- Roberto Beneduce, professeur, université de Turin ;
- Alexandre Duchêne, professeur ordinaire, université de Fribourg et Haute école pédagogique de Fribourg ;
- Uta PAPEN, professeure, université de Lancaster ;
- Véronique Traverso, directrice de recherche, CNRS.
Résumé de la thèse : cette thèse se propose d’éclairer les fonctions et les usages du récit requis en français auprès de personnes étrangères, en grande proportion allophones, dans le cadre de la procédure de demande d’asile. Ce « récit d’asile » est censé détailler les motifs de départ et les craintes de persécution des demandeur.es d’asile en cas de retour, mais il est rarement rédigé par le ou la seul.e demandeur.e, faisant intervenir différent.es acteurs et actrices au cours de la procédure. Dans une approche sociolinguistique, j’examine les modalités multiples que prend sa co-élaboration au long de cette « chaine d’écriture » (Fraenkel, 2001). L’épreuve constituée par la contrainte du français est abordée ici au prisme de la notion de rite d’institution (Bourdieu, 1982) : le choix de cette focale permet de mettre en lumière les relations de pouvoir qui se jouent et qui sont négociées à travers ce récit, notamment par le biais des normes (souvent supposées) auxquelles il entend répondre. Procédant selon une « archéologie de la performance » (Clément, 2017) à partir d’un corpus pluriel composé de différentes versions de récits au cours de la procédure, d’entretiens et d’observations, l’analyse se donne pour ambition de reconstituer la trajectoire de ces récits afin d’apporter un concours à la description de l’étranger.e apte, par la manière dont il ou elle performe son récit, à intégrer la catégorie des personnes protégées au titre de l’asile. La thèse défendue est que ce récit représente le support principal du dialogue entre des instances cloisonnées. Ce cloisonnement contribue à opacifier les manipulations du récit au long de la procédure. Ainsi, l’impératif de vérité et l’injonction au sens qui échoient aux demandeur.es d’asile dans un contexte de méfiance généralisée à leur égard opère comme une technologie du pouvoir permettant d’oblitérer les facteurs déterminant l’issue d’un dossier.
Mots-clés : asile ; récit ; rite d’institution ; ethnographie institutionnelle ; sociolinguistique de l’écrit ; entextualisation.
Contact : lou.bouhamidi@ens-lyon.fr