K_Représentation – Adéquation

 

Analyse de l’argumentation > Représentation

L’ambition du Dictionnaire est de caractériser un langage de représentation des pratiques argumentatives. Modéliser, c’est construire une représentation d’un certain domaine de données, en s’appuyant sur un langage où les concepts et leurs relations et leurs conditions d’application sont définis le mieux possible. Le langage de représentation détermine un ensemble d’opérations techniques qui permettent de traiter une classe de phénomènes objets. Il n’a pas pour ambition première de représenter l’essence du phénomène argumentation.

Les modèles sont évalués selon leur adéquation aux données, qui a elle-même trois facettes, l’adéquation observationnelle, l’adéquation descriptive et l’adéquation explicative. Ces notions sont proposées par Chomsky (1964) pour évaluer des grammaires concurrentes ; on peut en faire une adaptation modeste au cas du langage de l’argumentation. On parlera d’adéquation descriptive si le langage théorique permet de rendre compte d’un ensemble de données telles qu’elles sont réunies dans un corpus, de façon généralisable (non ad hoc), en respectant les intuitions d’argumentativité d’un locuteur compétent.

Une notion, par exemple un type d’argument comme l’argument par la pente glissante a un pouvoir descriptif si elle peut être mise en correspondance avec un ensemble de productions discursives concrètes ; si elle capte l’air de famille d’une collection de cas intuitivement proches.

Une théorie n’est pas descriptivement adéquate si elle ne respecte pas cette intuition première : par exemple, une théorie de l’argumentation qui ne prend pas en compte la dimension émotionnelle n’est pas descriptivement adéquate.

 

Le niveau de l’adéquation explicative est atteint si le langage théorique jette quelque lumière sur les phénomènes. Dans le cas précédemment évoqué de la pente glissante, on comprend sans problème les discours qui exploitent cette forme ; c’est précisément parce qu’on les comprend qu’on peut dire que la définition proposée du concept est ou n’est pas adéquate. L’adéquation explicative est atteinte si l’intuition seule ne permet pas de comprendre de façon satisfaisante ce qui se passe, et le langage théorique permet de comprendre. Par exemple, le début du corpus “Débat sur l’immigration et la nationalité” m’est resté longtemps totalement incompréhensible, il me semblait que rien ne se passait, jusqu’à ce que, un peu grâce à Bentham et à la forme d’intervention, ou type d’argument “Laissez-nous tranquilles !”, et à la distinction entre ouverture de l’interaction et ouverture de l’argumentation, les choses prennent un peu d’ordre et de sens (voir Plantin 2006). C’est une définition modeste de l’adéquation explicative, relative à une personne. Mais il est essentiel que la théorie soit capable aussi d’éclairer des phénomènes, c’est-à-dire produire du sens là où il n’y en avait pas.