Termes OPPOSÉS, OPPOSITION
1. Opposition entre termes
En philosophie, à la suite d’Aristote, on distingue quatre formes d’opposition entre concepts.
La relation d’opposition est introduite dans les Catégories (Chap. 10 et 11) et dans la Métaphysique (L. I, Chap. 4). Les concepts entrant dans une relation d’opposition sont classés sous quatre catégories :
1. Les relatifs (corrélatifs) | le double / la moitié (2) |
2. Les contraires | le mal / le bien — blanc / noir |
3. La privation et l’habitude (possession) | la cécité / la vue |
4. L’affirmation et la négation | il est assis / il n’est pas assis |
Selon Hamelin (1), ces corrélatifs se déduisent par « filiation », à partir des deux oppositions polaires, 1. et 4., par renforcements successifs du contenu négatif de l’opposition de 1. à 4, ou par affaiblissement de ce contenu de 4. à 1.
— La négation s’origine au pôle 1., l’opposition des relatifs. C’est « celle qui contient le moins de négation » (id.), les relatifs étant définis l’un par l’autre :
[Le relatif se réfère] de quelque manière que ce soit à son corrélatif. [Il] n’est ce qu’il est que par référence à son opposé.
[Les corrélatifs] sont ontologiquement simultanés. (Hamelin, p. 132-133)
— La négation atteint son maximum au pôle 4, avec « l’opposition la plus absolue [qui] est celle des contradictoires » (p. 141) :
Cette opposition « a pour caractère propre et privilégié de séparer le vrai du faux, l’un ou l’autre des deux opposés contradictoires étant vrai et l’autre faux. » (H. p. 140).
Dans cette généalogie, la relation de possession / privation se situe du côté de la négation forte, entre l’opposition des contraires et l’opposition des contradictoires. Elle admet une zone intermédiaire où on peut voir plus ou moins bien, avant de devenir plus ou moins aveugle. (3)
Les termes contraires sont une variété de termes opposés. Le terme contraire recouvre les contraires au sens strict et les contradictoires.
2. Figures et fonctions de l’opposition en argumentation (récapitulation)
Entrées principales
Antithèse
Contradiction – Non Contradiction |
Argumentation sur les termes Corrélatifs |
Listes de figures d’oppostion
Les rhétoriques des figures situent diversement les figures d’opposition, et ne réunissent pas les mêmes figures sous cet intitulé.
— Bonhomme : l’opposition recouvre l’antithèse et l’oxymore ; c’est une figure syntaxique, opposée aux figures morphologiques, sémantiques, et à base référentielle (1998 : 47).
— Fontanier : l’opposition est une espèce du genre trope « en plusieurs mots, ou improprement [dit] », et recouvre les variétés prétérition, ironie, épitrope, astéisme et contrefision ([1977]/1821 :143-154).
Dans le traité Des figures du discours autres que les tropes ([1977]/1827), l’antithèse est une « figure de style par rapprochement », comme la comparaison, la réversion, l’enthymémisme, la parenthèse et l’épiphonème.
— Lausberg ; dans le monde de l’ornatus, l’antitheton est une des quatre figures sémantiques (avec la finitio, la conciliatio, la correctio), et recouvre cinq figures : la regressio, la commutatio, la distinctio, la subiectio et l’oxymoron (§§787-807).
La liste suivante réunit 22 figures d’opposition.
Annomin ation ► Paronymie
Adynaton ► Maximisation
Antanaclase ► Inversion d’orientation
Antéoccupation ► Prolepse
Antimétabole ► Inversion d’orientation
Antiparastase ► Inversion d’orientation; Antithèse
Apodioxis ► Mépris
Astéisme ► Paronymie
Dubitation ► Question argumentative
Énantiose ► Désaccord
Euphémisme ► Maximisation
Hypobole ► Prolepse
Interrogation ► Question argumentative ; Question rhétorique ;
Oxymore ► Non Contradiction
Métathèse ► Prolepse
Paradiastole ► Inversion d’orientation
Préocccupation ► Prolepse
Procatalepsis ► Prolepse
Subjection ► Question argumentative
Cette liste, certainement redondante et non exhaustive, est proposée dans l’ordre alphabétique. Chacun de ces termes n’apparaît pas forcément dans toutes les typologies des figures, et si un terme apparaît dans une typologie, il peut y occuper des positions très différentes, en fonction des principes de classement adoptés. En outre, dans chaque typologie, « chaque catégorie de figure est définie par son marquage dominant, tout en présentant des traits secondaires non négligeables » (Bonhomme 1998, p. 14), qui seront peut-être mis en avant dans une autre typologie. Chacun de ces classements a sa logique, et chacune de ces logiques a ses limites.
Regroupement de figures selon les phases de développement de la situation argumentative
Le regroupement suivant se propose d’ordonner schématiquement quelques figures de la contradiction dialogique, en les rapportant aux moments clés du développement de la situation argumentative. Ce procédé permet également d’évoquer, par attraction, d’autres figures possibles, principalement celles qui ont trait au traitement monologique de la question, et quelques figures qui apparaissent au terme du développement du processus argumentatif.
- S’approprier la question argumentative
Le locuteur s’approprie la question pour la traiter monologiquement par des figures dites de communication : interrogation (interrogatio), subjection (subjectio), dubitation (dubitatio).
► Question argumentative
- Invalider le discours opposé
Dans les figures d’invalidation du discours, l’argument présenté ou la position construite par ,l’interlocuteur ne sont pas considérés en substance dans le discours du locuteur, mais rejetés en bloc, par des évaluations visant à :
— le détruire, notamment sur la base d’un défaut langagier.
— en particulier, le ridiculiser :
par le coup du mépris (apodioxis)
par maximisation absurdifiante (adynaton)
par l’ironie.
- Désorienter le discours opposé
Une série de figures de déstabilisation tendent à désorienter le discours contraire. On utilise les mots de l’opposant pour leur faire dire le contraire de ce qu’ils disent : “ton propre discours, tes propres mots te réfutent”: antanaclase ; antimétabole.
Il est extrêmement difficile pour un argument de pénétrer le discours de l’autre. Il ne suffit pas qu’un argument soit dit, qu’un point de vue soit exprimé, il faut encore qu’il soit entendu et repris, même pour être réfuté ou déformé ; ces actes, pour négatifs qu’ils puissent paraître, marquent en fait l’émergence de la collaboration argumentative. Les formes suivantes intègrent des éléments du discours de l’autre :
— Intégration partielle, ► Distinguo ; Dissociation
— Intégration à des fins de réfutation, après reprise et reformatage :
antéoccupation (prolepse, hypobole) métathèse,
► Réfutation, Épitrope, Objection.
— Réfutation faible correspondant en pratique à une confirmation :
►Réfutation, Paradoxe, Prolepse.
Ces figures peuvent être mises en relation systématique avec diverses facettes du développement des situations argumentatives. Elles correspondent à des moments stratégiques de l’argumentation dialoguée. Elles sont de claires manifestations d’une argumentation qui opère par confrontation directe des points de vue en compétition, avant même l’apparition des arguments.
(1) Hamelin Octave 1905 / [1985]. Le système d’Aristote. Publié par L. Robin. Paris,Vrin.
(2) Comprendre : “le double est le double de ce qui en est la moitié” (id. p. 148)
(3) Les plantes ne possèdent pas la vue, mais elles ne sont pas faites pour la posséder ; en ce sens, on ne dit pas que le géranium est aveugle.
Selon Hamelin, « le type de l’opposition de l’habitude (possession) et de la privation, c’est la cécité et la vue dans un sujet fait pour en jouir de la vue, et à l’époque où il doit en jouir. » (p. 136), ce qui n’est pas le cas des végétaux.
Ne peuvent être dits aveugles que les êtres d’un genre capable de voir. Certains humains ont perdu la vue, ils sont dits aveugles. Certains animaux terrestres (taupe, lombric), ont des yeux dysfonctionnels, incapables de voir, sont également dits aveugles. De même, les poissons ne sont pas des mammifères, mais ils ont des yeux. Certains poissons ont des yeux dysfonctionnels, et sont en conséquence également dits aveugles.