Ad incommodum

    • Lat. incommodum, “inconvénient”.

L’argument ad incommodum est défini par Bossuet comme « l’argument qui jette dans l’inconvénient » ([1677], p. 131). C’est une variante de l’usage réfutatif de l’argumentation pragmatique, par les conséquences inacceptables ou contradictoires, V. Absurde.

Bossuet illustre ce schème par un exemple destiné à réfuter les doctrines des opposants au pouvoir politique absolu sur les corps et à l’autorité ecclésiastique absolue sur les âmes.

S’il n’y avoit point d’autorité politique à laquelle on obéit sans résistance, les hommes se dévoreraient les uns les autres ; et s’il n’y avoit point d’autorité ecclésiastique à laquelle les particuliers fussent obligés de soumettre leur jugement, il y auroit autant de religions que de têtes. Or est-il qu’il est faux [mais il est faux] qu’on doive souffrir, ni que les hommes se dévorent les uns les autres, ni qu’il y ait autant de religions que de têtes. Donc, il faut admettre nécessairement une autorité politique à laquelle on obéisse sans résistance, et une autorité ecclésiastique à laquelle les particuliers soumettent leur jugement.
Jacques-Bénigne Bossuet, Logique du Dauphin [1677] [1]

La réfutation de Bossuet a la forme de deux syllogismes hypothétiques :

Sans d’autorité politique absolue, les hommes se dévoreraient : non AP D
Sans autorité religieuse absolue, les religions se multiplieraient : non AR M
Les hommes ne doivent pas se dévorer : non D
Les religions ne doivent pas se multiplie : non M
Donc il faut une autorité politique absolue :  AP
Donc il faut une autorité religieuse absolue : AR

Les deux argumentations sont présentées de façon strictement parallèle. Cet effet textuel ou stylistique a pour effet de solidariser les deux argumentations, donc les deux pouvoirs, jusqu’à l’identification. [2] Ce parallélisme est différent de celui qui est mis en œuvre dans l’argument des cas parallèles, fondé sur l’analogie de deux domaines asymétriques, un comparant et un comparé.


[1] Paris, Éditions universitaires, 1990, p. 131 (Orthographe originelle)

[2] Cette identification exclut par exemple la pluralité des religions dans une monarchie absolue, justifiant ainsi la Révocation de l’Édit de Nantes de 1685.