Justification – Délibération

Justification et délibération

La différence entre la justification et la délibération est une question de référence temporelle. On délibère sur une question argumentative dont on ne connaît pas la réponse et on justifie une réponse déjà donnée à une question argumentative. La délibération se fait dans le doute, la justification sur la base d’une certitude.

— La délibération intervient dans un contexte de découverte. La délibération, intérieure ou collaborative porte sur une décision à prendre, Le raisonnement se développe des arguments jusqu’à une conclusion introduite par donc. Les arguments conditionnent la conclusion.

Question délibérative : Dois-je démissionner ?
Arguments : — J’ai envie d’aller à la pêche ; il faut que je passe plus de temps avec mes enfants
Conclusion / Réponse :  je dois démissionner

La décision étant prise, l’action suivra peut-être.

— Dans un contexte de justification le discours va de la conclusion aux arguments. J’ai démissionné, c’est un fait :

Question justificative : Pourquoi as-tu démissionné ? Justifie ta décision !
Réponse : J’ai consenti trop de sacrifices”.

Alors que la délibération est en donc, la justification est en parce que. Elle rappelle les arguments qui ont motivé la démission. Pour expliquer, rendre compte de la décision prise, je rappelle toutes les bonnes raisons qui m’ont poussé à le faire et, si nécessaire, j’en invente de nouvelles. Les mobiles intervenant lors d’une délibération intérieure peuvent n’avoir rien de commun avec les bonnes raisons avancées publiquement pour justifier la décision prise, V. Mobiles et motifs.

 

  justificative
Argumentation  
  délibérative

 

Dans le cas de la délibération, il y a une vraie incertitude sur la conclusion, qui est construite au cours d’un processus argumentatif cognitif et interactionnel. Dans le cas de la justification, la conclusion est déjà là. Le doute et le contre-discours sont fonctionnels dans la délibération, alors que la justification les efface.

Les mécanismes de l’argumentation valent pour la justification et pour la délibération. Les mêmes arguments, qui étaient délibératifs, deviennent justificatifs : on explique la décision prise, V. Explication.

La disposition textuelle (monologale) justificative expose en premier la conclusion, puis les arguments la justifiant, et réfute les arguments qui s’y opposent. La disposition textuelle (monologale) délibérative part des données, des arguments, et construit la conclusion. Le jury délibère, le jugement justifie la décision.

Les situations de délibération et de justification pures représentent des cas limites : je ne sais vraiment pas ce que je vais conclure et faire ; je suis sûr d’avoir bien fait. Un même argumentateur peut osciller d’une posture (footing) délibérative à une posture justificative, par exemple si, au cours de sa justification il remet en question la décision qu’il a prise.

Si l’on postule que toute argumentation qui se présente comme délibérative est en fait orientée par une décision inconsciemment prise, tout est justification. Mais l’organisation institutionnelle des débats réintroduit de la délibération. Le débat peut parfaitement être délibératif alors que chacune des parties vient avec des positions et des conclusions fermement établies et dûment justifiées. Le choc des justifications produit de la délibération.