Maximisation – Minimisation

Comme il est plus facile de réfuter des affirmations catégoriques générales que des affirmations restreintes, il est tentant pour réfuter un énoncé de le mettre au haut degré :

L1 :    — Dans ce jardin, il y a tout de même des coins qui sont mal entretenus !
L2 :    — Écoute, ce n’est quand même pas la jungle !

Le processus de maximisation est connu en rhétorique comme figure d’exagération (Gr. deínōsis) :

Sans avoir montré que la personne a ou non commis l’acte, on amplifie (auxèsèi) cet acte. Cela donne l’impression soit que l’accusé n’a pas accompli l’acte quand c’est lui qui amplifie, soit qu’il a commis l’acte, quand c’est l’accusateur. (Rhét., II, 24, 1401b1-10 ; Chiron, p. 407)

Le défenseur utilise le topos sémantique “plus le crime est grave, moins il est vraisemblable”  ;  l’accusateur utilise le topos “plus le crime est grave, plus il doit être sévèrement puni”.

À cette tactique d’exagération correspond l’euphémisation ou minimisation, V. Stase.

1. Exagération absurdifiante

La manœuvre d’exagération absurdifiante est une figure de réfutation connue en rhétorique sous le nom d’adynaton : « on utilise dans l’argumentation à la fois hyperbole et apodioxe pour établir une position par l’exagération de l’absurde de la position contraire » (Molinié 1992, Adynaton). La réfutation par l’absurde, est radicalisée par exemple en transposant analogiquement les conclusions à d’autres situations :

Pour éviter la récidive, exécutons tous les suspects, pour ne pas avoir d’accidents, laissons les voitures au garage.

Elle peut utiliser des mécanismes de l’argumentation par la pente glissante :

Tu veux manger végétarien, pas de problème, mange de la salade, va brouter la pelouse.

Soit la question “Faut-il juger les criminels psychopathes juridiquement irresponsables”, “les fous” ? Le rejet de la proposition “il faut juger les psychopathes”, a la même structure que la pente glissante, une invitation à “ne pas s’arrêter en si bon chemin” :

Jugeons tous les actes criminels. Quel que soit le niveau de conscience de l’auteur. Et pourquoi pas un chien ? L’actualité fournit une tragique occasion de faire encore progresser la justice. […] Et pourquoi le cyclone qui a récemment ravagé les Antilles, faisant plusieurs victimes et d’immenses dégâts matériels, échapperait-il aux foudres de la justice ?
M. Horeau, « Flagrants délirants ». [1]

C’est une manœuvre de destruction du discours qui ridiculise la position adverse en généralisant son raisonnement à d’autres situations inappropriées.

2. Euphémisation

La stratégie de minimisation ou d’euphémisation se produit lorsque le fait est reconnu, mais la nature du préjudice ou la portée de l’acte critiqué sont considérées comme quasi nulles (indifférentes). Si on me reproche d’avoir volé une mobylette, je peux répondre : “oh, ça n’est jamais qu’une vieille mobylette toute cassée et sans valeur aucune”. Le sentiment associé est l’indifférence, et l’accusateur est incité à se calmer.
Tout peut être euphémisé, même la torture des gens sans importance :

30-7-84 Christian Von Wernich (aumônier [capellán] de la Police de Buenos-Aires, actuellement prêtre à Bragado) (déclaration à la revue Siete DíasQu’on me dise que Camps a torturé un pauvre type que personne ne connaît, bon, d’accord et alors ? ; mais comment aurait-il pu torturer Jacobo Timermann, un journaliste à propos de qui il y avait une pression mondiale constante et décisive, ne serait-ce que pour cela !”
Carlos Santibáñez et Mónica Acosta, [Les deux Églises] (souligné par nous) [2]

Dans les conflits de catégorisation traités par l’argumentation a pari, les partisans de l’alignement des catégories minimisent les différences entre catégories, les partisans du maintien de catégories différencies maximisent ces différences,

3. Tension exclamative

La tension exclamative radicalise les contenus et les pose au-delà de la contestation (Plantin 2020).
En terme de véridiction, il s’ensuit que la seule ouverture à la contestation est l’attaque personnelle.


[1] Le Canard Enchaîné, 29 août 2007, p. 1.
[2] Carlos Santibáñez et Mónica Acosta, Las dos Iglesias. Rapport élaboré par Carlos Santibáñez et Mónica Acosta, en commémoration du vingtième anniversaire de l’assassinat de Monseigneur Angelelli,
http://www.desaparecidos.org/nuncamas/web/investig/dosigles/02.htm], 20-09-2013