L’axe transversal Subjectivité et Langage d’ICAR organise sa prochaine séance de séminaire. Son invitée en sera Hélène Loevenbruck, directrice de recherche CNRS en sciences cognitives au Laboratoire de Pyschologie et NeuroCognition.
Intitulé de l’intervention : Condensation, dialogalité, intentionnalité et agentivité : une perspective neurocognitive sur la diversité des formes d’endophasie
Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie ;
Une voix retentit sur le pont : « Ouvre l’œil ! »
Une voix de la hune, ardente et folle, crie :
« Amour… gloire… bonheur ! » Enfer ! c’est un écueil !
Lorsque vous lisez silencieusement ces vers de Baudelaire, entendez-vous votre voix et les fluctuations prosodiques ?
L’endophasie, ou langage intérieur, peut prendre des formes diverses selon les personnes ou les situations. On considère parfois qu’elle est développée et s’accompagne de sensations auditives, somatosensorielles ou visuelles, alors que d’autres descriptions soulignent son caractère condensé, amodal. Elle peut se dérouler sous forme de monologues ou de dialogues. Enfin, il existe des variantes intentionnelles, lorsque l’on mémorise une information, et non-intentionnelles, dans le vagabondage mental ou la rumination.
Pour rendre compte des variations selon ces trois dimensions de condensation, dialogalité et intentionnalité, nous avons introduit ConDialInt, un modèle neurocognitif situé dans le cadre du contrôle prédictif. Le phénomène de voix intérieure y est considéré comme une exaptation des prédictions sensorielles en jeu dans le contrôle de la parole à voix haute. La production de la parole est envisagée comme contrôlée hiérarchiquement, de la conceptualisation à l’articulation, en passant par la formulation, la planification motrice et la programmation. À chaque niveau, s’effectuent des ajustements qui s’appuient sur des comparaisons entre l’entrée initiale et la prédiction. L’endophasie est expliquée comme une interruption du processus de production, la précocité de l’interruption déterminant le degré de condensation. Les formes dialogales sont considérées comme incluant des propriétés indexicales et de perspective. Le degré d’intentionnalité est associé au degré de contrôle exercé sur les prédictions.
Le modèle ConDialInt est compatible avec des données neuroanatomiques obtenues dans différentes situations de parole intérieure. Il permet aussi de décrire des formes atypiques d’endophasie. En particulier, l’aphantasie auditive verbale (absence de sensation de voix intérieure) peut s’interpréter comme un extrême sur la dimension de condensation. Ces propositions ont des implications sur la nature des représentations phonologiques postulées dans les théories du traitement du langage.
La séance se déroulera en mode hybride, mercredi 3 avril 2024, de 10h30 à 12h30 (horaire de démarrage pour les membres de l’axe : 10h), en salle D4.179 des locaux d’ICAR et en visioconférence.
Le lien de connexion a été transmis via les listes de diffusion d’ICAR le mercredi 27 mars, par Matthieu Quignard.
À noter : Hélène Loevenbruck sera l’invitée, la veille, mardi 2 avril, de la prochaine ConfApéro en sciences du langage.
Contact : Emmanuelle Prak-Derrington et Matthieu Quignard