Répétition

À la différence de la reprise discursive, la répétition persuasive porte sur une affirmation figée et s’inscrit dans une stratégie d’influence à court ou à moyen terme.

La force de la répétition pour faire admettre une affirmation a été soulignée par le sociologue Gustave Le Bon :

L’affirmation n’a d’influence réelle qu’à la condition d’être constamment répétée, et, le plus possible, dans les mêmes termes. C’est Napoléon, je crois, qui a dit qu’il n’y avait qu’une seule figure sérieuse de rhétorique, la répétition. La chose affirmée arrive, par la répétition, à s’établir dans les esprits au point qu’ils finissent par l’accepter comme une vérité démontrée. […] de là la force étonnante de l’annonce. Quand nous avons lu cent fois que le meilleur chocolat est le chocolat X, nous nous imaginons l’avoir entendu dire de bien des côtés, et nous finissons par en avoir la certitude.
Gustave Le Bon, La psychologie des foules [1895] [1], Paris, PUF, 1988, p. 70.

La répétition porte non seulement sur des affirmations mais aussi sur des injonctions.
D’autre part, la citation lie la répétition au langage de la publicité et de la propagande, mais la répétition est aussi bien une nécessité pédagogique, pour les grands comme pour les petits :  Lavez-vous les mains !
Sous forme de prière ou d’invocation, la répétition joue un rôle fondamental dans l’expression du sentiment religieux. Elle porte sur des discours de toutes dimensions longs, depuis la brève formule (Seigneur prends pitié !) jusqu’à la répétition de l’intégralité du texte sacré (Coran).

La propagande politique et la publicité font un usage massif de la répétition persuasive sous la forme de syntagmes figés et rythmés, les slogans.
La répétition slogan produit une pseudo-légitimation par l’autorité du grand nombre, “on entend ça partout”, V. Consensus. À la limite, le but semble être de saturer l’environnement visuel ou sonore (noms de marque)
Elle est supposée produire mécaniquement l’accoutumance et la familiarité qui sont celles de lévidence de la quotidienneté, et, au-delà, à créer un trait identitaire – communautaire chez les personnes cibles.

L’expression répétée peut comporter une bonne raison, “Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts”. Mais sa nature mécaniques soustrait cette bonne raisons à la critique.  Le contre-discours est transformé en “discours des autres” et discrédité.

On parle d’“argumentation” par la répétition et de “preuve” par l’affirmation (proof by assertion), mais par dérision et antiphrase. Par la mécanique de la répétition, argumentation et preuve sont ou exclus ou neutralisés et transformés en vérités.

Les mécanismes de défense : dégoût et détournement

La répétition des meilleures choses conduit à la nausée : “On en a débattu jusqu’à la nausée”.
La “preuve” par la répétition est parfois désignée métonymiquement par l’étiquette latine, “argument ad nauseam” (lat. nausea, “mal de mer, nausée”), qui nomme “l’argument” à partir de la réaction de rejet physique de satiété ou d’écœurement qu’elle peut provoquer, comme si, dans l’impossibilité d’opposer efficacement un contre-discours, le corps prenait en charge la seule critique possible.

Comme le logo et le geste signe de ralliement, le slogan impose un cadre communicationnel excluant tout échange.
La répétition slogan est considérée comme fallacieuse, elle constitue même la fallacie par excellence, puisqu’elle impose l’acceptation d’un énoncé non seulement sans justification, mais contre toute justification.
Elle peut être combattus dans un autre cadre, en premier lieu par des arguments touchant au fond de la question, procédure lente et peu attractive. La répétion est toutefois particulièrement vulnérable aux répliques construites dans le même cadre, par des slogans et des logos détournés et des gestes parodiés qui neutralisent et renversent leur orientation. On trouve de nombreux exemples de tels détournements sur internet.
L’humour est un moyen très efficace de réfutationdestruction d’un discours insupportable, aussi argumenté et répété soit-il. V. Rire — Sérieux ; Ironie ; Paronymie.


[1] Paris, PUF, 1988, p. 70.