des énonciateurs, V. Interaction §3 Polyphonie
V. Destruction ; Concession; Réfutation

1. Traitement du contre-discours dans la prolepse

Dans la prolepse, le contre-discours peut être diversement reformulé.

— Il peut être maximisé, d’une façon qui le rend plus facilement réfutable, qui lui faire dire quelque chose d’absurde. Il peut être reformulé comme auto-réfutateur ce qui garantit son rejet,

S’agit-il pour nous de ruiner tous les petits épargnants ? Non, bien au contraire, et pour bien des raisons…

— Dans le processus de raisonnement par défaut, le contre-discours donne toute sa force à l’objection, tenue pour valide jusqu’à plus ample information. Le cas échéant, le contre-discours peut être explicitement et fidèlement cité.
La composante Modalisateur-Réfutation du modèle de Toulmin est interprétable comme une prolepse de ce dernier type.

Autres terminologies

La rhétorique utilise plusieurs termes pour décrire une telle situation.
— L’antéoccupation désigne une structure réfutative, composée d’une prolepse, qui évoque la position d’un opposant réel ou fictif, suivie d’une hypobole, qui réfute cette position (Molinié 1992, art. Antéoccupation), ou qui exprime la position effectivement soutenue par le locuteur. Les structures argumentatives en mais correspondent à l’antéoccupation.

— Lausberg ([1963], § 855) mentionne avec le même sens, les termes de préoccupation, où pré- est un préfixe ayant le sens de anté-, “par avance” ; et de métathèse, définie comme une configuration discursive par laquelle le locuteur « rappelle aux auditeurs des faits passés, leur présente les faits à venir, prévoit les objections » (Larousse du XXe siècle, cité in Dupriez 1984, p. 290). Le terme de métathèse désigne également le déplacement d’une lettre ou d’un son à l’intérieur d’un mot, ou une permutation de deux lettre ou deux sons.